Page d'histoire : Marguerite de Valois Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), 14 mai 1553 - Paris, 27 mars 1615

Marguerite de Valois, première épouse d’Henri IV,
peinture à l’huile d’après Étienne Dumonstier, vers 1572.
© Musée Crozatier, Le Puy-en-Velay

« J'oubliais à vous dire, écrit Malherbe à son ami Peiresc, que la reine Marguerite mourut hier au soir à onze heures. M. de Valavez a été la voir ; pour moi, je la tiens pour vue, car il y a une presse aussi grande qu’à un ballet. ».

C’est que la dernière fille de Catherine de Médicis et d’Henri II, éphémère reine de France et de Navarre comme épouse d’Henri IV et soutien indéfectible de sa veuve, la régente Marie depuis 1610, n’avait guère laissé indifférents ses contemporains. Mariée à un protestant le 18 août 1572 (six jours avant la Saint-Barthélemy), elle était restée plus de vingt ans au coeur des conflits civils et religieux qui déchiraient alors la France, en vertu de ses liens avec leurs principaux protagonistes.

La soeur des trois derniers Valois était « entrée en politique » en 1569, à la veille de la bataille de Jarnac, comme alliée du futur Henri III. Au printemps 1574, alors que leur frère Charles IX déclinait, elle rejoignit le « tiers parti », coalition hétéroclite qui redoutait de voir monter sur le trône un prince lié aux ultra-catholiques et lui préférait son jeune frère, François d’Alençon, connu pour sa neutralité. Le « complot du mardi gras » ayant échoué, Marguerite rédigea pour son mari, également compromis dans la conjuration, la « Déclaration du roi de Navarre » qui lui servit de défense lors du procès des princes. Régulièrement impliquée dans les paix signées entre les différents camps, elle fut aussi arrêtée, critiquée, soupçonnée de trahison à chaque nouvelle crise. Elle profita de l’une d’entre elles, en 1577, pour aller en Flandre faire une « campagne électorale » en faveur de François, désormais prétendant à la direction de ces provinces désireuses de s’autonomiser du joug espagnol. Elle rejoignit ensuite son mari en Gascogne, où elle se trouva à plusieurs reprises fort mal payée des services qu’elle lui rendait. En 1585, les conflits civils et religieux s’étant compliqués d’une guerre successorale après la mort de François (Henri demeurant sans enfant), elle décida de quitter son mari, qui vivait à Pau avec la comtesse de Guiche. Emprisonnée, puis immobilisée à Usson, en Auvergne, elle y rédigea ses Mémoires et y négocia son « démariage », prononcé fin 1599. En 1605, fort active dans le démantèlement de la conjuration des d’Entragues, elle obtint l’autorisation de revenir à Paris. Elle y passa ses dix dernières années, « chérie et honorée de tous les ordres du royaume », allait écrire son secrétaire Scipion Dupleix, et surtout des gens de lettres, des savants et des artistes qui affluaient à sa cour, ainsi que de la famille royale. C’est là qu’elle écrivit un Discours sur l’excellence des femmes, l’année précédant sa mort, en réponse à un jésuite misogyne – qui le publia néanmoins !

Sans doute la renommée de la reine Marguerite se serait-elle éteinte sans la publication de ses Mémoires, en 1628, qui devinrent aussitôt un best-seller et incitèrent nombre d’aristocrates à écrire les leurs. Transformée en personnage de fiction dès la fin du XVIIe siècle, mais aussi salie par divers opposants de la nouvelle famille royale, elle devint sous la plume d’Alexandre Dumas père La Reine Margot (1844). D’innombrables littérateurs lui ayant emboîté le pas, avant que le cinéma ne s’en empare, cette grande figure des lettres et de la politique a longtemps disparu derrière ce mythe frelaté.

Éliane Viennot
professeure à l’université Jean-Monnet (Saint-Étienne)
membre de l’Institut universitaire de France

Pour en savoir plus

Marguerite de Valois est notamment connue pour ses Mémoires.

Source: Commemorations Collection 2015

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