Page d'histoire : Edmond Charlot Alger, 15 février 1915 - Béziers (Hérault), 10 avril 2004

Edmond Charlot, jardindes Litanies, Pézenas, 2002.
© Association Méditerranée
vivante / photographie
David Huguenin

Edmond Charlot occupe dans l’histoire de l’édition française, dont il a sauvé l’honneur en des temps troublés, une place singulière.

Son grand-père maternel, d’origine maltaise, transmet à l’enfant le goût de la lecture qui animera toute sa vie. Il a la chance d’avoir comme professeur de philosophie, au lycée d’Alger, Jean Grenier dont l’influence sera décisive pour lui comme pour Camus. Le professeur encourage sa vocation de libraire et ajoute : « Je crois qu’il n’y a guère d’édition en Algérie. Vous avez une place à prendre. » Charlot franchit le pas en éditant et distribuant Révolte dans les Asturies, une pièce politique, création de Camus et de ses amis, interdite de représentation. En 1936, il ouvre une minuscule boutique, rue Charras, baptisée « Les vraies richesses » avec l’accord de Giono dont il réédite Rondeur des jours à trois cents exemplaires offerts aux premiers clients. Sur les murs sont présentées des toiles de Bonnard ! De jeunes poètes, des étudiants, des enseignants, des artistes, prennent l’habitude de se retrouver là, attirés par la personnalité du maître des lieux.

Camus fait de la librairie son bureau. Son premier livre, L’Envers et l’Endroit, paraît en 1937 et Noces en 1939. Début 1942, Charlot, qui a déjà subi la censure de Vichy, fait un séjour en prison, car Gertrude Stein a déclaré étourdiment à la radio nationale : « J’ai un éditeur à Alger qui est très dynamique et Résistant. »

Le débarquement américain de novembre 1942 fait de lui le grand « éditeur de la France en guerre ». Il reçoit mystérieusement le manuscrit du Silence de la mer et le publie à 25 000 exemplaires, très vite épuisés. Il imprime « Liberté » d’Éluard, qui sera lâché par les Anglais au-dessus de la France occupée. Mobilisé, il est affecté au gouvernement provisoire à Alger, puis en 1944 au ministère de l’Information à Paris.

Le succès de son catalogue qui ne cesse de s’étoffer, avec une riche collection de littérature étrangère, va pousser Charlot à affronter l’aventure parisienne. Le succès est foudroyant : il collectionne les prix littéraires avec Henri Bosco, Jules Roy, Emmanuel Roblès… Mais, en butte à la jalousie de ses confrères, en proie à des difficultés financières, il décide de revenir en 1950 à Alger où il ouvre, rue Michelet, une nouvelle librairie-galerie et édite ses collections « Méditerranée vivante » et « Rivages ». En 1961, considéré comme « libéral » par les ultras, il est victime de deux plasticages, attribués à l’OAS, qui anéantissent la totalité de son fonds et de ses archives.

Dès lors, il poursuit sa carrière d’abord à la radio puis dans des missions diplomatiques liées à la culture à Alger, Izmir et enfin à Tanger jusqu’en 1980. C’est à Pézenas, où sa compagne Marie-Cécile Vène ouvre une librairie, qu’il va vivre désormais, recevoir ses amis des deux rives, et reprendre chez l’éditeur Domens sa collection « Méditerranée vivante ». Il meurt en 2004. La médiathèque de Pézenas porte désormais son nom et accueille un fonds de ses éditions. « Nous fûmes son rêve, a déclaré Jules Roy, par moment il m’arrive de me demander si nous avons été assez dignes de lui. »

Frédéric Jacques Temple
écrivain

Voir Célébrations nationales 2008

Source: Commemorations Collection 2015

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