Page d'histoire : Sainte Jeanne de France Nogent-le-Roi (Eure), 23 avril 1464 - Bourges, 4 février 1505

Le triomphe et la bienheureuse Jeanne de Valois
Huile sur toile d'Etienne Parrocel, dit le Romain, XVIIIe siècle
Paris, Musée du Louvre
© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado
Modèle pour le retable commandé pour l'église Saint-Louis des Français à Rome

Ephémère et malheureuse reine de France, Jeanne de France n’a été reconnue qu’après sa mort. Honorée comme une sainte dès sa disparition, bien qu’elle n’ait été canonisée que tardivement, elle est le deuxième membre de la lignée capétienne, après Saint Louis, à avoir été ainsi distinguée.

Née en 1464 de Louis XI et Charlotte de Savoie, petite et souffrant sans doute d’une malformation osseuse, elle n’a guère connu ses parents : envoyée au château de Lignières, en Berry, dès l’âge de 5 ans, elle y passa encore de longues années après son mariage avec Louis d’Orléans, le futur Louis XII (1476). Il fallut attendre l’avènement de son frère Charles VIII, sous la régence d’Anne de Beaujeu, sa sœur aînée, pour la voir reparaître à la cour d’Amboise (1483). Malgré l’attitude de son mari, nullement empressé de remplir auprès d’elle ses devoirs d’époux, elle lui vint en aide quand le prince, révolté contre son cousin à l’occasion de la Guerre folle, fut enfermé dans la grosse tour de Bourges et elle prit en main ses affaires. L’un des premiers soins du duc d’Orléans, arrivé sur le trône en 1498 sous le nom de Louis XII, fut pourtant de faire annuler son mariage, au terme d’un procès douloureux pour l’intéressée. Celle-ci, en dédommagement, se vit gratifiée du duché de Berry où elle se retira et où, attentive à soulager les misères, elle devait rester « la bonne duchesse ». Elle s’y éteignit en 1505 dans le palais ducal de Bourges.

Imprégnée depuis son enfance de spiritualité mariale, reflétant l’influence de ses confesseurs franciscains, mais aussi sa sensibilité personnelle, elle avait fondé quelques années auparavant une communauté religieuse dédiée à l’imitation de la Vierge Marie, dans laquelle elle avait elle-même fait profession en 1504. Reconnu par le pape, l’ordre de l’Annonciade ne commença à se diffuser qu’après sa mort, surtout en Aquitaine, grâce au soutien de la famille d’Amboise, qui tenait alors le diocèse d’Albi, et en Belgique actuelle, à l’appel de Marguerite d’Autriche. L’élan religieux qui a marqué la réforme catholique, faisant une grande place à la dévotion mariale, devait accélérer son développement : on ne compte pas moins de 40 fondations dans la première moitié du XVIIe siècle, notamment en Île-de-France et en Normandie, en Rhénanie et en Lorraine. Ailleurs, notamment dans le Sud-Est, cette diffusion s’est heurtée au développement de l’ordre homonyme des Annonciades « célestes » (parce qu’habillées en bleu, au lieu du scapulaire rouge de l’ordre berruyer), fondé à Gênes par Maria-Vittoria Fornari (1604).

L’ordre a bénéficié du soutien actif des rois Bourbons qui voyaient en Jeanne de France une illustration et une figure tutélaire de la monarchie : Anne d’Autriche établit ainsi des Annonciades à Meulan, en remerciement de la naissance de Louis XIV, et les souverains successifs n’eurent de cesse d’appuyer le procès de canonisation de Jeanne ; lancé en 1614, plusieurs fois interrompu, il aboutit en 1742 à sa béatification par le pape Benoît XIV, sous le nom de Jeanne de Valois. Puis deux siècles s’écoulèrent avant que ne fût prononcée la canonisation (1950). Le moment n’était pas fortuit : Jeanne avait institué, à côté de l’Annonciade, une association de laïcs qu’elle avait baptisée « l’ordre de la paix » ; au lendemain de deux guerres mondiales, son message trouvait une actualité nouvelle.

Vincent Maroteaux
directeur des archives départementales de Seine-Maritime

Source: Commemorations Collection 2014

Liens