Page d'histoire : Fondation du port de Sète et début du creusement du canal royal des Deux-Mers Octobre 1666

Projet de 1672 au cap de Sète, Montpellier, archives départementales de l’Hérault (C 1246/9).
© Archives départementales de l’Hérault

Au début du règne de Louis XIV, le Languedoc, qui se remettait difficilement des ravages causés par les guerres de Religion, allait se transformer grâce à deux réalisations, certes différentes mais tout autant fondatrices l’une que l’autre.

En 1663, le chevalier de Clerville, ingénieur du roi, avait été chargé par Colbert, soucieux de protéger les navires croisant en Méditerranée, de prospecter la côte languedocienne afi n d’y choisir un lieu abrité pour en faire un port. En effet, toute cette partie du golfe du Lion ne possédait aucun havre susceptible d’abriter les vaisseaux marchands, voire les galères qui y naviguaient, et le grand port français le plus proche était celui de Marseille. Clerville porta son choix sur un promontoire sauvage au bout d’une bande de terre, à la sortie de l’étang de Thau : le mont Saint-Clair et son petit village de pêcheurs du nom de Cette, aujourd’hui Sète.

Après une étude de faisabilité, Clerville entreprit la construction de ce nouveau port. Pour signifier l’importance de ce choix, le 29 juillet 1666, Mgr François Bosquet, évêque de Montpellier, célébra en grande pompe une messe, puis procéda à la cérémonie de bénédiction de la première pierre destinée à être enchâssée au bout du môle Saint-Louis encore inachevé. La fête attira une nombreuse assistance et on avait disposé deux belles fontaines à vin qui eurent un succès immédiat. Après un banquet fort abondant, la journée se termina par un divertissement qui devait rester dans les habitudes locales : les joutes nautiques. Deux équipes de seize marins s’affrontèrent, les Rouges contre les Bleus. La lutte dura tout l’après-midi… et les Rouges gagnèrent. Pendant que le port de Sète naissait au pied du mont Saint-Clair, un autre projet prenait forme du côté de Toulouse, sous l’impulsion de Pierre Paul Riquet, fermier des gabelles de son état : la création d’un canal réunissant « les deux mers », c’est-à-dire l’océan Atlantique à la mer Méditerranée en s’affranchissant du seuil de partage des eaux de Naurouze. Grâce au truchement de l’archevêque de Toulouse, Mgr d’Anglure de Bourlemont, Riquet avait pu rencontrer Colbert au Louvre en mai 1663 et lui présenter son projet. Colbert fut séduit car il y vit un moyen d’affirmer le prestige royal tout en dynamisant les terres intérieures du Languedoc par le développement du transport et du commerce des marchandises. L’originalité de ce canal venait de son approvisionnement hydraulique, dans une région où la maîtrise de l’eau était une exigence absolue. L’ingéniosité de Riquet avait résolu l’affaire en récupérant le trop-plein des eaux des rivières de la montagne Noire par un système de barrages, de rigoles et de bassins, et en le conduisant au point le plus élevé du canal, à Naurouze, d’où il alimenterait le canal à l’est comme à l’ouest. Au début du mois d’octobre 1666, le roi Louis XIV signait à Saint-Germainen- Laye un « Édit du Roy pour la construction d’un canal de communication des deux Mers, Océane et Méditerranée, pour le bien du commerce et autres avantages ». Le canal du Midi était né.

Le chantier de construction du canal fut divisé en deux entreprises faites sur mesure pour Riquet. Il obtint l’adjudication de la première fin octobre 1666. Elle comportait le creusement du canal de Toulouse à Trèbes (à côté de Carcassonne) ainsi que toute son alimentation en eau, intégrant les rigoles et les bassins de retenue dont le lac de Saint-Ferréol. Quant à la deuxième entreprise, puisque le canal devait finalement déboucher dans l’étang de Thau pour aboutir à Sète, elle comprenait la distance de Trèbes à la Méditerranée et la construction du port de Sète. Elle fut adjugée à Riquet en 1669, qui reprit à son compte les travaux d’aménagement des môles.

Le fermier des gabelles qu’était Riquet, rompu aux subtilités financières, rassurait Colbert, soucieux de la bonne réalisation du projet. Pourtant, pendant toute la durée du chantier, Riquet peina à se faire payer par les  finances royales et les états du Languedoc, les deux rechignant à verser l’argent nécessaire, l’obligeant à utiliser ses propres deniers.

La construction de ce canal de 240 kilomètres employa jusqu’à 12 000 ouvriers, dans des conditions sociales novatrices pour l’époque. Il fut inauguré en mai 1680, huit mois seulement après la mort de Riquet.

Grâce à l’opiniâtreté de cet homme exceptionnel qui y laissa sa santé et toute sa fortune, le chantier du futur canal du Midi fut le plus grand du règne du Roi-Soleil. Superbement sculpté dans la terre du Languedoc, il a été classé au patrimoine mondial de l’Unesco en 1996. Il débouche au port de Sète, lieu magnifique de soleil et de poésie.

 

Monique Dollin du Fresnel
directrice de la bibliothèque de Sciences-Po Bordeaux
chargée d’enseignement à l’université de Bordeaux

 


Source: Commemorations Collection 2016

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