Page d'histoire : Jean Charles Adolphe Alphand Grenoble (Isère), 26 octobre 1817 – Paris, 6 décembre 1891

Le « vice-Haussmann ». Ainsi qualifiait-on, non sans ironie, celui qui, durant un demi-siècle, et sous l’égide du préfet de la Seine, magnifia Paris en le dotant de somptueux parcs et jardins, véritables théâtres de verdure positionnés tels des pions sur un damier dans une capitale en métamorphose, et conçus comme les vitrines, toutes végétales, du régime impérial. Homme de l’ombre, éclairé par d’heureuses dispositions, Adolphe Alphand ne fut pas un subalterne, contrairement à ce que d’aucuns pensèrent, ni une personnalité de premier plan « Grand serviteur de la France », selon les dires de Pierre-Christian Taittinger, et de Paris en particulier, Alphand sacrifiait le monde et les honneurs à son goût de la nature et de la simplicité. Il s’adonna à sa tâche d’ingénieur en chef des embellissements de Paris, des promenades et des plantations puis de directeur de la voirie et des travaux de Paris, avec la précision et l’abnégation de l’artisan, avec le renoncement de l’homme que le destin voue à la plus éclatante mission.

Fils d’officier, il fut admis à l’École polytechnique en 1835, la quitta en 1837 pour intégrer l’École des ponts et chaussées. Devenu ingénieur ordinaire (en 1843), muté en Gironde, il fit preuve d’une inlassable énergie, autant que de fécondité dans son travail. Le baron Haussmann, qui était alors préfet de la Gironde, se lia d’amitié avec cet ingénieur probe et zélé. Appelé à Paris, ainsi qu’à un destin exceptionnel, le nouveau préfet de la Seine, qui désirait s’adjoindre celui dont il avait apprécié les qualités quelques années auparavant, fit appel à Alphand pour mener à bien la construction des promenades et des parcs paysagers qu’il désirait offrir aux Parisiens, mais aussi à Napoléon III comme les emblèmes de sa puissance. L’ingénieur, fraîchement installé à Paris et armé de l’ardeur qu’on louait, se mua en « architecte des jardins ». Dès 1854, il transforma et aménagea les bois de Boulogne et de Vincennes, le parc Monceau en 1861. Il créa le parc des Buttes-Chaumont, de Montsouris, quatre-vingt-six jardins publics que l’on dénomma « squares ». De fait, l’esprit anglo-saxon inspira l’œuvre d’Alphand. Le directeur des travaux de Paris céda à la mode des « jardins anglais » agrémentés de statues antiques, de kiosques, de bassins. « Aimant les arbres et les fleurs », d’après l’un de ses contemporains, il peupla ses espaces verts d’une foule d’arbres – entre 82 000 et 87 000 furent plantés – et de somptueux massifs floraux. Soucieux, écrira-t-il, « d’inspirer et de maintenir dans la population le sentiment du beau et le respect du passé », il fit ériger partout des œuvres architecturales et sculpturales. Ingénieur respecté, nommé inspecteur général, Adolphe Alphand fut particulièrement actif au sein de la direction de la voirie et des travaux de Paris. Il supervisa le percement de nombreuses voies parisiennes, telles que l’avenue de l’Impératrice (avenue du Bois-de-Boulogne), dessinée par Hittorff, le boulevard du Prince-Eugène (devenu le boulevard Voltaire), le boulevard Richard-Lenoir, le boulevard Saint-Germain, les avenues de l’Opéra, Mozart, Michel-Ange, Paul-Doumer, de La Muette, de Saint-Cloud (devenue l’avenue Victor-Hugo)… À la chute du régime, il poursuivit la conduite des travaux voulus par Haussmann, parachevant ainsi l’œuvre du préfet. L’exécution des travaux d’édification des différents pavillons des expositions universelles de 1878 et 1889 fut son ultime chantier. Quelques mois après la disparition du baron Haussmann, dont il occupait depuis peu le fauteuil à l’Académie des beaux-arts, Adolphe Alphand décéda subitement tandis qu’il se préparait à lire, en séance publique, l’éloge de son prédécesseur. Ses obsèques furent grandioses. Le sculpteur Jules Dalou conçut, avenue Foch, un monu- ment à sa gloire, d’une ostentation aussi grande que l’avait été l’humilité de l’intéressé.

Rodolphe de Saint Germain historien

 

Source: Commemorations Collection 2017

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