Page d'histoire : Début de la construction de l'aile François Ier au château de Blois Juin 1515

Château royal de Blois, aile François Ier, façade dite des loges, début du XVIe siècle.
© Château royal de Blois / cl. de Daniel Lépissier

Louis XII avait modernisé son château familial pour en faire une résidence royale, résidence habituelle des souverains. Débordant de projets enthousiastes, y compris sur le plan architectural, François Ier lance dès juin 1515 d’importants travaux à la partie du château qui abritait les logis de son prédécesseur, c’est-à-dire l’aile qui a vue sur les jardins, fierté de Louis XII et créés par Pacello da Mercogliano, ramené de Naples par Charles VIII. Comme dans bien des châteaux majeurs de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance, la vue sur les jardins depuis le château et la vue sur le château depuis les jardins s’affirment comme un caractère inhérent à la fonction résidentielle moderne.

Les travaux sont lancés simultanément du côté des jardins et sur la cour d’honneur, en conservant la muraille et les tours du XIIIe siècle ainsi que certains éléments de maçonnerie des logis médiévaux. Cette première réalisation architecturale du nouveau souverain revendique l’usage du décor à l’antique dont les ornements se conjuguent à une conception générale radicalement moderne dans le traitement des façades et de l’escalier. La façade sur les jardins est portée à sept mètres en avant de la courtine médiévale, surmontant les douves du château et intégrant les tours sans les faire disparaître. Commencée par son extrémité occidentale, elle appuie sur un soubassement appareillé deux niveaux de hautes fenêtres à croisées dotées de balcons. Ces balcons sont ouverts sur l’extérieur par un arc en cintre rampant et encadrés de pilastres, isolés ou redoublés. L’architecte, resté anonyme, s’inspire ouvertement, sans doute selon le voeu du roi, de l’aile du palais pontifical au Vatican conçue par Bramante à peine quelques années plus tôt et alors en construction. À l’extrémité, la tour conservée est enveloppée d’une double arcature superposée, celle du premier étage conduisant à une galerie franchissant les douves pour desservir les jardins.

Sur la cour, les travaux commencent par l’extrémité orientale : le rez-de-chaussée médiéval est conservé et aménagé en cuisines, supportant deux étages de logis percés de grandes croisées rectangulaires, superposées mais irrégulièrement espacées car, selon l’usage français, elles tiennent compte de la distribution intérieure avec les murs de refend et l’implantation des cheminées. L’imposante toiture percée de lucarnes et de souches de cheminées sculptées est séparée de la façade par une impressionnante corniche, dont les ornements à l’antique font écho au décor sculpté sur les pilastres du côté est de la façade. Cette corniche surmontée d’un garde-corps sculpté aux emblèmes du roi – on retrouve également la salamandre couronnée sur l’ensemble des panneaux pleins de la façade – assure une liaison continue avec l’escalier placé au centre, véritable pivot de l’édifice. Cet escalier en vis monumental est conçu comme une tour hors-oeuvre, dans la grande tradition des résidences royales du Moyen Âge comme le Louvre, tout en multipliant percements et balcons, dont les arcs et les balustrades suggèrent un jeu de deux spirales emboîtées autour de quatre contreforts verticaux ornés de sculptures et couverts d’ornements à l’antique. Lié à la seconde campagne de travaux, vers 1518-1519, cet escalier dessert les logis royaux tout en proposant aux membres de la Cour des emplacements nouveaux pour voir et être vu, notamment lorsque le roi l’utilise pour descendre dans la cour à des occasions quotidiennes ou solennelles.

Le logis royal, terminé en 1519, possède d’importantes cheminées sculptées d’un décor emblématique (deux ont subsisté au moins partiellement) ; salle et chambre (cette dernière disparue lors des travaux de Gaston d’Orléans) donnaient sur la cour, galerie, oratoire et cabinet (ce dernier conservé avec ses lambris) ouvraient côté jardins.

Une dernière campagne de travaux termine la façade des Loges par son extrémité orientale, en la coiffant d’un attique continu et en insérant au culot des échauguettes des reliefs de l’histoire d’Hercule inspirés des plaquettes de Moderno, allégorie des revendications politiques de François Ier face à Charles Quint et manifestation précoce du thème fécond de « l’Hercule français ».

Thierry Crépin-Leblond
archiviste paléographe
conservateur général du patrimoine
directeur du musée national de la Renaissance, château d’Écouen

Source: Commemorations Collection 2015

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