Page d'histoire : Giovanni Niccolo Servandoni Florence (Italie), 2 mai 1695 - Paris, 19 janvier 1766

Caprice romain avec le Colisée et la pyramide de Cestius,
huile sur toile de Giovanni Niccolò Servandoni, 1731,
coll. musée de Valence.
© Musée de Valence / photo Béatrice Roussel

Acte I
Le rideau de cette pièce en trois actes se lève sur une enfance et une jeunesse florentine puis romaine dont on sait peu de choses, si ce n’est qu’elle se passa dans le sillage du peintre Giovanni Paolo Panini et de l’architecte Giuseppe Ignazio Rossi, qui formèrent le jeune Giovanni Niccolò aux arts graphiques, à celui de la construction et de la technique architecturale, à la fois antique et moderne – baroque notamment –, et lui firent découvrir les « monuments éphémères » à l’occasion de réjouissances publiques. L’artiste, qui affirmait déjà son penchant pour l’émancipation et les voyages, rejoignit Londres, où il se lia avec le cercle des néo-palladiens de lord Burlington, contribua à la décoration de théâtres et dirigea celle de l’escalier d’honneur de la résidence de lord Richard Arundell. Il quitta l’Angleterre en 1724. À cette date, il vint s’établir en France, dont ses ancêtres paternels, les Servandon, étaient originaires.

Acte II
À Paris, Giovanni Niccolò Servandoni se fit connaître comme peintre, décorateur et machiniste au sein de l’Académie royale de musique. En véritable metteur en scène, promoteur du théâtre baroque et italien, qui conjugue le mouvement, la métamorphose et l’illusion, Servandoni dévoila l’étendue de son talent en concevant de féeriques spectacles, tableaux de lumières et de sons magnifiés par des décors pivotants et des « machines volantes » qu’il réalisa lui-même, qui enthousiasmèrent les Parisiens et le firent remarquer de la famille royale. En 1729, à la naissance du dauphin, Louis XV lui demanda de participer à l’embellissement de Paris et à l’édification de monuments éphémères. Il s’exécuta avec l’entrain de ceux à qui l’on accorde une faveur. Lors du mariage de la fille aînée du roi avec l’infant d’Espagne, la Seine devint en 1739, sous la plume de son imagination fertile, la scène de magiques festivités. Auteur des plans et de la décoration de la chapelle de la Vierge à Saint-Sulpice, Servandoni fut choisi en 1732 pour édifi er le portique d’entrée de l’église. S’inspirant de la cathédrale Saint-Paul de Londres, il dessina de nombreux plans, coupes et élévations d’une façade classique et rigoureuse, surmontée d’un fronton. Au même moment, il dessina le maître-autel, que domine un baldaquin de style baroque, de la cathédrale de Sens et de l’église Saint-Bruno des Chartreux à Lyon. Entre 1737 et 1742, il fi t construire l’église de Coulangesla- Vineuse qui possède la particularité de « mélanger des éléments tirés de la culture architecturale française et italienne avec les exemples anglais dont il avait subi l’influence ». Auréolé d’une solide réputation de décorateur, d’architecte et de peintre, Servandoni semblait promis aux plus heureuses espérances. Il n’en fut rien : on le vit échouer à de nombreux concours et, poursuivi par ses créanciers, quitter momentanément la France en 1745.

Acte III
On l’appela à Londres, à Bruxelles, à Vienne, à Lisbonne enfin, où il concourut à la reconstruction de la ville détruite par le séisme de 1755. Il revint à Paris, où il expira en 1766, reconnu et décrié à la fois comme le révèle Bachaumont dans son journal : « C’était un homme d’un talent supérieur en architecture, mais d’une conduite inconcevable. » Génie de l’architecture et des arts, Servandoni préférait à l’argent la vie de bohème et de spectacles. Il est homme, selon Diderot, « que tout l’or du Pérou n’enrichirait pas. C’est le Panurge de Rabelais, qui avait quinze mille moyens d’amasser, et trente mille de dépenser. Grand machiniste, grand architecte, bon peintre, sublime décorateur, il n’y a aucun de ses talents qui ne lui aient valu des sommes immenses. Cependant il n’a rien et n’aura jamais rien. Le roi, la nation, le public, ont renoncé au projet de le sauver de la misère. On lui aime autant les dettes qu’il a, que celles qu’il ferait. »

Rodolphe de Saint Germain
historien

Source: Commemorations Collection 2016

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