Inventaire d'archives : 7 F - Fonds de Charentenay

Cote :

7 F 1-201

Publication :

Archives départementales de la Côte-d'Or
2017
Dijon

Informations sur l'acquisition :

Historique de conservation :
Historique de la conservation
Le fonds de Charentenay est constitué par les documents conservés autrefois au château d'Agey (Côte-d'Or, canton de Sombernon) et donnés aux Archives de la Côte-d'Or, en 1903, par le comte Maréchal de Charentenay, pour y former un fonds particulier. Le classement en fut entrepris aussitôt par Joseph Garnier, mais celui-ci mourut presque immédiatement après, sans avoir pu en achever même la reconnaissance sommaire.
Ce fonds comprend essentiellement deux parties : les archives anciennes du château d'Agey et les papiers des Fuligny-Damas de Rochechouart, détenteurs de la baronnie de Marigny-sur-Ouche et de bien d'autres terres, qui avaient acheté Agey en 1714. En 1766, ces derniers durent aliéner Marigny : ils en transportèrent les archives à Agey, mais ils les y laissèrent en 1785 (à l'exception des contrats de mariage et autres titres généalogiques), lorsqu'ils se virent obligés de céder ce château au président Micault de Courbeton. À ces documents, il convient d'ajouter quelques papiers provenant de Charles-Marie-Éric Mareschal de Charentenay, ancien conseiller au Parlement de Besançon, qui succéda à Micault de Courbeton comme possesseur du château d'Agey, antérieurement à 1805.
Le fonds proprement dit de la seigneurie d'Agey se compose de pièces échelonnées entre 1450 et l'an XIII. Il est particulièrement riche pour les dernières années du XVe siècle. En effet, les d'Agey, dont les origines remontent au XIIe siècle, s'étant éteints vers la fin du XIVe (1), la seigneurie était passée, à la suite d'une transaction entre les héritiers de Jeanne de l'Espinasse, aux mains de la famille de Saint-Nectaire, vers 1415. Antoine II de Saint-Nectaire la vendit en 1488 au greffier du Parlement de Dijon, Antoine Gros. Celui-ci s'efforça, avec l'âpreté des officiers parvenus à la noblesse, de faire revivre les droits seigneuriaux tombés en désuétude (guet et garde, garenne, etc.) Il en résulta toute une série de procès contre les habitants du lieu et les villages voisins, procès dont le fonds a conservé les pièces.
Il est encore assez riche au temps des successeurs d'Antoine Gros (son fils Jean ; la fille de celui-ci, Jeanne, mariée successivement à Zacharie Chapelain, puis au célèbre Rhodiote Jacques de Vintimille ; enfin Jacques d'Agey, fils de Zacharie Chapelain) (2). Les sires d'Agey ne se distinguent plus en rien de la noblesse de vieille souche ; un procès entre Jacques d'Agey et un La Verne révèle dans le descendant des greffiers du Parlement, devenu par son mariage capitaine du château de Saulx-le-Duc, un de ces barons belliqueux comme il y en eut tant à l'époque de la Ligue. En même temps, pendant plus d'un siècle, c'est cette famille qui donne des abbesses au couvent de Prâlon (3).
Elle s'éteint au début du XVIIe siècle, avec Melchior fils de Jacques, et Pierre, fils de Melchior, qui meurt peu après 1638. Nous n'avons à peu près aucun document qui émane de ces deux personnages ; c'est ainsi que nous ignorons à quel titre la veuve de Pierre d'Agey, Marie Catherine, recueillit tout l'héritage de son premier mari (Agey, Ancey, Rocheprise, Bremur et Vaurois), pour l'apporter à son second époux, Edmé de Sommièvre, baron d'Ampilly (1641-1664) (4). De l'activité de celui-ci, le fonds n'a pas gardé de traces ; et à peine plus de celle d'Hilaire-Bernard de Mouhy, trésorier de France (mort en 1695), qui avait acheté Agey à Marie Catherine en 1671, et de celle de son successeur, Jean de la Coste (1700-1714), qui finit par céder cette terre à Henri-Anne de Fuligny-Damas, comte de Rochechouart : ce n'est qu'avec celui-ci que les archives d'Agey recommencent à s'enrichir.
Le fonds de Marigny est plus important ; mais, à la différence de celui d'Agey, les pièces remontant au XVe siècle ou XVIe siècle y sont rares ; et elles ne dépassent naturellement pas 1766. Ce fonds a perdu des documents au XVIIIe siècle – ceux qui furent remis aux acquéreurs, les Paris de Montmartel (ils parvinrent, lors de la Révolution, aux Archives de la Côte-d'Or) et aussi certaines autres pièces, où J. Garnier a copié le texte de l'affranchissement concédé en 1736 aux sujets de la baronnie (Chartes de communes, t. III, p. 382-391) (5). À une époque plus ancienne, d'autres distractions importantes avaient été opérées : c'est ainsi qu'un inventaire de 1590 révèle la présence au château d'Antigny de 23 comptes de la terre de Marigny et Gissey-sur-Ouche (E 662), et qu'un cueilleret (livre de comptes) de la même baronnie, datant de 1568, a trouvé place sur les rayons de la Bibliothèque Nationale (Nouv. Acq. Fr., 8697, f 98 et suiv.) Les documents intéressant les autres possessions des Fuligny-Damas ont suivi le sort de ces possessions (ainsi la presque totalité du fonds d'Athie-Villiers est-il parvenu aux Archives de la Côte-d'Or par confiscation sur les Guenichot de Nogent, acquéreurs de cette terre) ; il en reste cependant quelques épaves en annexe au fonds de Marigny.
La partie principale de ce fonds est constituée par les pièces relatives à la succession de Philippe de Rochechouart, baron de Couches, Marigny et Sainte-Péreuse, mort sans enfants le 3 octobre 1630. Cette riche succession avait été convoitée bien avant cette date : un curieux procès-verbal du 19 mars 1629 nous montre l'évêque d'Autun, Claude de la Magdelaine de Pagny, venant faire pression sur le baron de Couches pour l'amener à tester en faveur de son lointain neveu, Charles de Vienne, comte de Commarin. Celui-ci lia partie avec Louise d'Agey, femme du baron : on accusa plus tard celle-ci, non sans quelque vraisemblance, d'avoir fait fabriquer des faux. Toujours est-il qu'à sa mort Philippe de Rochechouart ne laissait pas moins de sept testaments et un codicille, en faveur du président de Robelin, de Charles de Vienne, de Louise d'Agey, de Jean-Louis de Rochechouart, marquis de Chandenier, de Jacques-Timoléon de Beaufourt de Montboissier, marquis de Canillac et d'Anne Pot, baron de Blaisy.
Pour compliquer encore cette situation, Philippe était protestant : "d'abord que ledit sieur de Couches fust tombé malade, les Huguenos de Couches fermèrent eux-mesmes les portes du château à la faveur de la dame d'Agey qui estoit de cette religion, et empeschèrent que personne n'i entra, crainte qu'ils avoient que les catholiques ne fissent revenir ledit seigneur de Couches à nostre religion". Quant à Charles de Vienne, il emporta de force les châteaux de Marigny et de Barbirey, en menant contre eux cinq cents fusiliers et du canon. Dans tout ce tumulte, le testament en faveur d'Anne Pot disparut dans les conditions troublantes, puisqu'on devait le retrouver par hasard, en 1671, au milieu des papiers de la dame de Quincerot, veuve d'un personnage qui avait été en 1630 page du comte de Commarin …
De juridiction en juridiction, les procès devaient se succéder. Commarin ne peut rester en possession de la succession que grâce à des arrangements plus ou moins amiables avec Louise d'Agey et avec Anne Pot (le plus proche parent du défunt.) Le marquis de Chandenier, arguant d'un accord de 1554 et du testament qui l'investissait de l'héritage, attaqua le président Robelin, Louise d'Agey et Commarin ; en dépit de l'intervention du marquis de Canillac, sa thèse finit par l'emporter – après son décès, du reste : sa veuve et ses enfants prirent possession de Marigny en 1648. Mais, en 1665, criblé de dettes, le nouveau marquis de Chandenier, François de Rochechouart, dut abandonner tous ses biens à ses créanciers (6) ; ceux-ci vendirent Couches à François-Michel le Tellier, marquis de Louvois (sur lequel le président Brûlart exerça le retrait féodal en tant que sire de Sombernon) et Marigny aux conseillers de Chaumelis et Espiard (1669). Les Commarin et les Canillac reprirent alors leurs prétentions.
Sur ces entrefaites, on découvrit le testament disparu en 1630 : la petite-fille d'Anne Pot, Christine-Charlotte (dont le père avait été assassiné en 1663 dans la cour même du château de Commarin) intenta un procès aux créanciers du marquis de Chandenier ; elle fut investie des baronnies litigieuses en 1679. Ce fut pour entamer de nouvelles procédures contre le comte de Commarin (avec lequel elle transigea en 1687), contre l'abbé de Chandenier, soutenu par les créanciers de son frère (procès qui ne se termina qu'en 1698), contre les héritiers de Louise d'Agey, enfin contre d'innombrables créanciers qui firent prononcer à plusieurs reprises la saisie de la baronnie de Marigny.
Ce n'est pas tout ! Christine-Charlotte Pot considérait comme nuls et non avenus tous les actes passés par ceux qui avaient indûment occupé Marigny de 1630 à 1679. Ainsi fit-elle reconnaître la nullité du contrat d'affranchissement de la mainmorte, concédé en 1640 par le comte de Commarin. Les administrateurs de la baronnie durent rendre des comptes et on plaida sans fin à propos des créances de Philippe de Rochechouart ou du droit de champoy accordé aux habitants de Vaux (commune de Grenant) par les créanciers Chandenier. Ainsi ces fastidieuses procédures nous révèlent-elles le profond bouleversement causé dans la vie des communautés rurales elles-mêmes par un procès de succession qui paraissait n'affecter que le baron lui-même. La baronne, d'ailleurs, était à peu près ruinée par les frais de justice : elle se défit assez vite de Couches et de Saint-Péreuse pour ne conserver que Marigny.
Christine-Charlotte Pot, dame d'Aubigny-en-Montagne, était la femme de Jean-Nicolas de Fuligny-Damas, baron de Sandaucourt. Celui-ci descendait (7) d'un seigneur champenois, Antoine du Fay, qui avait épousé au début du XVIe siècle Jeanne de Fuligny. Son fils avait pris le nom de Fuligny. En 1612, Nicolas de Fuligny épousait une des filles de Jean de Damas, seigneur de Villiers et Athie : le testament de son beau-père lui laissait la terre d'Allerey, près Arnay-le-Duc, avec obligation de relever le nom de Damas. La femme de Jean-Nicolas de Fuligny-Damas, à son tour, relevait le nom de Rochechouart pour se conformer aux dernières volontés du baron de Couches. Ainsi une série de substitutions faisait-elle porter aux du Fay, de façon exclusive, les noms de Fuligny, Damas et Rochechouart.
Henry-Anne de Fuligny-Damas, comte de Rochechouart et baron de Marigny, acheta la terre d'Agey où il résida de préférence tandis que sa mère habitait Gissey, où elle mourut le 18 novembre 1735. Henri-Anne mourait le 24 février 1745, laissant de son second mariage avec Marie-Gabrielle de Pons-Praslin un fils de neuf ans, Antoine-Alexandre-César, marquis de Fuligny-Damas. Celui-ci mena bientôt une vie de plaisirs qui l'endetta lourdement : en 1766 il fallut vendre Marigny et Athie ; en 1785, Agey ; le dernier des Fuligny-Damas conservait encore le domaine d'Aubigny, héritage des Pot, qui fut vendu comme bien national à la suite de son émigration. Sa femme s'était réfugiée dans leurs terres de Flagey-Echezeaux, qui restaient leur seule possession ; et, après la mort d'Antoine-Alexandre-César (qui survint peu après sa rentrée en France, sans doute en l'an X), leur fille unique Catherine put obtenir, en l'an XI, la restitution de quelques-uns des bois d'Aubigny.
Ainsi le fonds de Charentenay permet-il de suivre la constitution progressive d'une grande fortune terrienne, qui atteint son apogée entre les mains d'une des plus célèbres familles de la noblesse d'Ancien Régime, grâce à toute une série d'héritages. Il permet aussi d'assister à l'écroulement de cette fortune. Et il apportera bien d'autres informations aux historiens, en particulier à ceux de la mainmorte bourguignonne : des dossiers comme ceux des Gentot, de Saint-Victor, sont parmi les meilleures sources sur l'histoire d'une famille mainmortable au XVIIe siècle.
A tous ces titres, ils devront une vive gratitude au comte de Charentenay pour le don qu'il a fait aux Archives de la Côte-d'Or (8).
Jean Richard
(1) Il est impossible de tenir compte des indications de la notice consacrée aux d'Agey dans le Dictionnaire de biographie française.
(2) cf. P. de Truchis, Notice historique sur la chapelle dite des Gros en l'église de Saint-Michel de Dijon, dans Mém. Comm. Antiq. Côte-d'Or, t. XIV. Sur une branche cadette de la même famille, cf. Colonel Devevey, Les seigneurs de Bligny-lès-Beaune, Dijon 1948.
(3) L'abbesse Jacquette de Courcelles, petite-fille de Jean Gros par sa mère Eustache d'Agey, eut pour lui succéder, en vertu d'une lettre d'Heni III accordant l'abbaye à une des filles de Jacques d'Agey (22 mai 1584), sa nièce à la mode de Bourgogne Louise d'Agey (1594). Celle-ci quitta l'habit et se fit protestante en 1620, avant d'épouser en janvier 1621 Philippe de Rochechouart. Sa sœur Judith ne lui en succéda pas moins (1620-1655) ; elle avait été reçue comme novice un 10 janvier, entre 1595 et 1599, et démissionna en faveur de sa nièce Hélène, fille d'Andrémond de Fontette et d'Olympe d'Agey. Elle mourut le 27 septembre 1673, à 84 ans. Hélène de Fontette réforma l'abbaye et mourut le 4 août 1704, après avoir cédé l'abbatiat à sa propre nièce, Jacqueline de Fontette (cf. G 411 et 412). Une Cléophile d'Agey fit également profession à Prâlon le 6 janvier 1610.
(4) Cf. Archives communales Dijon, B 497 (baptême à Saint-Michel de Dijon, 6 avril 1638) : "Marie Catherine, femme de Pierre d'Agey, seigneur d'Agey" ; elle signe Marie Catherine. Dans l'acte de mariage de Marie de Sommièvre "fille de deffunct messire Edmé de Sommièvre, chevalier, seigneur d'Ampilly et Massingy, et de dame Marie Catherine dame d'Agey, Ancey et Rocheprise" (Ampilly-le-Sec, 30 juin 1668), elle signe M. Catherine. Elle appartenait sans doute à la famille des Catherine, seigneurs de Pont-de-Pany.
(5) La minute de ce terrier est parvenue aux Archives de la Côte-d'Or avec les minutes du notaire Pierre-Henri Chaussier, en 1951, par dépôt de Me Létrillard, notaire à Sombernon.
(6) cf. L. Dessaivre, Le marquis de Chandenier et sa cour, dans Bulletin Soc. Antiq. de l'Ouest, 1884, pages 315 et suivantes. Voir aussi aux Archives de la Côte-d'Or, E 1629.
(7) Cf. A. Roserot, Dict. hist. de la Champagne mérid., article Fuligny.
(8) Nous avons joint à ce bref exposé deux tableaux généalogiques, pour faciliter l'identification des personnages cités dans les actes et surtout dans ceux du "grand procès de Madame de Sandaucourt". Ces tableaux sont simplifiés : c'est ainsi qu'en 1488 (7 F 114) la baronnie était partagée entre Claude seigneur de Blaisy, Couches, Brognon, et Vaux, Jean, seigneur d'Aumont et Chappes, Madeleine et Louise de Brion, épouses de Guillaume de Chalençon et d'Antoine d'Espierre.

Description physique :

Description physique: Document d'archives

Nombre d'unités de niveau bas
Nombre d'unités de niveau bas: 201
Métrage linéaire
Métrage linéaire: 3,60

Organisme responsable de l'accès intellectuel :

Archives départementales de la Côte-d'Or

Identifiant de l'inventaire d'archives :

FRAD021_000001599

Type de document :

Document d'archives

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