Page d'histoire : Mata-Hari Leeuwarden (Pays-Bas), 7 août 1876 – Vincennes (Val-de-Marne), 15 octobre 1917

Mata-Hari dansant dans la bibliothèque du musée Guimet, photographie non signée, 13 mars 1905, Paris, musée Guimet – musée national des Arts asiatiques.

Le 24 juillet 1917, un procès s’ouvre à Paris. L’accusée, une Néerlandaise de quarante et un ans nommée Margaretha Zelle, connue du grand public sous le nom de Mata-Hari*, est jugée pour « espionnage et complicité d’intelligence avec l’ennemi ». Le procès dure trois jours. André Mornet, substitut du procureur, pourfend « la Salomé sinistre qui joue avec la tête du soldat français » et obtient la condamnation à mort. Le président de la République rejette le recours en grâce. Le 15 octobre suivant Mata-Hari tombe sous les balles d’un peloton d’exécution. « L’espionne allemande, la Bochesse » vient de payer pour ses crimes ! Mata­Hari, demi­-mondaine, espionne par hasard, agent double par nécessité, vient, plus prosaïquement, d’être fusillée « pour l’exemple ». Elle est fusillée parce qu’au cours de cette année trouble le gouvernement entend montrer à la nation qu’il est fort, qu’il est intraitable, qu’il poursuivra la guerre sans faillir.

Mais comment donc Margaretha Geertruida Zelle, modestement née le 7 août 1876 dans la petite commune de Leeuwarden aux Pays-­Bas, devient-­ elle celle que le commissaire de la sûreté Priolet arrête pour espionnage à Paris, au Plaza Palace Hôtel, le 13 février 1917 ? Tout commence lorsque Margaretha Zelle, devenue en 1898 Mata-­Hari (« Œil de Jour » en malais), se sépare de son mari, officier hollandais en garnison à Java, pour s’installer en France et devenir danseuse orientale et… croqueuse d’hommes dans les premières années du siècle naissant. Elle côtoie un Tout-­Paris qu’elle envoûte. Son succès est réel mais éphémère. Son orien­talisme de pacotille ne résiste pas à la mode qui change et lui préfère les Ballets russes de Diaghilev. Lorsque la guerre éclate, Mata-­Hari, la cosmopolite qui ne vit plus que de ses charmes, est désorientée. À presque quarante ans elle a besoin d’argent. C’est alors qu’elle est recrutée par les services de renseignement allemands, et devient l’agent H 21 envoyé en mission à Paris. Son inconstance fait d’elle une piètre espionne. Elle tombe dans les filets français. Elle propose alors ses services au capitaine Ladoux, le « chasseur d’espions » de l’état-­major. Sans avoir jamais vraiment espionné, Mata-­Hari, devenue tout à la fois espionne et agent double, pense qu’elle va pouvoir se servir aussi bien des Allemands que des Français pour continuer à vivre dans les meilleurs hôtels européens. C’est sa seule véritable ambition. Elle se trompe. Les Allemands décident de s’en débarrasser en orientant vers elle le contre-­espionnage français. Ils la renvoient à Paris et accompagnent son départ d’un télégramme chiffré dont les Français possèdent la clef. Ce qui la condamne.

* Les deux graphies (avec ou sans trait d’union) sont admises.

 

Frédéric Guelton, historien, membre du conseil scientifique de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale

 

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Voir aussi : 

 

Source: Commemorations Collection 2017

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