Page d'histoire : Sylvestre-François Lacroix Paris, 28 avril 1765 - Paris, 24 mai 1843

Sylvestre-François Lacroix, sculpture en bronze,
par David d’Angers, 1841, Angers, musée David d’Angers.
© Musées d’Angers, photo P. David

La formation et le début de carrière de Lacroix sont typiques de l’Ancien Régime. Issu d’une famille bourgeoise mais démunie, Lacroix reçoit une solide éducation classique et mathématique avec l’abbé Marie. Il s’engage très jeune dans un travail de rectification des paramètres intervenant dans la théorie du soleil, grâce aux nouvelles observations, dont celles de Le Monnier ; il suit les leçons de Mauduit au Collège royal, puis, en 1780, celles de Monge au Louvre. Introduit dans les cercles savants, protégé par Monge, puis par Condorcet et Laplace, Lacroix entame une carrière enseignante : professeur des gardes du Pavillon à Rochefort (fin 1782-fin 1785), assistant de Condorcet au lycée, puis de Dagelet à l’école militaire de Paris (janvier 1786-1788), professeur du corps royal de l’artillerie à Besançon (mars 1788-septembre 1793), examinateur des élèves de ce corps en 1794. Mais la méthode de formation imposée ne le satisfait pas et il ne produit aucun traité. Lacroix est alors avant tout un savant qui se fait reconnaître par ses mémoires envoyés à l’Académie sur l’astronomie, le calcul intégral et les probabilités. Il partage le 16 avril 1787 le prix de l’Académie des sciences sur la théorie des assurances maritimes. Classé pour une place d’adjoint par la section d’astronomie en 1785, troisième le 9 juin 1796 et premier le 21 novembre 1796 (mais c’est Jeaurat qui est recruté), Lacroix est élu à l’Institut le 24 mai 1799.

La réforme du système éducatif par la Convention l’engage dans une autre voie. Devenu, le 6 octobre 1794, chef de l’organisation de l’instruction publique, il y est l’un des acteurs majeurs de l’établissement des écoles centrales, participe à l’École normale de l’an III et à Polytechnique (comme examinateur, puis instituteur d’analyse de 1799 à 1808). Il enseigne les mathématiques à l’école centrale des Quatre-Nations (janvier 1796-mai 1802), au lycée Bonaparte (septembre 1804-avril 1815), au Collège de France (mai 1812-mai 1843). Il est professeur de calcul différentiel et intégral à la faculté des sciences de Paris (avril 1809-mai 1843) dont il est le premier doyen. C’est essentiellement la période 1795-1816 qui a assuré sa gloire car, outre son Traité de calcul différentiel et intégral (1797-1798), il a publié entre 1795 et 1802 son Cours de mathématiques à l’usage de l’école centrale des Quatre-Nations qui intègre les découvertes les plus récentes et contribue à la nouvelle direction donnée à l’enseignement des mathématiques, tant en France qu’à l’étranger. Il synthétise sa vision éducative dans l’Essai sur l’enseignement en général […] en 1805.

Si l’influence de Lacroix est grande dans les lycées napoléoniens, elle diminue après 1815. Il regrette à la fois le manque de liberté éducative et scientifique qui s’installe, ainsi que la décroissance de l’influence des mathématiques. Il ne publie plus d’oeuvres majeures à l’exception du Traité élémentaire du calcul des probabilités (1816) et de l’Introduction à la géographie mathématique et physique (1804 et 1827). Son activité est diminuée par une santé précaire. C’est une nouvelle génération de savants, polytechniciens et normaliens, qui prend le relais. Sa mémoire reste cependant présente jusqu’à la fin du XIXe siècle, tant pour son oeuvre didactique que pour sa philosophie.

Pierre Lamandé
maître de conférences honoraire
université de Nantes

Source: Commemorations Collection 2015

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