Inventaire d'archives : Fonds Jean-René Chauvin

Contenu :

Le fonds Chauvin est fortement lié aux engagements politiques de son producteur, Jean-René Chauvin. Ses archives témoignent de la vie politique et intellectuelle de la gauche communiste non affiliée au PCF des années 1930 aux années 2000, soit 70 ans d’histoire.
Avant 1939, le fonds d'archives alimenté par le jeune Chauvin, comprend une série complète du journal «le Bulletin Communiste», des articles et textes de Trotski, une correspondance (militante et personnelle) , des coupures de presse relatives à la gauche révolutionnaire (trotskiste et Pivertiste) et des documents relatifs à la constitution de la IVème Internationale.
Les archives formées durant la guerre correspondent à l’activité clandestine de Chauvin jusqu’à son arrestation et sa déportation (journaux clandestins, tracts « internationalistes », etc.). Nous retrouvons ensuite le manuscrit de Chauvin correspondant à son livre « un trotskiste dans l’enfer nazi » (analyse de la déportation et de ses origines suite à son expérience concentrationnaire) et divers documents concernant d’autres témoignages des camps.
Les documents des années d’après-guerre regroupent un grand nombre de publications du courant trotskiste (publications internes du Parti communiste Internationaliste notamment).
Après l’éclatement du PCI (1947), Chauvin s’implique et archive les documents relatifs à la Yougoslavie de Tito (où il a séjourné une année). Il archive par ailleurs les documents relatifs aux regroupements, en France, de courants de la gauche non stalinienne. Citons le RDR (auquel participe Chauvin, avec Jean-Paul Sartre et David Rousset), puis les différentes formes que prendra « la Nouvelle Gauche » (CAGI, UGS…) , incluant les engagements pour l’indépendance de l’Algérie et la déstalinisation. L’amitié de Chauvin avec des militants du POUM espagnol (comme Wilebaldo Solano) se traduit par des archives concernant les publications de la Batalla.
Puis l’engagement de Chauvin dans le PSU à partir de 1963 se reflète dans les archives des publications liées au PSU, dont celle de Chauvin, « Initiative socialiste ».Les archives de 1968, concernent surtout des documents relatifs à la résistance à la répression des organisations « gauchistes ».
Après 1969, Chauvin archivera les documents (matériel militant, bulletins et journaux) relatifs aux débats internes à la Ligue Communiste en lien avec l’actualité de l’époque, jusque dans les années 1980.
Ce fonds comprend également un éventail des divers petits mouvements ou tentatives de rassemblement de la gauche « rouge et verte » dans les années 1990.L’engagement de Chauvin dans l’association Sarajevo, lors de l’éclatement de la Yougoslasvie et du conflit bosniaque permet de retrouver des publications et des textes internes à l’association.L’activité de Chauvin se retrouve par ailleurs dans le travail de mémoire concernant les camps de concentration et dans sa participation à des conférences regroupant victimes des camps nazis et du goulag stalinien. Il intervient également dans des présentations destinées au milieu scolaire.
Le contexte de la fin de l’URSS se traduit dans les archives de Chauvin par des documents de recherches sur les victimes du stalinisme (trotskistes en particulier) et sur une enquête très fournie concernant l’Affaire Pietro Tresso dit Blasco (assassinat de 4 militants trotskistes dans le maquis wodli tenu par le PCF en Haute-Loire).
La correspondance militante et personnelle de Chauvin (correspondance avec Yvan Craipeau, Marcel Thourel, et bien d'autres) permet aussi de retracer la vie d'un militant de « la gauche de la gauche » dont l’évolution est à situer dans une analyse prosopographique de ce milieu social.

Cote :

Paris1 CHS JRC

Publication :

Agence bibliographique de l'enseignement supérieur
2011

Informations sur le producteur :

Chauvin, Jean-René (1918-2011)
Jean-René Chauvin naît au cours des derniers mois de guerre, le 16 juin 1918 dans le Cher, puis passe sa jeunesse à Bordeaux, élevé par sa mère, Henriette Clavié, suite au divorce en 1929 puis au remariage en 1931 de son père, René Chauvin.
La biographie paternelle exercera une influence marquante sur Jean-René (même si le père conseille au fils de ne pas militer). Ce père, qui avait déjà 58 ans lors de la naissance de son fils, avait été l'un des fondateurs et dirigeants du Parti Ouvrier français et l'homme de confiance de Jules Guesde. Il avait travaillé enfant comme galibot dans la mine de charbon, puis comme ouvrier coiffeur. Considéré comme le meilleur orateur ouvrier (par opposition aux autres orateurs intellectuels), il avait été député de la 5ème circonscription de Seine Saint-Denis de 1893 à 1998. Il fut le seul député qui, une fois battu, reprit ses outils, son peigne, son rasoir et ses ciseaux pour s’en retourner travailler comme ouvrier coiffeur salarié. Il continua à militer jusqu’à ce qu’il quitte la SFIO en mars 1914, en désaccord avec son orientation réformiste.
Le premier acte militant de Jean-René Chauvin remonte au 6 février 1934. A Bordeaux, le lycéen de 15 ans participe à la contre manifestation locale menée par les organisations ouvrières. En 1935, il adhère aux Jeunesses Socialistes (et non aux Jeunesses Communistes, rendues rédhibitoires alors que se déroulent les procès de Moscou et que Jean-René milite intensément contre ces procès). Il est alors très rapidement en contact avec la gauche révolutionnaire de Marceau Pivert, influente chez les jeunes. A Bordeaux, fin 1936, Il adhère aux J.S.R. (Jeunesses Socialistes Révolutionnaires) et il sera introduit par les Pivertistes auprès des Trotskistes parisiens.
Il entre en contact avec Pierre Naville et participe à la constitution de la première cellule trotskiste du P.O.I , (Parti Ouvrier Internationaliste) à Bordeaux en mai 1937. La cellule ne comprend alors que quelques militants des Jeunesses Socialistes, un militant trotskiste, René Girard, et un ancien membre du PCF, Léon Bourie, ancien trésorier de la fédération unitaire des cheminots. Chauvin est délégué aux congrès de la Jeunesse Socialiste Révolutionnaire (JSR) à Paris en 1937 et 1938. Cette année-là, il est aussi présent au congrès de la SFIO à Royan qui exclut la fédération de la Seine dirigée par Marceau Pivert.
Il assiste au congrès du POI du 14-15 janvier 1939 au cours duquel James P. Cannon (un des dirigeants principaux de la Quatrième Internationale, fondée en 1938 par Léon Trotsky) propose l’entrée du POI dans le PSOP (Parti socialiste ouvrier et paysan) de Marceau Pivert. Chauvin se joint à la minorité (animée par Yvan Craipeau et Jean Rous) qui y est favorable et quitte le POI avec ses camarades. Il adhère au PSOP fin 1938.
Devenu secrétaire des JSOP en Gironde, il leur propose, lors de la signature du pacte de non agression germano-soviétique un tract qui dénonce cette « guerre impérialiste qui n'est pas la nôtre » ainsi que « le stalinisme, ennemi mortel du communisme ». Le tract, imprimé en 3.000 exemplaires, est diffusé devant les Chantiers de la Gironde. Jean-René est arrêté, avec un autre trotskiste, Roger Bourdois, membre des JSOP, et inculpé de « provocation de militaires à la désobéissance, de propagande d’origine étrangère et de menées anarchistes ».
Il est exclu de l’Ecole des élèves officiers d’artillerie de Poitiers à laquelle il a été appelé suite à la déclaration de guerre de septembre 1939. Aucun colonel ne voulant de lui, il est déplacé d'un régiment à l'autre. Il est finalement envoyé sur la Somme. Alors que le front est percé, son unité recule par petites étapes, sans échapper aux bombardements aériens.
Chauvin se retrouve à Agen, puis, démobilisé, il retourne à Bordeaux, en octobre 1941 et reprend contact avec son organisation politique, devenue clandestine. Il rejoint Paris où il participe à l'activité d'une cellule avec Pierre Pradalès, puis à celle d'autres cellules. Il assure à diverses reprises des contacts avec la zone libre, à Clermont-Ferrand, avec notamment Laurent Schwartz, et à Marseille, avec Ellie Gabey. L'année suivante, Craipeau le charge de prendre contact avec la Résistance à Marseille, une autre fois, il est chargé de contacter les militants allemands réfugiés en zone libre et de les regrouper à Paris pour sortir un journal clandestin en langue allemande.
Chauvin se déplace en zone libre d'une auberge de jeunesse à l'autre, il peut dans ce cadre y évoluer et échanger facilement. Les auberges de jeunesse sont en effet devenues en quelque sorte sa base sociale, depuis que, à la veille de la guerre, les trotskistes et les anarchistes étaient devenus majoritaires au sein du comité directeur des AJ.
Arrêté le 22 août 1942 par la police qui l'attendait à son hôtel alors qu'il revenait d'une tournée en zone libre, il réussit à s'évader en sautant par la fenêtre, puis à reprendre contact avec Craipeau. Il est alors envoyé à Nantes car la direction de son organisation prévoyait un débarquement à Saint-Nazaire et souhaitait donc renforcer le petit groupe local. Chauvin milite notamment avec Cruau et prend contact avec Gérard Calvez à Brest et Eliane Ronel à Quimper. Il suit des cours d'allemand pour pouvoir discuter avec des marins de la Kriegsmarine qui sont assez nombreux à Nantes. Il les aborde alors dans la rue sous prétexte de leur demander du feu et essaie d'entamer la conversation sur la "Scheisse Krieg". Mais les propos échangés ne vont guère plus loin que des considérations sur la paix.
Réquisitionné pour le STO, il fuit en Région parisienne chez Yvan Craipeau à Taverny où il assure les contacts avec Marcel Hic qui travaille à l'agence France Presse, ainsi qu'avec David Rousset, employé dans un ministère. Grâce à leur travail, Rousset et Hic disposent d'informations qui permettent de nourrir le journal La Vérité, premier journal clandestin de la presse française, organe trotskiste, qui paraît à partir de 1940.
Un matin du 15 février 1943, Jean-René annonce à Yvan Craipeau en partant qu'il ne rentrera peut-être pas le soir. Il a rendez-vous avec Pierre Galleti pour mettre en marche une fabrique de fausses cartes d’identité. Il manque Galleti (il l'attend trois minutes et part, comme il était convenu). Alors qu'il s'apprête à réprendre le train, il est arrêté par hasard dans une rafle, près de la gare du Nord. On trouve dans sa serviette le journal La Vérité ainsi que des articles manuscrits. Au cours de son interrogatoire à la PJ, Jean-René s'évanouit plusieurs fois sous les coups, et réveillé chaque fois avec un saut d'eau, mais il reste muet.
Emmené au bout de 8 jours à la Gestapo, rue des Saussaies, il est interné à Fresnes, puis à Compiègne et déporté à Mauthausen, dans le kommando du Loebl Pass. Il est ensuite transféré à Auschwitz-Birkenau, où il travaille au kommando de la mine de Jawischowitz. Puis il est évacué d’Auschwitz vers Buchenwald (à pied, première marche de la mort) puis à Leitmeritz en Tchécoslovaquie (seconde marche de la mort). Il sera libéré dans ce camp par l’Armée rouge, le 8 mai 1945, mais ne sera rapatrié à Bordeaux que le 9 juin.
A son retour, hébergé chez sa mère à Bordeaux durant un an, il reprend contact avec la cellule française de la Quatrième internationale et milite au PCI (Parti Communiste Internationaliste) dont il est candidat aux élections législatives de 1945 et 1946 avec Marcel Thourel. Il part ensuite s’installer à Paris et devient secrétaire à l’organisation, membre de son comité central en 1947 et collaborateur du journal La Vérité. Il couvre les grèves de 1947 (usines Renault, cheminots…), les manifestations et la violente répression qui s’en suit.
Cette année 1947 sera également celle de sa rencontre avec Jenny Plocki. La jeune femme, d’origine juive polonaise, a échappé à l’âge de 16 ans avec son jeune frère Maurice Rajfus à la rafle du Vel d’Hiv menée par la police française. Elle milite alors au PCI depuis 1945, mais dans une autre tendance que Jean-René. Jenny sera sa compagne pendant plus de 60 ans, adoptant souvent des engagements politiques différents, mais partageant les mêmes convictions profondes
En 1948, après des mois de dissensions internes, le PCI se désagrège. L’ex-majorité (Yvan Craipeau, dont Chauvin suit la tendance) pense qu’il est nécessaire de s’ouvrir aux autres courants de la gauche révolutionnaire et de construire des alliances. La référence révolutionnaire reste, mais elle n’est plus considérée comme portée par le seul mouvement trotskiste.
La même année David Rousset et Jean-Paul Sartre créent le RDR (Rassemblement Démocratique Révolutionnaire). Chauvin les rejoint et il est exclu du PCI en mars 1948 en raison de cette adhésion. Mais ce rassemblement ne fera pas long feu. Citons Chauvin, dans un entretien de 2001, tiré du film Jean-René Chauvin, un trotskiste indépendant réal. Catherine de Grissac, Plan Large Production, 2001:
« Le RDR apparaissait comme un rassemblement indépendant de gauche, à la gauche même du Parti Communiste. Au premier congrès du RDR, il y avait deux courants qui s’opposaient. L’un qui était conduit par David Rousset et l’équipe de Franc-tireur, et l’autre qui était conduit par Sartre et par moi et le groupe de copains qui m’entourait. Ce congrès s’est terminé sans qu’il y ait de vote, on ne savait par conséquent pas qui était majoritaire ou minoritaire. Et Sartre, qui n’était pas un militant politique, a démissionné quelques jours après. Ce qui fait que cela a tué le RDR. Cela a éclaté, et chacun est revenu dans sa famille d’origine. »
En juin 1951, Chauvin, figure sur la liste du « Cartel des gauches indépendantes » conduite par Charles d’Aragon dans la 3e circonscription de la Seine, puis, comme il l’écrit dans une lettre au mathématicien Laurent Schwartz, il participe à divers groupes :
« Je suis un peu un militant polyvalent puisque je suis les activités de quatre cercles aux contours mal définis. Sur le plan syndical, je suis inscrit au syndicat des journalistes F.O. (…) et je milite syndicalement avec les amis de « l’Unité » qui viennent comme tu le sais de se désunir (…). Sur le terrain politique j’ai participé à son heure à la Gauche Indépendante Socialiste avec Dechezelles, Rous et les deux députés démissionnaires du MRP d’Aragon et l’Abbé Pierre ; puis au Cartel des Gauches Indépendantes qui se survit sous la forme d’une société de pensée (…) Enfin, je me suis laissé attendrir par les camarades qui publient « Démocratie Prolétariennes » (…). Je travaille depuis un an pour la presse yougoslave, mais cela finira bientôt, non pour des raisons politiques, mais à cause de la dévaluation du dinar qui les oblige à réduire le nombre de leurs correspondants à l’étranger »
Chauvin entre l’année suivante dans le comité directeur du « CAGI » (Centre d’action des gauches indépendantes) organisation socialiste révolutionnaire neutraliste ("ni Washington, ni Moscou") très proche du journal L’Observateur de Claude Bourdet. Le CAGI donne ensuite naissance à la "Nouvelle Gauche", dans laquelle Chauvin s'impliquera jusqu’en 1956. Il part alors près d’un an en Yougoslavie, où il est notamment correspondant de presse de France Observateur à Belgrade. Il travaille également pour Politika, grand quotidien de Belgrade, en 1952, et pour l’agence TanYug.
En 1958, de retour à Paris, il est élu secrétaire de la Fédération de Paris de l’UGS, Union de la gauche socialiste, fondée à la fin de l'année 1957. Candidat aux législatives de novembre 1958 dans le XVème arrondissement à Paris, il obtient un peu moins de 5% des voix.
La mouvance politique composée notamment de trotskistes devenus indépendants ou liés à des organisations diverses va donner naissance à la Nouvelle Gauche, dans laquelle s’investira Chauvin, et dans le cadre de laquelle il militera pour l’indépendance de l’Algérie, à partir de 1956.
Ils organisent des manifestations avec des personnalités politiques, Sartre et Beauvoir notamment. Dans un premier temps, Chauvin ne suit pas la trajectoire de beaucoup de ses camarades, et n’adhère pas au Parti socialiste autonome (PSA), ni au PSU. Il milite à la Voix communiste que créent des oppositionnels du PCF. Il rejoint par ailleurs les principaux comités de soutien créés face à la répression des régimes d’Amérique du Sud (Argentine, Pérou...).
En 1963, les sollicitations de camarades comme Fournier, Gérard Calvès, Lequenne, qui ont constitué une « tendance socialiste révolutionnaire », incitent Jean-René à adhérer au PSU, dans la tendance SR Socialiste Révolutionnaire.
La volonté de cette tendance est de modifier la composition sociologique du PSU en recrutant en milieu ouvrier. Mais la majorité du PSU, menée par Martinet, est opposée à l’immersion dans le milieu syndical, et l’emporte. L’activité en entreprise se délite progressivement ; alors que Gérard Calvès avait animé une vingtaine de bulletins d'entreprise en 1963, il n'en reste plus qu'une demi-douzaine à la veille de mai 68.
Chauvin, qui est membre du bureau de la XVe section parisienne du PSU publie Initiative Socialiste dans le cadre du courant révolutionnaire. Directeur de publication, il assure tout le soutien financier. Il assiste aux barricades de 1968, participe à toutes les manifestations. Il s’engage aussi, durant cette période, dans le soutien à la lutte pour l’indépendance Vietnamienne. Il s’inscrit dans les comités contre la répression à l’encontre des organisations de la gauche radicale, y compris celles dont il n’est pas proche. Même s’il n’appartient pas à Lutte Ouvrière, il prête son nom à cette organisation pour lui permettre de poursuivre son activité. De même, Chauvin sera gérant de La Batalla, journal du POUM et des républicains espagnols, pour son ami, Wilebaldo Solano, qui avait besoin d’un gérant français qui puisse déposer les papiers en préfecture.
En 1969, lors de la campagne présidentielle anticipée, alors que le PSU a désigné Rocard, Chauvin qui défendait une entente entre le PSU, la JCR et Lutte Ouvrière, s’oppose à la candidature de Rocard pour le PSU et soutient politiquement Krivine. Il est alors exclu du PSU et rejoint la Ligue Communiste. Mais il n’est pas satisfait de la politique « mouvementiste » de la Ligue entre 1968 et 1973-1974. Comme il le dit dans ce même entretien de 2001, tiré du film Jean-René Chauvin, un trotskiste indépendant, réal. Catherine de Grissac, Plan Large Production, 2001 :
« Il y avait une certaine manie chez eux qui était de faire une manifestation chaque fois qu’il y avait un évènement sur la planète. On manifestait pour l’Irlande, on manifestait pour l’Espagne, on manifestait pour le Viet-Nam… Dans une semaine, on pouvait facilement avoir une manifestation par jour (…). J’ai eu également des divergences parce qu’ils étaient engagés dans la campagne en faveur du Viet-Nam sans nuances. Il n’y avait aucune critique du Viet-Minh et de la politique qui était une politique stalinienne à l’intérieur de l’Etat vietnamien ».
Il leur reproche ensuite le fait que ses critiques ne soient pas portées à la connaissance des militants et finit par quitter la Ligue, en 1986. Mais il reste très engagé. La retraite de son métier de journaliste à l'âge de soixante ans, en 1978, n’a pas tari sa flamme militante.
En 1992, il est invité à Moscou par des anciens du goulag stalinien qui voulaient organiser une conférence et inviter des anciens déportés des camps de concentration nazis. Il constitue une délégation d’une douzaine de camarades, des trotskytes comme Marcel Beaufrère et des figures appartenant à d’autres courants politiques, notamment Germaine Tillion et Anise Postel-Vinay. Lors de ce voyage, un événèmenet symbolique se produit. Dans la « salle des colonnes » où s'étaient déroulés les procès de Moscou, Jean-René Chauvin parle de son engagement dans les comités de défense de ces accusés sous les applaudissements des anciens du goulag.
Au début des années 1990, alors que la Yougoslavie commence à éclater, Jean-René Chauvin qui a des amis dans presque toutes les Républiques yougoslaves, est parmi les tout premiers à rejoindre les rangs de l’Association Sarajevo, présidée par Francis Jeanson, durant l’été 1992. Son activité y est intense, notamment en tant que rédacteur en chef du bulletin de l’Association, la Lettre de Sarajevo et en tant que membre du Conseil d’administration.
Alors que le PCF entre dans une ère de « mutation », il mène par ailleurs une enquête sur les circonstances de la disparition d’un important dirigeant du PC Italien en octobre 1943 devenu trotskiste, Pietro Tresso dit Blasco, et de trois militants de ce courant (Sadek, Salini, Reboul) disparus dans un maquis de Haute-Loire dirigé par le PCF. Cette enquête est menée avec Albert Demazière (rescapé) et Paul Parisot. Elle aboutit à une lettre adressée à Robert Hue, à laquelle celui-ci répondra et dont l’Humanité fera écho.
Il adhère par ailleurs à de petits mouvements, comme l’AREV (Alternative Rouge et Verte), dont il démissionne en 1994 parce qu’il désapprouve leur ralliement électoral sans contrepartie aux Verts et le manque de « positions politiques courageuses » vis-à-vis de la Bosnie notamment. Animateur d’un bulletin militant, Le Petit coquelicot, il soutient la campagne d’Olivier Besancenot pour les élections présidentielles de 2002 et rejoint - à nouveau - la Ligue communiste révolutionnaire cette année-là.
Comme le souligne, dans le Maitron , dictionnaire bibliographique du Mouvement ouvrier, l’article consacré à Chauvin :
« Militant infatigable, Jean-René Chauvin chercha constamment une voie pour concilier les aspirations démocratiques et la radicalité révolutionnaire. »
Il chercha aussi constamment à apporter sa pierre à l’unification et au rassemblement des forces éparpillées de la « gauche irrespectueuse ».
Il meurt le 27 février 2011, à l'âge de 92 ans.
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Sources :
Cet article a été rédigé par Jeanne Menjoulet du Centre d'Histoire sociale du XXe siècle, à partir des sources suivantes :
- Pièces du fonds JRC, notamment : texte dactylographié "Biographie de Jean-René Chauvin" par lui-même, tiré du dossier relatif aux biographies de militants résistants, déportés, et/ou victimes de l’épuration du PCF dans les années 1940-50 (1-JRC-2D1) ; article de Germaine Tillion, relatif à la conférence de 1992 sur le goulag et la déportation (1-JRC-8E2) ; les archives des recherches Chauvin-Demazière concernant l’assassinat de Pietro Tresso dit Blasco (1-JRC-8D3) ; Publication de Chauvin « Samizdat » ‘Sous la recomposition la décomposition’, 8 juillet 1994 (cote 1-JRC-8G)
- Film Jean-René Chauvin, un trotskiste indépendant, 2001, Plan Large Production
- Jean-René Chauvin, Un trotskiste dans l'enfer nazi : Mauthausen-Auschwitz-Buchenwald : 1943-1945, Paris : Éd. Syllepse, impr. 2006, 245 p.
- Entretien avec Jenny Plocki réalisé au CHS en juin 2011
- Jean-Michel BRABANT, "Jean-René Chauvin", dans Dictionnaire biographique du Mouvement Ouvrier, Tome 3, période 1940-1968 publié sous la direction de Claude Pennetier, 2007 ; accès en ligne : http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr 

Informations sur l'acquisition :

Don de Jenny Plocki
Madame Jenny Plocki, compagne de Jean-René Chauvin, a fait don de ce fonds d'archives au Centre d'Histoire sociale du XXe siècle en juin 2011, avec une autorisation permanente et générale de communication.

Description :

Mise en forme :
Jean-René Chauvin a lui-même classé ses archives par sous-dossiers concernant par exemple des organisations politiques comme le PCI ou des phénomènes politiques géographiquement situés comme la Yougoslavie de Tito.
Les documents sont archivés dans une perspective dans le cadre de son activité professionnelle, politique et militante. Nous avons respecté son classement et le contenu de ces dossiers en les associant aux périodes dans lesquelles ils s’inscrivaient. Nous avons donc choisi de créer des séries incluant ces dossiers dans une perspective chronologique : le classement est organisé en 8 chapitres correspondant à ce découpage dans le temps.
Outre ce classement chronologique, nous avons créé un sous-fonds regroupant sa correspondance, archivée dans des classeurs particuliers : sa correspondance générale (par périodes chronologiques), les échanges avec sa mère (Mme Clavié), avec Marcel Thourel et avec Heinz Abosh (Benno).

Description physique :

Importance matérielle :
33 boîtes (Larg10 X H25 X Long34) soit 5 mètres linéaires environ
Dimensions :
Formats divers, majoritairement A4 dactylographié (sauf coupures presse)

Ressources complémentaires :

Inventaire disponible sous forme de fichier PDF

Organisme responsable de l'accès intellectuel :

Humathèque Condorcet
10 cours des Humanités
93322 Aubervilliers Cedex
Téléphone : 33 (0)1 88 12 08 80
archives.humatheque@campus-condorcet.fr
Site web du Campus Condorcet 

Mises à jour :

4 novembre 2019
  • Mise à jour des informations lors du transfert des fonds du Centre d'histoire sociale des mondes contemporains vers le Grand équipement documentaire du Campus Condorcet
  • Identifiant de l'inventaire d'archives :

    FR-930019801-Paris1-CHS-JRC

    Où consulter le document :

    Humathèque Condorcet - Service des archives

    Humathèque Condorcet - Service des archives

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