Inventaire d'archives : Série B – Cours et juridictions. – Parlements. – Bailliages et autres juridictions secondaires. – Cour des Comptes. – Cour des...

Titre :

Série B – Cours et juridictions. – Parlements. – Bailliages et autres juridictions secondaires. – Cour des Comptes. – Cour des Aides. – Cour des Monnaies.

Contenu :

Présentation du contenu
COLLECTION DES INVENTAIRES-SOMMAIRES DES ARCHIVES DÉPARTEMENTALES ANTÉRIEURES A 1790,
PUBLIÉE PAR ORDRE
DE SON EXCELLENCE M. LE COMTE DE PERSIGNY, MINISTRE DE L'INTÉRIEUR.
PREMIERE PARTIE.
ARCHIVES CIVILES
RAPPORT A SA MAJESTÉ L'EMPEREUR.
SIRE,
J'ai l'honneur de présenter à Votre Majesté les deux premiers volumes de l'Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790.
Votre Majesté regrettait, dans la Préface d'une de ses œuvres, que l'idée émise un jour par Napoléon Ier n'eût pas été exécutée. Le fondateur de votre dynastie voulait que les savants créassent des catalogues, par ordre de matières, des sources authentiques où les auteurs écrivant sur une branche quelconque du savoir humain pourraient aller puiser leurs renseignements. « Aujourd'hui, ajoutiez-vous, Sire, l'homme désireux de s'instruire ressemble à un voyageur qui, pénétrant dans un pays dont il n'a pas la carte topographique, est obligé de demander son chemin à tous ceux a qu'il rencontre. »
La publication dont j'ai l'honneur de soumettre la première partie à Votre Majesté est en voie de réaliser ce projet de l'Empereur.
Les Archives départementales, formées en 1790, dans les chefs-lieux des préfectures actuelles, par la réunion de tous les titres provenant des intendances, cours des comptes, bailliages, évêchés, monastères, châteaux, etc., constituent un vaste et magnifique ensemble de documents authentiques, comparable en richesse et de beaucoup supérieur en nombre à l'important dépôt des Archives centrales de l'Empire. — Si ce dernier dépôt renferme le Trésor des Chartes royales et les actes émanés des anciennes administrations établies au siège même du Gouvernement, les Archives départementales comprennent, de leur côté, toutes les collections de nature analogue que possédaient nos provinces, c'est-à-dire la France entière à l'exception de Paris. Elles contiennent donc d'abord, d'une manière spéciale et complète, ce qui se rapporte à l'histoire des provinces, des communes et des propriétés particulières, ainsi qu'aux intérêts des familles qui les ont habitées.
Elles offrent, en outre, un grand nombre de titres précieux pour l'histoire générale, et notamment les actes promulgués par les souverains dans le royaume pour notifier leur avènement, annoncer leurs plans de réforme, demander adhésion à leur politique, etc. Telles, par exemple, les lettres de Philippe le Bel réclamant l'appui de ses vassaux dans la lutte contre le Saint-Siège, organisant les élections générales des représentants du pays, prescrivant l'arrestation des Templiers et justifiant cette mesure; telles aussi ces circulaires dans lesquelles Charles IX décline la responsabilité de la Saint-Barthélemy, etc.
A un autre point de vue, les Archives départementales fournissent encore à l'étude de l'histoire générale et de l'administration publique d'innombrables matériaux. Avant l'organisation uniforme de la France en départements, chacune de nos provinces avait conservé plus ou moins son autonomie, et, à mesure qu'on remonte dans le passé, les individualités provinciales prennent un caractère plus indépendant de l'action du pouvoir central. — Ce ne sont plus alors des parties d'un empire, mais de véritables États souverains (Bourgogne, Provence, Lorraine, Bretagne, etc.), qui traitent parfois d'égal à égal avec le roi de France, possèdent une administration propre, une représentation en quelque sorte nationale, une cour princière protectrice des sciences et des arts et entretiennent des relations diplomatiques séparées, soit avec la France, soit avec l'étranger.
On comprend, dès lors, que les éléments de l'histoire générale et de l'administration publique de notre pays soient aussi divisés que le pays l'était lui-même, et que l'étude de nos provinces dans leurs rapports entre elles et avec Paris puisse seule donner l'intelligence complète et la juste appréciation de l'ensemble des faits.
S'il était besoin de démontrer cette solidarité d'intérêt historique, il suffirait, Sire, de rappeler un exemple qui a déjà frappé l'attention de Votre Majesté. La précieuse correspondance de Charles le Téméraire, indiquant jour par jour la marche de ses armées et révélant ses projets (documents conservés aux archives de Dijon), n'intéresse-t-elle pas autant l'histoire du règne de Louis XI que celle de la Bourgogne elle-même? Et, pour descendre à une époque plus rapprochée de nous, comment se rendre compte de l'importance de la Ligue, sans en avoir étudié les nombreuses ramifications provinciales, dont les archives de nos départements nous livrent aujourd'hui le secret ?
Enfin, si nous abordons l'histoire des sciences et des arts, de l'agriculture, du commerce, de l'industrie, de toutes les branches, en un mot, des connaissances humaines ou de l'administration, l'étude particulière des documents que recèlent nos provinces ne sera pas moins féconde. N'est-ce pas dans les archives de leur patrie ou des villes qu'ils ont habitées que l'on rencontre, sur nos grands hommes, le plus de renseignements? Peut-on faire l'histoire du droit, de la médecine, de la littérature, de la sculpture, de la peinture, etc., sans consulter les titres que nous ont conservés Valence et Toulouse sur Cujas, Montpellier sur Rabelais, Rouen sur Corneille, Marseille sur Puget, Nancy sur Callot, etc.; et, pour des questions que l'on pourrait croire toutes modernes, qui se douterait, par exemple, si les archives des Bouches-du-Rhône n'en fournissaient la preuve, que déjà au XVe siècle la France et le Piémont projetaient de concert le percement des Alpes ?
En résumé, Sire, les Archives départementales contiennent l'histoire de nos provinces dans ses moindres détails, des éléments de tous genres pour l'histoire générale du pays et une quantité innombrable d'actes relatifs aux familles et aux propriétés particulières.
Il était donc désirable que ces riches dépôts, inexplorés et trop méconnus jusqu'à ce jour, fussent mis en valeur au profit des intérêts qui s'y rattachent.
La loi du 10 mai 1838, en classant parmi les dépenses ordinaires des départements les frais de garde et de conservation de leurs archives, avait permis d'en effectuer la mise en ordre et de réaliser successivement plusieurs améliorations. Mais il était réservé à l'initiative de Votre Majesté d'imprimer à cette partie de l'administration une impulsion décisive.
Le décret impérial du 22 juillet 1853, que j'avais préparé d'après vos ordres, donna aux Archives départementales une organisation plus large et plus régulière.
Habilement secondé par les chefs de service de mon ministère, et notamment par le personnel du Bureau des Archives, je confiai à l'expérience d'Inspecteurs généraux sortis de notre savante École des Chartes le soin de visiter les archives des départements, des communes et des hôpitaux, afin d'en surveiller la conservation et le classement, de diriger le personnel, d'après une méthode uniforme, et de relier entre eux les efforts jusque-là isolés des archivistes dans le but de les faire concourir à l'exécution de l'Inventaire que je voulais créer.
Les travaux antérieurs n'avaient eu pour résultat que la publication d'un Tableau général donnant, pour chaque dépôt d'Archives départementales, le titre et l'état numérique des fonds qu'il comprenait ; cela ne pouvait pas suffire. Il importait surtout de faire connaître le contenu même de ces fonds, de révéler les ressources qu'ils offrent pour tous les genres de recherches.
Dans ce but, Sire, je prescrivis, en 1853, une méthode d'inventaire-sommaire qui donne l'analyse de chacun des articles (cartons, liasses ou volumes) dont les archives sont composées. En même temps que ce travail assure la conservation des documents exposés jusques alors à de si regrettables dilapidations, en constatant publiquement leur nombre et leur état matériel, il en indique la date et le contenu par des citations de natures diverses, dont la réunion formera, pour ainsi dire, une table générale des matières.
L'établissement de cet inventaire-sommaire donna presque immédiatement d'importants résultats, et, dans un rapport adressé à Votre Majesté le 20 juin 1854, je pouvais déjà lui annoncer que cette opération, en pleine exécution dans toutes les préfectures, avait amené la découverte d'un grand nombre de titres précieux. Les archivistes départementaux, formés pour la plupart à l'enseignement de l'École des Chartes, ont secondé les vues de l'Administration centrale avec zèle et dévouement, et, grâce à leurs efforts, que je regarde comme un devoir de récompenser en faisant améliorer de plus en plus la position de ces fonctionnaires, les inventaires des archives civiles étaient, l'année dernière, après huit ans d'un travail assidu, généralement terminés. Il restait, pour mettre en lumière toute leur valeur, à en entreprendre la publication ; dès ma rentrée au ministère de l'intérieur, je me suis occupé d'en préparer les voies et moyens.
J'ai fait appel aux départements, plus intéressés que personne à publier le catalogue des richesses historiques qu'ils possèdent et des documents d'intérêt particulier dont la loi les autorise à délivrer des expéditions rétribuées. L'empressement à peu près unanime avec lequel les Conseils Généraux ont adopté ma proposition et voté les frais d'impression nécessaires montre que les avantages d'une œuvre aussi importante ont été appréciés.
Dès à présent, cette publication s'exécute simultanément dans toute la France, d'après un même modèle, dans un même format, et tirée à un nombre d'exemplaires suffisant pour assurer l'échange entre les préfectures et faire une large part à la publicité ; elle constituera dans chaque département un centre de recherches d'autant plus faciles que, par les soins de mon ministère, il sera dressé une table générale, résumé et complément de l'œuvre.
Les deux volumes que j'ai l'honneur de placer sous les yeux de Votre Majesté concernent 54 préfectures, renferment 1,683 pages de texte et présentent l'analyse de 12,000 volumes manuscrits, 5,670 plans, 10,978 liasses contenant un total de 732,946 pièces, dont la plus ancienne remonte au commencement du VIIIe siècle.
J'ose espérer que Votre Majesté trouvera ce travail digne de sa haute approbation, surtout si elle daigne considérer que la première feuille n'a été mise sous presse qu'au mois de janvier dernier. Elle peut ainsi prévoir la marche rapide que cette publication est destinée à suivre et l'importance des résultats qui s'ajouteront chaque jour à ceux que j'ai l'honneur de lui signaler.
A l'exemple des départements, et dans le même format, plusieurs administrations communales et hospitalières ont commencé à faire imprimer l'inventaire de leurs collections, et cette seconde opération, exécutée conjointement avec la première, permet, dès à présent, d'entrevoir le moment où l'ensemble de ces travaux, encouragés par votre auguste patronage, constituera un véritable monument national.
Je suis, avec un profond respect,
SIRE,
DE VOTRE MAJESTÉ
Le très-humble serviteur et fidèle sujet,
Le Ministre de l'intérieur, F. DE PERSIGNY.
Approuvé :
NAPOLÉON.
Par décret impérial, rendu sur la proposition du ministre de l'intérieur, ont été promus ou nommés dans l'Ordre impérial de la Légion d'honneur :
Au grade d'officier. — M. Eugène de Stadler, inspecteur général des Archives départementales : services exceptionnels dans l'organisation de l'Inventaire.
Au grade de chevalier. — M. Aimé Champollion-Figeac, chef du bureau des Archives départementales, auteur d'ouvrages sur l'histoire de France.
2e RAPPORT
A SA MAJESTÉ L'EMPEREUR.
SIRE,
Un de mes prédécesseurs a eu l'honneur de présenter à Votre Majesté, le 3 août 1862, les deux premiers volumes de Y Inventaire sommaire des Archives départementales antérieures à 1790, et un rapport destiné à faire connaître le but et les avantages de cette publication.
Depuis cette époque, grâce aux encouragements de Votre Majesté, ce travail a pris une extension considérable et il n'a cessé d'être poursuivi avec une activité dont je me plais à signaler les résultats. Tous les départements ont commencé la publication de leurs inventaires, à l'exception des trois départements récemment annexés à l'Empire, dont les Archives n'ont pu encore être constituées entièrement, et de deux autres qui attendent que la situation de leurs finances leur permette de l'entreprendre. L'Administration peut mettre aujourd'hui à la disposition du public 35 volumes complètement terminés. Les fascicules divers distribués aux conseils généraux en représentent à eux seuls une quantité au moins égale. Enfin, le nombre des pièces ou registres analysés s'élève au chiffre de 4,608,239.
Seize des principales villes de l'Empire se sont empressées de suivre l'exemple donné par les départements, et sept d'entre elles ont terminé déjà leur publication.
Je signalerai particulièrement à Votre Majesté le premier volume imprimé par la ville de Lyon.
On y trouve une précieuse correspondance politique avec les souverains de France, d'Espagne, de Savoie, avec les chefs de la Ligue, les agents du Roi Catholique et du Saint-Père. Les arts n'y sont pas oubliés et l'histoire biographique y recueillera de curieux détails sur l'origine, les travaux et les succès des peintres et des sculpteurs employés à l'occasion de fêtes et d'entrées solennelles, d'artistes de tous genres, parmi lesquels on remarque Pierre Evrard (1455), Péréal (1511), Sébastien de Bologne, l'architecte Philibert de Lorme, un grand nombre de graveurs de plans, de monnaies, de médailles, le relieur Pierre Maury, Nicolas Grolier, etc.
Quatre administrations hospitalières ont également commencé l'impression de leurs Archives. L'Assistance publique à Paris vient d'achever le premier volume relatif à l'Hôtel-Dieu. Ce document retrace rue par rue et maison par maison la topographie de l'ancien Paris, et abonde en intéressantes indications.
Des titres importants pour les intérêts de l'État et des communes se retrouvent dans les documents antérieurs à 1790. Le classement et l'inventaire en ont fait découvrir un certain nombre dont on ignorait l'existence ou que l'on croyait détruits, et il a suffi de les produire pour obtenir, en 1863 et en 1864, la solution de procès pendants depuis longues années. Ces titres figurent particulièrement parmi les anciens cartulaires, parmi les cadastres, les terriers, les plans de routes, les partages de biens communaux, les concessions de terrains vagues et incultes. J'ai remarqué, dans ces mêmes collections, des renseignements précieux sur de grands travaux effectués ou étudiés avant 1790, tels que : défense des côtes maritimes à Rouen, au Havre, à Dieppe, à Saint-Valéry-en-Caux, etc.; mesures contre les inondations en Touraine; endigue ment du Rhin; établissement de canaux, projets sur les mines, les carrières, les haras, les pépinières, les opérations du service des ponts et chaussées, l'extinction de la mendicité et du paupérisme. Les actes qui nous sont restés sur les fondations d'hôpitaux, la création des manufactures, l'organisation d'ateliers de travaux d'utilité publique, fournissent des éléments pleins d'intérêt pour l'étude de questions qui préoccupent encore aujourd'hui tous les gouvernements.
A côté des actes administratifs émanés du pouvoir central ou de sa représentation directe, il en est qui se rattachent à la vie politique du pays, à l'intervention de ses députés dans les affaires générales de l'État et dans les affaires particulières des provinces et des villes. Tels sont les papiers relatifs aux États-Généraux, aux assemblées des notables, aux assemblées provinciales, précieux documents qui sont tout à la fois le testament de l'ancienne société et la préface de la Révolution française.
Comme les provinces et les communes, les familles ont un intérêt incontestable à cette publication. En effet, les simples états de répartition de l'impôt ne servent pas seulement à délimiter d'anciennes propriétés; ils déterminent aussi et constatent la situation nobiliaire d'un grand nombre de personnes au moment de la Révolution. Les élus chargés de faire la répartition des impôts n'admettaient pas sans des preuves rigoureuses l'exemption des charges financières que procuraient à ceux qui les possédaient légalement les terres nobles et les titres nobiliaires.
Aussi, voit-on un illustre savant du XVIIe siècle, Claude Saumaise, se montrer aussi habile défenseur de ses prétentions nobiliaires que perspicace archéologue lorsqu'il s'agit de déchiffrer une antique inscription, et l'histoire constate-t-elle sans étonnement que les échevins de Lyon apportaient plus de persévérance à faire rechercher, après les troubles de la Ligue, les lettres patentes qui leur conféraient l'anoblissement, qu'à préserver la cité des invasions des Bohémiens, Egyptiens, bateleurs et nécromanciens, qui venaient augmenter les charges de l'Aumône générale, plus spécialement fondée pour les ouvriers sans emploi ou invalides.
Les jugements des intendants, connus sous le nom de maintenue de noblesse, complètent l'ensemble des documents servant à éclairer l'histoire et l'état des familles.
Notre ancienne organisation judiciaire est représentée dans les archives des préfectures par un grand nombre de registres et de dossiers provenant des Parlements provinciaux, des sièges royaux du premier degré : Présidiaux, Sénéchaussées et Bailliages. A ces documents concernant la justice du royaume, s'ajoutent les actes des justices seigneuriales qui représentent jusqu'au seuil même de la Révolution les derniers vestiges des pouvoirs locaux, issus de la féodalité.
La jurisprudence de ces tribunaux variait à l'infini. En Bourgogne, par exemple, il n'en coûtait que 10 francs d'amende, en l'année 1385, pour avoir aidé à rançonner les ambassadeurs du comte de Savoie et du marquis de Montferrat ; mais cette procédure avait nécessité des « écritures qui occupaient 50 pieds de long, » et le pied était taxé un gros et demi. A Rouen, au XIIIe siècle, la médisance de la part d'une femme était punie d'une immersion dans la Seine, répétée trois fois de suite. Le meurtre d'une femme mal famée se rachetait par 5 francs d'amende. Dans l'Orléanais, les faux témoins avaient la langue percée avec un fer rouge, et étaient ensuite battus de verges de la main du bourreau par les rues de la ville.
L'histoire du génie français dans ses manifestations multiples est écrite dans nos Archives. L'Université y retrouve les traits de sa puissante organisation et l'éclat dont elle a brillé dans les écoles d'Avignon, de Caen, de Poitiers, de Toulouse, etc. Des documents pleins d'intérêt révèlent le progrès accompli pendant les derniers siècles dans l'architecture, les beaux-arts et leur application à l'industrie, dans les procédés relatifs à la peinture sur verre, à la tapisserie, à la peinture sur émail et à la sculpture sur pierre et sur bois, qui tint une si grande place, non-seulement dans l'ornementation des monuments publics, mais encore dans la décoration des habitations privées.
Tels sont encore, pour l'architecture civile et religieuse, les titres nombreux qui concernent l'église de Brou, chef-d'œuvre du seizième siècle, la Sainte-Chapelle de Dijon, le Palais des Dauphins, le château de Gaillon et ses peintures dues à des maîtres italiens, enfin les habitations royales de Fontainebleau, de Vincennes, Blois, Amboise, etc.
Dans un autre ordre de faits, les Inventaires des Archives départementales signalent à l'attention du public lettré des documents très-importants pour l'appréciation d'un des événements les plus graves de l'ancien régime, la révocation de l'Édit de Nantes, et d'une de ces institutions les plus décriées, les lettres de cachet. Les historiens pourront désormais réviser, sur ces deux questions, avec les éléments d'information les plus certains, les opinions les plus accréditées jusqu'à ce jour.
J'ai l'honneur de signaler aussi à Votre Majesté une foule de renseignements curieux relatifs aux personnes. A l'aide des Archives, on peut aujourd'hui suivre pas à pas la plupart des hommes qui ont un nom célèbre dans notre ancien gouvernement, et reconstituer, même à leurs débuts dans la vie publique, la biographie de quelques-unes de nos illustrations littéraires, scientifiques ou militaires. Entre mille autres faits du même genre, on y apprend que Georges Cuvier remplissait dans sa jeunesse les modestes fonctions de greffier de la commune de Bec-en-Cauchois. Les délibérations de cette commune, toutes rédigées par lui et transcrites de sa main, nous en fournissent la preuve. Pierre Corneille tenait les registres de la fabrique de l'église de Rouen, et, quoique marguillier, il y inscrivait parfois ses réflexions personnelles contre les mesures adoptées par ses collègues. Une petite localité de Seine-et-Marne, la commune d'Avon, presque inconnue aujourd'hui, conserve des livres paroissiaux du plus haut intérêt et qui révèlent l'état civil des plus grands artistes, au premier rang desquels se placent Léonard le Flamand, François de Bologne, Sébastien Serlio, le Rosso, Antoine Jacquet de Grenoble, le Primatice, Nicolo dell' Abbate, Jean de Hoëy, Fréminet, Ambroise Dubois et des savants illustres, tels que le mathématicien Bezout, le naturaliste Daubenton, etc.
Cet exposé sommaire suffira pour établir l'intérêt que présente, aux points de vue les plus divers, l'œuvre entreprise par M. le duc de Persigny.
C'est là, Sire, je puis le dire avec confiance, l'une des enquêtes les plus considérables qui aient jamais été ouvertes sur le passé de la France. Elle embrasse sous toutes ses faces la vie multiple de l'ancienne société française. Elle jette un jour vif et nouveau sur les relations du pouvoir central avec les gouvernements provinciaux et les administrations communales, les relations des cités entre elles, la situation de chacune de ses castes, et elle nous fait assister, par des actes authentiques, au grand et laborieux développement de notre patrie.
Les conseils généraux, qui jusqu'ici ont pourvu à toutes les dépenses du service des Archives, continueront, je n'en doute pas, leur concours empressé à une publication qui a obtenu les suffrages unanimes du monde savant.
En ce moment, je vais étudier le système le plus convenable pour la rédaction de tables générales alphabétiques, qui, à mesure de l'impression, permettraient d'embrasser d'un coup d'œil tous les documents relatifs à une même question administrative ou historique.
En terminant ce rapport, Sire, je considère comme un devoir de signaler à l'Empereur les services rendus par le Bureau des Archives, les inspecteurs généraux placés sous mes ordres et les archivistes départementaux, auxiliaires aussi modestes qu'érudits, sortis, pour la plupart, de l'École impériale des Chartes, et dont le dévouement mérite les plus grands éloges.
C'est à tous ces efforts réunis qu'on doit la marche rapide du grand travail dont je viens de soumettre à l'Empereur les principaux résultats.
Je suis avec un profond respect,
Sire,
De Votre Majesté,
Le très-humble, très-obéissant
et très-fidèle serviteur et sujet
Le ministre de l'intérieur, LA VALETTE.
INVENTAIRE-SOMMAIRE DES ARCHIVES DÉPARTEMENTALES ANTÉRIEURES A 1790,
RÉDIGÉ PAR M. ROSSIGNOL, ARCHIVISTE.
COTE-D'OR.
ARCHIVES CIVILES. — SÉRIE B.
CHAMBRE DES COMPTES DE BOURGOGNE, Nos 1 à 3632.
TOME PREMIER.
PARIS,
IMPRIMERIE ET LIBRAIRIE ADMINISTRATIVES DE PAUL DUPONT.
1863
ARCHIVES DE LA CHAMBRE DES COMPTES DE BOURGOGNE.
Pour comprendre toute l'importance de ces Archives, il suffisait naguère de lire ces trois mots, écrits en lettres d'or sur la porte du palais où cette Cour siégeait : FIRMAMENTVM CAETERORVM ORDINVM ; mais nous en sommes aujourd'hui déjà si éloignés qu'ils ont besoin d'une traduction, comme s'ils sortaient des ruines de Ninive.
La Cour impériale des Comptes actuelle et celle de Bourgogne ont quelque chose de commun : la comptabilité nationale surveillée et jugée. Dans l'une comme dans l'autre, on pèse les recettes et les dépenses, on apure les comptes, on examine si les receveurs sont quittes, en avance ou en débet; mais là s'arrête leur ressemblance ; elles sont l'image de deux mondes distincts.
Notre Cour des Comptes ne s'attache guère qu'au chiffre, dans lequel le législateur l'a cantonnée. Dans la vieille Cour, le chiffre était animé de toute la vie contemporaine, publique, souvent privée et secrète. Il est muet aujourd'hui; autrefois, il parlait, accompagné qu'il était des documents, de tous les faits qui l'engendraient. La Chambre des Comptes était administrative et judiciaire, l'œil et la main des ducs et des rois. C'est par elle qu'ils voyaient, régissaient, défendaient et cultivaient leurs châtellenies ; par elle qu'ils en recueillaient et distribuaient les fruits, qu'ils descendaient dans tous les détails de leurs fermes. Ce qui nous intéresse davantage, c'est par elle qu'ils tenaient note de tout ce qui s'y passait, des plus petites comme des plus grandes choses.
C'est par la Chambre des Comptes qu'ils atteignaient les feudataires à tous les degrés ; par elle qu'ils recevaient les foi et hommage, qu'ils reconnaissaient, décrivaient et inventoriaient les fiefs, le compas à la main. Les hommages, les dénombrements, les reprises étaient des vérifications périodiques qui empêchaient le fief de s'amoindrir, de s'éteindre, de se détacher de la Couronne, le premier anneau de la chaîne féodale.
C'est par la Chambre des Comptes qu'ils saisissaient le fief, quand le vassal était infidèle, ou qu'il négligeait de faire l'aveu en entrant en jouissance. Lorsqu'on achetait un fief ou qu'on en héritait, on était tenu, à peine de confiscation, d'en reconnaître l'origine, d'en préciser l'étendue, de confesser la servitude qui y était attachée. L'homme vivant et mourant était stipulé dans l'obligation féodale, engagé de génération en génération par-devant la Chambre des Comptes, qui tenait ainsi le grand-livre de la dette sacrée.
Devant elle se .vidaient toutes les contestations domaniales, qu'elles fussent personnelles ou financières. Les recettes, les dépenses de toute nature, les amortissements, les eaux et forêts, sous le titre de Gruerie, les anoblissements, les naturalisations, les foires, les péages, la vénerie, les affranchissements individuels ou collectifs, les dons, les pensions, les aliénations, les amortissements, les concessions de privilèges, les érections de terres en dignités, tout ce qui touchait au domaine, de près ou de loin, relevait de la Chambre des Comptes.
Elle intervenait même par son vote dans l'élection du vicomte-maïeur de Dijon, qui était à la tête des communes; elle députait aux États de Bourgogne, dans lesquels elle avait la voix des ducs, et plus tard celle des rois.
Elle ne leur était cependant pas tellement inféodée qu'elle n'osât leur résister. Quand Louis XI, l'habile et terrible monarque qui tremblait devant la mort, voulut donner ses vignes de Chenoves, de Talant et de Beaune à « Monsieur Sainct-Claude, à Monseigneur Sainct-Esmon de Pontigny, à sa mère et bonne amie Nostre-Dame de Cléry, pour obtenir la bonne disposition de son corps, pour que ne vin, ne veande, ne aultre chose ne puisse nuire à son estomac, » les gens des Comptes, indignés, ne voulurent pas entériner les lettres d'une aliénation qui dissipait ainsi les domaines de la Couronne.
Pour avoir une idée complète de cette Cour souveraine, il faut se rappeler qu'elle était la personnification vivante de ce grand duc de l'Occident qui tenait les deux Bourgognes dans ses mains, tout le territoire qui séparait le Jura de la Loire et d'Auxerre, sans compter les provinces rhénanes, qu'une faute de Louis XI laissa à l'Autriche. Cette faute la rendit un moment redoutable et fit répandre des flots de sang.
L'origine de cette Chambre, sœur aînée peut-être de celle de Paris, sa puissance administrative, l'étendue de sa juridiction, les détails dont elle s'occupait, les pièces qui lui étaient adressées de tous les points de la province, l'enregistrement des lettres et des édits émanés des souverains, ses propres actes, tout prouve l'importance de ses Archives. Malgré quelques lacunes, les Archives de la Chambre des Comptes de Bourgogne sont encore un des plus beaux dépôts de l'Empire : le département de la Côte-d'Or a droit d'en être fier. Ce sont les rouages d'une machine rompue; mais ses débris sont des pièces officielles, sans lesquelles il n'y a pas d'histoire.
Voici l'ordre dans lequel on les a rangées et inventoriées :
En première ligne se trouvent les documents relatifs à l'histoire de la Chambre des Comptes, dans lesquels ses registres occupent une large place. Ils pourraient, à eux seuls, pendant cinq cents ans, tenir lieu d'une histoire générale de la province.
Viennent ensuite ceux qui se réfèrent aux États, aux Élus et à la Coutume de la Bourgogne ; à la famille ducale, qui comprennent les contrats de mariage, les lettres de dot, d'apanage et de douaires, les pièces relatives aux joyaux, aux héritages, aux tutelles, aux émancipations, aux dettes, aux contestations, aux testaments, aux décès, aux sépultures, aux dépenses journalières de l'hôtel des ducs, aux riches étrennes qu'ils donnaient aux dames et aux grands seigneurs, enfin , à tout le personnel de la maison ducale, représentée par des récépissés de gages.
Suit le Domaine, dans la plus grande extension du mot : acquêts, aliénations, réversions, amortissements, administration des châtellenies, anoblissements, reprises de fiefs, confiscations, eaux et forêts, mines, francs-fiefs, légitimations, monnaies, immense collection dont les premières pièces remontent au XIIIe siècle, dont les dernières touchent la Révolution, qui embrassent dans leur ensemble l'Yonne et le Rhône, par l'adjonction à la Bourgogne de la Bresse, du Val-Romay, du Bugey, et du pays de Gex.
Les juridictions qui ont eu quelques rapports avec la Chambre des Comptes : Parlement, Juges d'appeaux, Cour des Aides, Présidial, Conseil de Savoie, forment la série suivante, avec les pièces concernant l'instruction publique et les communes, qui y trouveront leurs droits, leurs chartes constitutives et d'affranchissement, leurs lettres de garde, les concessions de droits d'usage, les rôles nominatifs de leurs feux. Quelques-uns de ces derniers documents atteignent aussi le XIIIe siècle.
Les affaires religieuses offrent des actes de conciles, la création de la Chartreuse de Dijon, de sa Sainte-Chapelle et d'autres fondations pieuses.
L'agriculture, l'industrie, le commerce, forment une autre section avec des pièces isolées, relatives à diverses familles.
La guerre a des Archives plus importantes encore : subsides, rançons, récompenses, levées de troupes, montres d'armes, fortifications, artillerie, ambassades, campagnes, sièges, batailles t dévastations , conspirations, traités avec les puissances. C'est là que se trouvent le traité d'Arras et les nombreux documents qui s'y rapportent, les pièces concernant les débats des ducs d'Orléans et de Bourgogne, la Ligue et la Fronde.
Les deux dernières catégories comprennent : l'une, des lettres isolées, mais réunies dans un ordre chronologique sous le titre d e Correspondance ; l'autre, d'anciens inventaires, contenant de précieuses analyses.
Ce rapide croquis suffit pour montrer la nature et l'étendue de cette collection. Chaque parcelle du grand domaine féodal y trouve sa chronologie et ses annales. Les événements de la vie privée s'y mêlent aux grandes révolutions, aux rois, aux ducs, aux capitaines, à leurs armées. Le nom des artistes s'y trouve à côté de leurs œuvres et de ce qu'elles ont coûté. Les communes, les simples paroisses, s'y révèlent par des lettres qui fixent successivement les droits qu'elles ont, requièrent ou perdent. Le franc et le serf peuvent y reconnaître leurs ancêtres, pendant quatre ou cinq siècles, dans les recherches des feux, dans les revues militaires, dans les reprises de fiefs, dans les comptes des fermes, des péages, des marcs, des cens et des affranchissements individuels. Grand ou petit, chacun y tient sa place : le Tiers-État y coudoie partout le Clergé et la Noblesse. L'histoire comparée des salaires, de la valeur des choses, de l'agriculture, du commerce, et même de la langue française, a de riches moissons à faire dans ces champs jusqu'ici trop négligés, parce qu'il n'était pas aisé d'aller les découvrir.
Grâce au génie de l'Empereur, auquel rien n'échappe, au Ministre qui a pris au sérieux la conservation des Archives provinciales, et aux Conseils Généraux, qui se sont empressés de répondre à leurs vœux, ces Archives seront sauvées, organisées, connues, et, par la publication de leurs inventaires-sommaires, entre les mains de tous.
Château impérial de Saint-Germain-en-Laye, le 12 décembre 1862.
ROSSIGNOL
Ancien Archiviste de la Côte-d'Or,
Conservateur adjoint des Musées Impériaux
COLLECTION DES INVENTAIRES-SOMMAIRES DES ARCHIVES DÉPARTEMENTALES ANTÉRIEURES A 1790,
PUBLIÉE PAR ORDRE
DE SON EXCELLENCE M. LE COMTE DE PERSIGNY, MINISTRE DE L'INTÉRIEUR.
PREMIÈRE PARTIE.
ARCHIVES CIVILES.
INVENTAIRE-SOMMAIRE DES ARCHIVES DÉPARTEMENTALES ANTÉRIEURES A 1790,
RÉDIGÉ PAR MM. ROSSIGNOL ET GARNIER, ARCHIVISTES.
COTE-D'OR.
ARCHIVES CIVILES. — SÉRIE B.
CHAMBRE DES COMPTES DE BOURGOGNE, Nos 3633 à 7264
TOME SECOND.
PARIS,
IMPRIMERIE ET LIBRAIRIE ADMINISTRATIVE DE PAUL DUPONT.
1864.
2e RAPPORT A SA MAJESTÉ L'EMPEREUR.
SIRE ,
Un de mes prédécesseurs a eu l'honneur de présenter à Votre Majesté, le 3 août 1862, les deux premiers volumes de l'Inventaire sommaire des Archives départementales antérieures à 1790, et un rapport destiné à faire connaître le but et les avantages de cette publication.
Depuis cette époque, grâce aux encouragements de Votre Majesté, ce travail a pris une extension considérable et il n'a cessé d'être poursuivi avec une activité dont je me plais à signaler les résultats. Tous les départements ont commencé la publication de leurs inventaires, à l'exception des trois départements récemment annexés à l'Empire, dont les Archives n'ont pu encore être constituées entièrement, et de deux autres qui attendent que la situation de leurs finances leur permette de l'entreprendre. L'Administration peut mettre aujourd'hui à la disposition du public 35 volumes complètement terminés. Les fascicules divers distribués aux conseils généraux en représentent à eux seuls une quantité au moins égale. Enfin, le nombre des pièces ou registres analysés s'élève au chiffre de 4,608,239.
Seize des principales villes de l'Empire se sont empressées de suivre l'exemple donné par les départements, et sept d'entre elles ont terminé déjà leur publication.
Je signalerai particulièrement à Votre Majesté le premier volume imprimé par la ville de Lyon.
On y trouve une précieuse correspondance politique avec les souverains de France, d'Espagne, de Savoie, avec les chefs de la Ligue, les agents du Roi Catholique et du Saint-Père. Les arts n'y sont pas oubliés et l'histoire biographique y recueillera de curieux détails sur l'origine, les travaux et les succès des peintres et des sculpteurs employés à l'occasion de fêtes et d'entrées solennelles, d'artistes de tous genres, parmi lesquels on remarque Pierre Évrard (1455), Péréal (1511), Sébastien de Bologne, l'architecte Philibert de Lorme, un grand nombre de graveurs de plans, de monnaies, de médailles, le relieur Pierre Maury, Nicolas Grolier, etc.
Quatre administrations hospitalières ont également commencé l'impression de leurs Archives. L'Assistance publique à Paris vient d'achever le premier volume relatif à l'Hôtel-Dieu. Ce document retrace rue par rue et maison par maison la topographie de l'ancien Paris, et abonde en intéressantes indications.
Des titres importants pour les intérêts de l'État et des communes se retrouve nt dans les documents antérieurs à 1790. Le classement et l'inventaire en ont fait découvrir un certain nombre dont on ignorait l'existence ou que l'on croyait détruits, et il a suffi de les produire pour obtenir, en 1863 et en 1864, la solution de procès pendants depuis longues années. Ces titres figurent particulièrement parmi les anciens cartulaires, parmi les cadastres, les terriers, les plans de routes, les partages de biens communaux, les concessions de terrains vagues et incultes. J'ai remarqué, dans ces mêmes collections, des renseignements précieux sur de grands travaux effectués ou étudiés avant 1790, tels que : défense des côtes maritimes à Rouen, au Havre, à Dieppe, à Saint-Valery-en-Caux, etc.; mesures contre les inondations en Touraine; endiguement du Rhin; établissement de canaux, projets sur les mines, les carrières, les haras, les pépinières, les opérations du service des ponts et chaussées, l'extinction de la mendicité et du paupérisme. Les actes, qui nous sont restés sur les fondations d'hôpitaux, la création des manufactures, l'organisation d'ateliers de travaux d'utilité publique, fournissent des éléments pleins d'intérêt pour l'étude de questions qui préoccupent encore aujourd'hui tous les gouvernements.
A côté des actes administratifs émanés du pouvoir central ou de sa représentation directe, il en est qui se rattachent à la vie politique du pays, à l'intervention de ses députés dans les affaires générales de l'État et dans les affaires particulières des provinces et des villes. Tels sont les papiers relatifs aux États-Généraux, aux assemblées des notables, aux assemblées provinciales, précieux documents qui sont tout à la fois le testament de l'ancienne société et la préface de la Révolution française.
Comme les provinces et les communes, les familles ont un intérêt incontestable à cette publication. En effet, les simples états de répartition de l'impôt ne servent pas seulement à délimiter d'anciennes propriétés; ils déterminent aussi et constatent la situation nobiliaire d'un grand nombre de personnes au moment de la Révolution. Les élus chargés de faire la répartition des impôts n'admettaient pas sans des preuves rigoureuses l'exemption des charges financières que procuraient à ceux qui les possédaient légalement les terres nobles et les titres nobiliaires.
Aussi, voit-on un illustre savant du XVIIe siècle, Claude Saumaise, se montrer aussi habile défenseur de ses prétentions nobiliaires que perspicace archéologue lorsqu'il s'agit de déchiffrer une antique inscription, et l'histoire constate-t-elle sans étonnement que les échevins de Lyon apportaient plus de persévérance à faire rechercher, après les troubles de la Ligue, les lettres patentes qui leur conféraient l'anoblissement, qu'à préserver la cité des invasions des Bohémiens, Egyptiens, bateleurs et nécromanciens, qui venaient augmenter les charges de l'Aumône générale, plus spécialement fondée pour les ouvriers sans emploi ou invalides.
Les jugements des intendants, connus sous le nom de maintenue de noblesse, complètent l'ensemble des documents servant à éclairer l'histoire et l'état des familles.
Notre ancienne organisation judiciaire est représentée dans les archives des préfectures par un grand nombre de registres et de dossiers provenant des Parlements provinciaux, des sièges royaux du premier degré : Présidiaux, Sénéchaussées et Bailliages. A ces documents concernant la justice du royaume, s'ajoutent les actes des justices seigneuriales qui représentent jusqu'au seuil même de la Révolution les derniers vestiges des pouvoirs locaux, issus de la féodalité.
La jurisprudence de ces tribunaux variait à l'infini. En Bourgogne, par exemple, il n'en coûtait que 10 francs d'amende, en l'année 1385, pour avoir aidé à rançonner les ambassadeurs du comte de Savoie et du marquis de Montferrat ; mais cette procédure avait nécessité des « écritures qui occupaient 50 pieds de long, » et le pied était taxé un gros et demi. A Rouen, au XIIIe siècle, la médisance de la part d'une femme était punie d'une immersion dans la Seine, répétée trois fois de suite. Le meurtre d'une femme mal famée se rachetait par 5 francs d'amende. Dans l'Orléanais, les faux témoins avaient la langue percée avec un fer rouge, et étaient ensuite battus de verges de la main du bourreau par les rues de la ville.
L'histoire du génie français dans ses manifestations multiples est écrite dans nos Archives. L'Université y retrouve les traits de sa puissante organisation et l'éclat dont elle a brillé dans les écoles d'Avignon, de Caen, de Poitiers, de Toulouse, etc. Des documents pleins d'intérêt révèlent le progrès accompli pendant les derniers siècles dans l'architecture, les beaux-arts et leur application à l'industrie, dans les procédés relatifs à la peinture sur verre, à la tapisserie, à la peinture sur émail et à la sculpture sur pierre et sur bois, qui tint une si grande place, non-seulement dans l'ornementation des monuments publics, mais encore dans la décoration des habitations privées.
Tels sont encore, pour l'architecture civile et religieuse, les titres nombreux qui concernent l'église de Brou, chef-d'œuvre du seizième siècle, la Sainte-Chapelle de Dijon, le Palais des Dauphins, le château de Gaillon et ses peintures dues à des maîtres italiens, enfin les habitations royales de Fontainebleau, de Vincennes, Blois, Amboise, etc.
Dans un autre ordre de faits, les Inventaires des Archives départementales signalent à l'attention du public lettré des documents très-importants pour l'appréciation d'un des événements les plus graves de l'ancien régime, la révocation de l'Édit de Nantes, et d'une de ces institutions les plus décriées, les lettres de cachet. Les historiens pourront désormais réviser, sur ces deux questions, avec les éléments d'information les plus certains, les opinions les plus accréditées jusqu'à ce jour.
J'ai l'honneur de signaler aussi à Votre Majesté une foule de renseignements curieux relatifs aux personnes. A l'aide des Archives, on peut aujourd'hui suivre pas à pas la plupart des hommes qui ont un nom célèbre dans notre ancien gouvernement, et reconstituer, même à leurs débuts dans la vie publique, la biographie de quelques-unes de nos illustrations littéraires, scientifiques ou militaires. Entre mille autres faits du même genre, on y apprend que Georges Cuvier remplissait dans sa jeunesse les modestes fonctions de greffier de la commune de Bec-en-Cauchois. Les délibérations de cette commune, toutes rédigées par lui et transcrites de sa main, nous en fournissent la preuve. Pierre Corneille tenailles registres de la fabrique de l'église de Rouen, et, quoique marguillier, il y inscrivait parfois ses réflexions personnelles contre les mesures adoptées par ses collègues. Une petite localité de Seine-et-Marne, la commune d'Avon, presque inconnue aujourd'hui, conserve des livres paroissiaux du plus haut intérêt et qui révèlent l'état civil des plus grands artistes, au premier rang desquels se placent Léonard le Flamand, François de Bologne, Sébastien Serlio, le Rosso, Antoine Jacquet de Grenoble, le Primatice, Nicolo dell' Abbate, Jean de Hoëy, Fréminet, Ambroise Dubois et des savants illustres, tels que le mathématicien Bezout, le naturaliste Daubenton, etc.
Cet exposé sommaire suffira pour établir l'intérêt que présente, aux points de vue les plus divers, l'œuvre entreprise par M. le duc de Persigny.
C'est là, Sire, je puis le dire avec confiance, l'une des enquêtes les plus considérables qui aient jamais été ouvertes sur le passé de la France. Elle embrasse sous toutes ses faces la vie multiple de l'ancienne société française. Elle jette un jour vif et nouveau sur les relations du pouvoir central avec les gouvernements provinciaux et les administrations communales, les relations des cités entre elles, la situation de chacune de ses castes, et elle nous fait assister, par des actes authentiques, au grand et laborieux développement de notre patrie.
Les conseils généraux, qui jusqu'ici ont pourvu à toutes les dépenses du service des Archives, continueront, je n'en doute pas, leur concours empressé à une publication qui a obtenu les suffrages unanimes du monde savant.
En ce moment, je vais étudier le système le plus convenable pour la rédaction de tables générales alphabétiques, qui, à mesure de l'impression, permettraient d'embrasser d'un coup d'œil tous les documents relatifs à une même question administrative ou historique.
En terminant ce rapport, Sire, je considère comme un devoir de signaler à l'Empereur les services rendus par le Bureau des Archives, les inspecteurs généraux placés sous mes ordres et les archivistes départementaux, auxiliaires aussi modestes qu'érudits, sortis, pour la plupart, de l'Ecole impériale des Chartes, et dont le dévouement mérite les plus grands éloges.
C'est à tous ces efforts réunis qu'on doit la marche rapide du grand travail dont je viens de soumettre à l'Empereur les principaux résultats.
Je suis avec un profond respect,
Sire,
De Votre Majesté,
Le très-humble, très-obéissant
et très-fidèle serviteur et sujet,
Le ministre de l'intérieur,
LA VALETTE.

Cote :

B 1-12067

Publication :

Archives départementales de la Côte-d'Or
2015
Dijon

Description physique :

Description physique: Document d'archives
Nombre d'unités de niveau bas
Nombre d'unités de niveau bas: 12472

Observations :

Exploitation du document
Les analyses originelles ont été corrigées car des erreurs ont été constatées depuis leur publication imprimée. De même, la date de certains actes a été précisée.

Organisme responsable de l'accès intellectuel :

Archives départementales de la Côte-d'Or

Identifiant de l'inventaire d'archives :

FRAD021_000000913

Type de document :

Document d'archives

Liens