Inventaire d'archives : Collection des « photographies de famille » des gouvernements français (1947-2012)

Contenu :

Le corpus
Les fonds des services de la présidence de la République, des services du Premier ministre et le fonds privé de Vincent Auriol ont été mis à contribution pour proposer un corpus inédit qui permet d'appréhender la représentation gouvernementale et l'image du pouvoir exécutif à travers un exemple : la photographie officielle du Gouvernement sous les IVe et Ve Républiques.
Cette prise de vue autour du président de la République constitue une tradition républicaine depuis 1922 (Gouvernement Raymond Poincaré II). Souvent désignée sous le nom de « photo de famille du Gouvernement », elle se tient généralement sur le perron de l'Élysée, côté cour ou côté jardin, à l’occasion du premier conseil des ministres. Elle n'a lieu qu'à la formation d'un nouveau gouvernement mais jamais en cas de remaniement, qu'il soit dit "large" ou simplement "technique". Les ministres encadrent généralement les deux têtes de l’exécutif selon la stricte hiérarchie gouvernementale. Selon la date de prise de vue et le choix du Président, la photographie peut présenter les ministres déjà nommés, seulement les principaux ministres ou encore le Gouvernement au complet. Au départ réalisée par de grandes agences de presse qui fournissent la Présidence, cette photographie officielle est prise à partir du début des années 1950 par le service photographique de la présidence de la République. Certains gouvernements sont aussi photographiés à partir des années 1970 par le service photographique du Premier ministre. La couleur apparaît en mai 1988 pour le Gouvernement Michel Rocard I. Depuis le Gouvernement Jean-Pierre Raffarin III (2004), les clichés sont nativement numériques.
Le premier cliché conservé aux Archives nationales est celui du Gouvernement Poincaré IV en 1926 (324AP/130), suivis de ceux des Gouvernement Laval I en 1931 (324AP/130) et . Un cliché du Gouvernement Darlan (1941) est conservée à la cote 474AP/1.Chautemps III en 1937 (667AP/135) 
Ce n'est qu'à partir de la IVe République que la richesse des fonds politiques permet de constituer une collection de plus en plus exhaustive. Le périmètre issu retenu débute par le Gouvernement Paul Ramadier I (1947) et s'achève par le cliché numérique du Gouvernement François Fillon III (2010). Les Archives nationales conservent ainsi les photographies de 9 gouvernements sur les 24 de la IVe République et de 32 sur les 34 que compte la Ve République jusqu’à 2012, sans oublier 2 des 3 gouvernements de cohabitation qui comptent aussi une pose à Matignon avec le Premier ministre. Parmi ce total de 43 photographies, 40 sont issues des fonds du service photographique de la présidence de la République et du service photographique du Premier ministre, tandis que 3 proviennent des archives privées de Vincent Auriol.
Une tradition républicaine
La constitution de ce corpus révèle des évolutions de cette tradition républicaine. Sous la IVe République, les perrons du palais de l’Élysée, côté cour mais aussi côté jardin, sont le cadre ordinaire de la prise de vue. La salle des fêtes est également utilisée à au moins deux reprises. Exception notable, le Gouvernement René Pleven II (1951) est photographié dans les jardins du château de Rambouillet, résidence présidentielle, toujours à l’occasion du premier conseil du nouveau gouvernement.
Le général de Gaulle fait en 1959 un choix différent en privilégiant le jardin d’hiver. Il marque ainsi par l’image une rupture avec l'instabilité ministérielle des IIIe et IVe Républiques. Georges Pompidou s’inscrit dans cet héritage gaullien. En mars 1974, son dernier gouvernement (Pierre Messmer III) n’est pas photographié, sans doute en raison de l’état de santé du Président. Une vue du conseil des ministres dans le salon Murat est diffusée pour montrer le Président, qui décède un mois plus tard, et son Gouvernement au travail.
Pour marquer la modernité de son projet et le travail de sa présidence, Valéry Giscard d'Estaing rompt à son tour avec la prise de vue dans le jardin d’hiver. Il reprend le choix fait quelques semaines plus tôt pour le Gouvernement Messmer III dans le salon Murat : l’exécutif est au service du pays.
En 1981, François Mitterrand acte une nouvelle rupture tout en renouant avec des usages passés. Le Gouvernement Mauroy I est photographié sur le perron de l’Élysée côté jardin. Choix fondateur respecté jusqu’au Gouvernement Valls I inclus en 2014. Néanmoins, pour des raisons politiques, les périodes de cohabitation (1986-1988, 1993-1995, 1997-2002) ne donnent pas lieu à la prise d'une photographie de famille autour du président de la République, mais à un cliché du conseil des ministres dans le salon Murat doublé d'une photographie prise sur le perron de l'hôtel Matignon, côté jardin, avec le seul Premier ministre.
Ainsi au fil de 65 ans de gouvernements, la photographie de famille tend à fortement se standardiser avec le choix systématique du perron du palais de l'Élysée côté jardins, la présence du Gouvernement au complet, le respect strict de la hiérarchie gouvernementale et une posture plutôt hiératique.
Les femmes au Gouvernement
En filigrane, ces photographies permettent de se rendre compte de la présence de femmes ministres. Avec le Front populaire les femmes, encore ni électrices ni éligibles, entrent au Gouvernement. Elles sont trois sous-secrétaires d’État en 1936-1937 dans le Gouvernement Blum 1 : Cécile Brunschvicg (Éducation nationale), Irène Joliot-Curie (Recherche scientifique) et Suzanne Lacore (Protection de l’enfance). Il faut attendre la IVe République pour compter de nouveaux membres féminins du Gouvernement. De 1946 à 1958 elles sont trois, dont Germaine Poinso-Chapuis première femme ministre (Santé publique et Population) au sein du Gouvernement Schuman I (1947-1948). Parmi notre collection le Gouvernement Bourgès-Maunoury (1957) compte dans ses rangs Jacqueline Thome-Patenôtre mais la photographie ne compte que les principaux ministres : Jacqueline Thome-Patenôtre, sous-secrétaire d'État nommée quelques jours plus tard, est absente. Nafissa Sid Carra est secrétaire d'État dans le Gouvernement Michel Debré (1959-1962) mais seule sa toque blanche émerge du cliché. Marie-Madeleine Dienesch, secrétaire d'État, est à peine visible sur le cliché du Gouvernement Couve de Murville (1968-1969) et fait vraiment entrer les femmes dans les photos de famille à partir de celle du Gouvernement Chaban-Delmas (1969-1972). Les femmes ne siègent au Gouvernement sans interruption que depuis 1968. Valéry Giscard d’Estaing amorce une profonde évolution en 1974 avec l’entrée simultanée de six femmes dont Simone Veil, ministre de la Santé, et Françoise Giroud, secrétaire d’État à la Condition féminine, mais l'absence de photo de famille empêche une telle prise de conscience. C'est avec les gouvernements de la présidence de François Mitterrand que cette lecture est rendue possible par la reprise des photos de famille. Les gouvernements successifs narrent ainsi l’ascension progressive des femmes dans l’exercice du pouvoir exécutif. Simone Veil devient ainsi n° 3 du Gouvernement en 1978. François Mitterrand nomme en 1981 la première ministre d’État, Nicole Questiaux (Solidarité nationale). Édith Cresson devient Premier ministre en 1991, plus haut poste de l’exécutif à ce jour occupé par une femme et en 1997 Élisabeth Guigou est la première à obtenir un portefeuille régalien avec la place Vendôme. Aux mulitples nominations entre 1995 et 2007 a succédé un objectif de parité atteint à partir de 2012. Les parcours ministériels d’Édith Cresson, cinq portefeuilles de l’Agriculture à l’hôtel Matignon, et de Michèle Alliot-Marie, six portefeuilles dont quatre régaliens - Défense, Intérieur, Justice et Affaires étrangères -, actent que désormais les femmes assument pleinement toute fonction ministérielle. La présence d’Édith Cresson au côté de François Mitterrand en 1991 et la place de Michèle Alliot-Marie au premier rang des photographies de famille de 2002 à 2010 en sont les meilleurs témoins.
Depuis 2012
Bien qu’étant chronologiquement au-delà du corpus présenté, il est à noter que la présidence de François Hollande respecte la tradition du perron de l’Élysée côté jardins, sauf pour le Gouvernement Valls II photographié en 2014 dans la salle des fêtes, lieu inusité depuis 1958. Enfin, le président Emmanuel Macron met quant à lui la représentation gouvernementale sous le sceau de la modernité : le Gouvernement Édouard Philippe I (2017) est photographié dans le cadre inédit de l’escalier Murat. De même, le Gouvernement Édouard Philippe II (2017) est photographié dans le parc de l’Élysée, mais, cette fois-ci, le Gouvernement n’est pas sur le perron : il regarde la façade du palais, tournant le dos au parc et sans ordre protocolaire. Dernière réforme de la représentation gouvernementale : pour la première fois, une photographie est prise pour un remaniement, en l'occurence celui du Gouvernement Philippe II le 16 octobre 2018. Pour cette prise de vue, les ministres retrouvent le perron de l'Élysée côté jardins : le président de la République et le Premier ministre sont au milieu du deuxième rang, le reste des membres du Gouvernement placé sans ordre protocolaire.

Publication :

Archives nationales
2018
Pierrefitte-sur-Seine

Informations sur le producteur :

France. Présidence de la République. Service photographique (1952-2008)
Service photographique (cabinet du Premier ministre)
Auriol, Vincent
Le service photographique de la présidence de la République créé en 1952 et le service photographique du cabinet du Premier ministre apparu vers 1970 assurent cette production documentaire pour le compte de l'État prise initialement par des agences de presse.

Informations sur l'acquisition :

Versements d'archives publiques, dépôt d'archives privées.

Conditions d'accès :

Les archives publiques sont communicables conformément au code du Patrimoine (art. L213-1 à L.213-3). Cette numérisation ayant pour objectif de préserver les supports originaux, leur communication sous cette forme est désormais limitée, au profit d’un accès en ligne aux reproductions numériques, sur la salle des Inventaires virtuelle des Archives nationales.

Conditions d'utilisation :

En conformité avec le règlement de la salle de lecture. Les reproductions des documents des Archives nationales sont destinées à un usage privé. Toute utilisation pour une publication, une exposition, une diffusion plus large doit faire l'objet d'une demande de réutilisation des données publiques ().voir site internet des Archives nationales 

Description physique :

Importance matérielle :
Les photographies ici numérisés et accessibles en ligne sont issues de plusieurs fonds du cadre de classement et de de nombreux versements continus.

Ressources complémentaires :

Les reportages photographiques consacrés aux activités du chef de l'État sont en cours de numérisation et de mise en ligne depuis 2013. Sont déjà disponibles en ligne les reportages allant d'Albert Lebrun à Georges Pompidou :
Service photographique de la présidence de la République (depuis 1952)
- Vincent Auriol (1947-1954) : 4AG/434-446 et 454
- René Coty (1954-1959) : 4AG/447-454
- Charles de Gaulle (1959-1969) : 5AG1/1052-1057
- Georges Pompidou : 5AG2/977-986
- Valéry Giscard d'Estaing : 5AG3/3490-3525
- Jacques Chirac : 20100562/1-1264
Service photographique du Premier ministre (apparu vers 1970)
- Pierre Messmer (1972-1974) : 19910615/1
- Jacques Chirac (1974-1976) : 19910615/2-9
- Raymond Barre (1976-1981) : 19870374/1-38
- Pierre Mauroy (1981-1984) : 19860526/1-16 et 19860708/1-5
- Laurent Fabius (1984-1986) : 19860643/1-11 et 19860709/1-13
- Jacques Chirac (1986-1988) : 19890190/1-21 et 19890191/1-9
- Michel Rocard (1988-1991) : 19920455/1-19, 19920408/1-34 et 680AP/400-423
- Édith Cresson (1991-1992) : 19930081/1-8 et 19930082/1-9
- Pierre Bérégovoy (1992-1993) : 19930348/1-3 et 19930349/1-18
- Édouard Balladur (1993-1995) : 19960342/1-36
- Alain Juppé (1995-1997) : 20000154/1-28
- Lionel Jospin (1997-2002) : 20040215/1-50 et 20050250/1-31
- Jean-Pierre Raffarin (2002-2005) : 20100250/1-24 et 20130314/1-793
- Dominique de Villepin (2005-2007) : 20140039/1-730
- François Fillon (2007-2012) : 20144696/1-1151
- Jean-Marc Ayrault (2012-2014) : 20160435/1-808

Localisation physique :

Pierrefitte-sur-Seine

Organisme responsable de l'accès intellectuel :

Archives nationales de France

Identifiant de l'inventaire d'archives :

FRAN_IR_057333

Archives nationales

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