Inventaire d'archives : Fonds Francis Jouvin, alias "Capitaine Cabrol" (1900-2009)

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Le fonds Francis Jouvin, alias "Capitaine Cabrol", est essentiellement constitué de comptes rendus et rapports d'opération de Résistance, de notes personnelles, de dossiers individuels d'homologation de services FFI, d'attestations personnelles de services militaires, de dossiers documentaires, de correspondance, de photographies, et de plusieurs objets (dont un brassard et un fanion FFI). Ce fonds, qui offre un témoignage assez rare et complet des activités d'un groupe structuré de résistants héraultais d'un réseau action - le corps franc "Groupe Cabrol" - et particulièrement de la vie et de l'action de leur chef, Francis Jouvin, est structuré en huit parties : vie personnelles et professionnelle (220 J 13-18, 94, 97), plans de sabotage, combats, propagande et Cour martiale de Béziers (220 J 22-27, 102), activités des groupes de Résistance (220 J 11, 80-83, 88-91), Corps franc "Groupe Cabrol", homologation et reconnaissance des services accomplis dans la Résistance (220 J 1-10, 12), commémorations, dossiers documentaires, correspondance (220 J 84-87, 92), amicales et associations patriotiques (220 J 19-21, 79, 93), fonds photographique et iconographique (220 J 28-78, 101) et objets (220 J 95-96, 98-100).

La première partie, Vie personnelle et professionnelle (220 J 13-18, 94, 97), permet d'appréhender le parcours personnel, familial et militaire de Francis Jouvin. Les deux premiers articles (220 J 13, 97), rassemblent les documents concernant la vie privée de Francis Jouvin et de sa famille (à noter particulièrement, le dossier individuel de Louis Jouvin, père de Francis Jouvin, invalide de guerre). Viennent ensuite les dossiers (220 J 14-18) permettant de retracer très précisément la carrière militaire effectuée dans l'Armée de l'air par Francis Jouvin de 1935 à 1972 : pièces personnelles d'identité militaire, déroulement de carrière et affectations successives, reconnaissance et homologation des services accomplis dans la Résistance, décorations et distinctions militaires. Un dernier dossier (220 J 94) témoigne de l'étroite collaboration entre Francis Jouvin et Joseph Lanet, son ancien chef dans la Résistance, lors de la rédaction des Mémoires de guerre de Joseph Lanet : est ainsi conservée toute la correspondance échangée entre 1969 et 1974 entre les deux compagnons de Résistance, ainsi qu'un dossier relatif au décès de Joseph Lanet en 1974 et un dossier concernant la préparation de l'édition définitive des Mémoires de guerre en 2009 par les Archives départementales de l'Hérault.
La seconde partie, Plans de sabotage, combats, propagande et Cour martiale de Béziers (220 J 22-27, 102), réunit les documents originaux dont disposait Francis Jouvin en 1943-1944 pour l'exécution des plans de sabotage préparatoires à la Libération (plan de sabotage des installations électriques - ou Plan bleu - et plan de sabotage des voies ferrées - ou Plan vert), des dossiers concernant certains événements marquants de l'année 1944, les dossiers liés à la propagande et à l'épuration menée contre des collaborateurs du Biterrois. L'article 220 J 24, réunissant les plans calques originaux des coupures ferroviaires à opérer par le responsable Plan vert, ainsi que les consignes clandestines afférentes, est tout à fait exceptionnel par sa rareté. De même manière, le dossier relatif à la Cour martiale de Béziers (220 J 102), qui siégea les 5, 11 et 14 septembre 1944 et dont Francis Jouvin était membre, est un document extrêmement précieux, compte tenu de l'absence totale de sources sur ce sujet dans les fonds judiciaires conservés aux Archives départementales de l'Hérault (aucun dossier de la Cour martiale de Béziers n'a été conservé dans le fonds de la Cour de Justice de l'Hérault, en sous-série 59 W). Lors des séances de la Cour martiale de Béziers, Francis Jouvin a consigné des notes manuscrites sur chaque prévenu, rendant ainsi compte du déroulement - pour le moins expéditif - des procès de collaborateurs, dont l'issue était quasiment systématiquement la condamnation à mort.
La troisième partie, Activités des groupes de Résistance (220 J 11, 80-83, 88-91), rassemble les dossiers relatifs aux actions menées par le Corps franc "Groupe Cabrol", sous les ordres directs de Francis Jouvin, alias Cabrol, ainsi que les dossiers témoignant de l'activité personnelle de Francis Jouvin, alias Tael, au sein du réseau de renseignement Côtre. Les archives concernant le Corps franc "Groupe Cabrol" permettent de suivre très précisément la composition et les actions clandestines des équipes locales formant le Groupe Cabrol, organisé et identifié selon les formations successives "Plan vert et Corps franc Béziers" (juin 1943-janvier 1944), "Plan vert départemental et Corps franc Cabrol" (février-juin 1944), "Groupes FFI des secteurs de Béziers et Bédarieux" (juillet-août 1944). Il est ainsi possible grâce aux listes nominatives clandestines codées de reconstituer l'organisation des équipes suivantes : équipe n° 1 (état major, groupe Francis Fabre), équipe n° 2 (Portiragnes - Mission Plan vert), équipe n° 4 (Béziers, compagnie du gaz - Mission corps franc et renseignements), équipe n° 6 (action ouvrière), équipe n° 7 (Hérépian - Mission Plan vert), équipe n° 8 (Gabian - Mission Plan vert), équipe n° 9 (Le Poujol-sur-Orb - Mission Plan vert), équipe n° 10 (Vias - Mission Plan vert), équipe n° 12 (Cazouls-lès-Béziers - Mission corps franc en liaison avec Maraussan), équipe n° 14 (Bédarieux), équipe n° 15 (Colombières-sur-Orb), équipe n° 16 (Mons-la-Trivalle), équipe n° 17 (Hérépian), équipe n° 19 (Gabian), équipe n° 20 (Béziers, secteur Nord), équipe n° 21 (secteur Béziers HBM, section du PC), équipe n° 22 (Béziers, secteur PTT), équipe n° 23 (Béziers arênes), équipe n° 26 (volontaires espagnols de la fédération locale de Béziers de la Confédération nationale des travailleurs [CNT]), équipe n° 29 (Cazouls-lès-Béziers), équipe des Polonais (Bousquet-d'Orb). Les actions clandestines et sabotages spectaculaires réalisés en 1943-1944 par les équipes locales sont particulièrement bien documentés par le journal de marche du Groupe Cabrol (220 J 91), des résumés d'activités, comptes rendus et états de service, rédigés à des dates différentes (220 J 89). L'action du groupe Cabrol ne cesse pas à la Libération en août 1944 et peut également être étudiée grâce aux archives comptables couvrant la période septembre 1944-juin 1945 (220 J 83, 88). Enfin, les actions de Francis Jouvin, comme membre du réseau de renseignement Côtre, peuvent être suivies grâces aux documents clandestins, instructions, rapports et comptes rendus produits et reçus par Tael (220 J 81-82).
La quatrième partie, Corps franc "Groupe Cabrol", homologation et reconnaissance des services accomplis dans la Résistance (220 J 1-10, 12), témoigne de l'ensemble considérable de démarches administratives effectuées à partir de l'automne 1944 (et ce, pendant plus de 50 ans!) par Francis Jouvin pour obtenir la reconnaissance et l'homologation des services effectuées dans la Résistance, sous ses ordres, par tous les membres du groupe Cabrol. Le nombre considérable de dossiers conservés atteste assurément que la très forte camaraderie née dans la clandestinité perdure après la Libération, par delà les décennies. L'article 220 J 9, constitué de correspondance et de listes nominatives, concerne la difficile homologation du groupe Cabrol comme unité combattante FFC au sein du réseau "Action R 3" et comme unité combattante FFI. Les articles 220 J 1-3 rassemblent quant à eux les dossiers individuels des membres du groupe (comprenant état civil et situation de famille, profession, résumé des services rendus dans la Résistance et appréciations des chefs d'équipe et groupe, attestations, correspondance) présentés à partir de 1945 pour l'homologation des agents de catégories P 0 (travail occasionnel pour la Résistance), P 1 (travail habituel pour la Résistance) et P 2 (travail clandestin et en permanence pour la Résistance). Il est à noter que l'ensemble des dossiers conservés a été identifié dans l'instrument de recherche. Un autre ensemble de dossiers individuels (220 J 4-6, classement alphabétique) est constitué par les dossiers individuels de résistants établis par Francis Jouvin à partir de 1944. Ces dossiers, réunissant propositions de décorations, attestations et certificats d'appartenance à la Résistance et aux Forces françaises de l'Intérieur (FFI), rapport et comptes rendus d'actions de Résistance, ont été établis dans le cadre de demandes individuelles d'homologation de services et d'attribution de décorations. Enfin, plusieurs dossiers et listes spécifiques complètent cette partie : actes individuels d'engagement dans les FFI en septembre - octobre 1944 des membres du groupe Cabrol (220 J 8), citations, listes nominatives, certificats d'appartenance FFI (220 J 10, 12) et demandes de cartes individuelles, intitulées "Livret de Résistance - R3" (220 J 7).
La cinquième partie, Commémorations, dossiers documentaires, correspondance (220 J 84-87, 92), réunit tous les dossiers thématiques (plaquettes, discours, notes, correspondance) constitués de 1944 à 2009 par Francis Jouvin dans le cadre des commémorations liées à la Résistance et à la Libération du Biterrois. La correspondance de Francis Jouvin avec ses camarades de clandestinité laisse apparaître la forte charge émotive des liens personnels tissés dans la Résistance avec ses compagnons d'armes, ainsi que la place récurrente du drame du col de Fontjun (6 juin 1944), où de nombreux Résistants sont morts fusillés, alors que le débarquement des troupes alliées débutait en Normandie. Par ailleurs, Francis Jouvin a conservé, dans ses nombreux dossiers sur la guerre, des coupures de presse souvent annotées et commentées par ses soins. Francis Jouvin, fortement marqué par les années de guerre, revient continuellement au cours des décennies, sur les événements de guerre, à travers des notes manuscrites et dactylographiées : les événements de guerre ne sont pas seulement relatés, mais interprétés, commentés et remis en perpective à la lumière de l'actualité du moment. Il est à noter que Francis Jouvin, dès les années 1950, a eu l'intention de publier un ouvrage de souvenirs sur son expérience personnelle dans la Résistance, mais que ce projet n'a pu voir le jour (220 J 92).
La sixième partie, Amicales et associations patriotiques (220 J 19-21, 79, 93), rassemble les archives (listes nominatives, comptes rendus, comptabilité, correspondance) relatives aux associations patriotiques dont fit partie Francis Jouvin. La première d'entre elles est l'Amicale du Groupe Cabrol (220 J 19-20), que Francis Jouvin fonde dès l'automne 1944, afin de maintenir et renforcer les liens d'amitié et de solidarité entres les membre du groupe Cabrol. Sont également représentées l'Amicale du réseau Côtre (220 J 79), l'Amicale des Français Libres, l'Amicale Action, l'Union française des Associations de Combattants (220 J 93), l'Union départementale de l'Hérault des Combattants Volontaires de la Résistance (CVR) et l'Amicale des Forces françaises combattantes (FFC) - Cloche du 11 Novembre (220 J 21). Ces associations patriotiques témoignent de l'amitié indéfectible née du combat clandestin et de la volonté commune de défendre les droits et héritages de l'esprit de la Résistance après la Libération.
La septième partie, Fonds photographique et iconographique (220 J 28-78, 101), regroupe l'ensemble des photographies et négatifs de Francis Jouvin. Il s'agit d'une très riche collection de photographies, la plupart annotées et commentées de la main de Francis Jouvin (les commentaires sont indispensables pour contextualiser les photographies, identifier les personnes et appréhender les opinions de Francis Jouvin). Les clichés sont regroupés en trois sous-parties : vie personnelles et professionnelle de Francis Jouvin (220 J 28-39, 101), qui réunit des photographies de famille, des photographies illustrant sa carrière militaire dans l'armée de l'air (à noter, une belle collection de clichés d'avions de guerre en 220 J 34-37, 39) ; Résistance, guerre, Libération, campagne d'Alsace et commémorations (220 J 40-77), qui rassemble des clichés exceptionnels pris dans la clandestinité, à la Libération et sur le Front d'Alsace. Ces photographies relatives aux événements de guerre sont particulièrement précieuses, notamment celles illustrant les obsèques de trois maquisards tués au passage à niveau près de Lunas par les Allemands, prises le 11 juillet 1944, où l'on ressent avec émotion la douleur des proches des victimes (220 J 42) ; les photographies prises le 20 août 1944 à Béziers, montrant une voiture et un char allemands endommagés par les membres du groupe Cabrol (220 J 59), ainsi que celles des défilés de la Libération dans la cité biterroise nous restituent avec justesse l'atmosphère particulière de la Libération tout en donnant un visage aux membres du groupe Cabrol, en uniforme, parfaitement identifiables et identifiés (220 J 55-58). Les clichés de la Campagne d'Alsace (220 J 65-67) sont eux aussi remarquables car ils nous permettent d'illlustrer l'épopée de la Brigade légère du Languedoc (BLL). Enfin, Francis Jouvin a précieusement conservé les photographies prises chaque année, depuis 1944, lors des commémorations et cérémonies patriotiques (220 J 68-77). Le dernier article de cette partie est constitué par un ensemble conséquent de négatifs souples des principaux clichés positifs, conservés dans le fonds (220 J 78).
La huitième et dernière partie, Objets (220 J 95-96, 98-100), réunit des objets émouvants conservés par le Résistant : le brassard tricolore FFI du capitaine Cabrol (220 J 99), le fanion du groupe Cabrol (220 J 98), l'insigne brodé du groupe Cabrol représentant un pylône électrique, un train circulant sur une voie ferrée, une hélice et un moteur d'avion, symbolisant les actions clandestines de sabotage effectuées par l'unité (220 J 96), deux médailles commémoratives des sabotages réalisés dans le cadre du Plan vert (220 J 95) et la dague d'officier de l'armée de l'air de Francis Jouvin (220 J 100).
Le fonds Francis Jouvin, alias "Capitaine Cabrol", constitue assurément l'un des principaux fonds d'archives relatifs à la Résistance, conservés aux Archives départementales de l'Hérault. Il est en effet extrêmement rare qu'un nombre aussi important de documents produits et reçus dans la clandestinité par un responsable départemental de la Résistance ait pu être conservés. Le nombre considérable de dossiers nominatifs individuels de résistants du Biterrois, constitués et conservés par Francis Jouvin, forme également un corpus exceptionnel pour qui veut aborder l'étude de la Résistance autour de Béziers et Bédarieux. L'iconographie remarquable, illustrant la Résistance, la Libération et ses combats, constitue par ailleurs une richesse historique complémentaire de premier plan. Enfin, le fonds Francis Jouvin, alias "Capitaine Cabrol" permet une étude croisée de la Résistance dans l'Hérault particulièrement pertinente lorsqu'il est mis en relation avec les archives de Joseph Lanet (conservées en sous-série 177 J), ancien responsable de Francis Jouvin dans la clandestinité.

Cote :

220 J 1-102

Publication :

Archives départementales de l'Hérault
2016
Montpellier

Informations sur le producteur :

Origine: Jouvin, Francis (1918-2010), alias "Martin", "Fabre", "Tael", "Capitaine Cabrol", responsable départemental du Plan vert en région clandestine R 3-2, responsable FFI des secteurs militaires de Béziers et Bédarieux
Jouvin, Francis (1918-2010), alias "Martin", "Fabre", "Tael", "Capitaine Cabrol", responsable départemental du Plan vert en région clandestine R 3-2, responsable FFI des secteurs militaires de Béziers et Bédarieux
Francis Jouvin naît à Sète le 27 août 1918, fils de Louis Jouvin (ancien combattant et mutilé de la guerre 1914-1918, profondément marqué par le conflit qui lui laisse des séquelles physiques et psychologiques importantes) et de Louise Liguori, son épouse. Orphelin de père à l'adolescence (Louis Jouvin se suicide par électrocution le 30 mars 1935), Francis Jouvin entre en octobre 1935, après une scolarité primaire et secondaire à Béziers, à l'Ecole des apprentis-mécaniciens de l'armée de l'air de Rochefort-sur-Mer (l'école est créée en 1932 en Charente-Maritime et regroupe les formations de toutes les spécialités techniques des sous-officiers de l'armée de l'air). Il s'engage alors pour 3 ans (durée de la formation), puis à la sortie de l'école, s'engage pour 5 ans comme instructeur mécanicien à Rochefort.
Devant le déferlement des troupes allemandes en France en juin 1940, l'école de Rochefort est repliée avec son personnel à Céret (Pyrénées-Orientales). Le 28 août 1940, Francis Jouvin cherche à gagner l'Espagne pour rejoindre ensuite la France Libre et le général de Gaulle, mais il échoue dans son projet et ne réussit pas à franchir les Pyrénées.
Francis Jouvin est alors versé en septembre 1940 dans le corps des sous-agents des services de l'air à la base aérienne - dépôt de stockage de Lyon-Bron (corps civil chargé de l'entretien des bâtiments et hangars militaires).
Le 10 décembre 1940, il est affecté sur sa demande à la base aérienne - dépôt de stockage de Montpellier-Fréjorgues.
En novembre 1942, les troupes allemandes entrent en zone sud. Francis Jouvin effectue sur l'aérodrome de Fréjorgues des sabotages de matériel militaire français et participe au camouflage d'armes.
Le 1er mars 1943, il est placé en congé d'armistice, quitte l'armée et se retire chez sa mère à Béziers. A l'occasion d'un déplacement, il entre en contact avec le mouvement de Résistance Franc-Tireur à Saint-Etienne (Loire), assurant notamment la distribution de tracts et journaux clandestins (dont le journal Franc-Tireur). Il lui est demandé de créer à Béziers un groupe franc pour le mouvement Franc-Tireur et d'assurer la diffusion des journaux clandestins (Francis Jouvin prend alors le pseudonyme de "Martin").
Au cours du mois de mars 1943, Francis Jouvin entre en contact avec Emile Tourrenc, son ancien professeur à l'école pratique, devenu chef de l'Armée secrète (AS) du mouvement Combat à Béziers. Il entre alors dans le réseau (avec l'accord de Franc-Tireur) et devient l'agent de liaison d'Emile Tourrenc (alias "Thierry"), qui doit quitter Béziers en juin 1943, pour éviter une arrestation par la Gestapo. Parallèlement, à compter de juin 1943, Francis Jouvin est aussi membre du réseau de renseignement Côtre (dépendant du Bureau central de renseignement et d'action - BCRA, services secrets de la France Libre), sous le pseudonyme de "Tael".
En juin 1943, le nouveau responsable AS de Béziers, Paul Bénézech, alias "Bernard Poitevin", charge Francis Jouvin (qui prend alors le pseudonyme de "Fabre") d'organiser les Corps francs du Biterrois, de constituer et de former des équipes spécialisées dans les sabotages de voies ferrées et de lignes électriques. Francis Jouvin recrute alors et instruit trois équipes de 10 hommes à Portiragnes, Poilhes et Maraussan. En août 1943, Bernard Henri Bonnafous, alias "Richard", chef régional adjoint de l'AS en région clandestine R 3, charge à son tour Francis Jouvin de l'organisation d'un groupe franc à Béziers, et d'une équipe volante, destinée à intervenir dans tout le département, voire dans toute la région en cas de besoin. Ce dernier recrute ainsi à Béziers trois équipes de 9 hommes (équipes Roque, Venes et Gazelle), et à Maraussan une équipe volante sous la responsabilité de Fernand Arcas, alias "Arnal".
A partir de septembre 1943, Francis Jouvin participe à plusieurs coups de main dans le département, dont la spectaculaire attaque du Pavillon populaire à Montpellier dans la nuit du 26 au 27 octobre 1943 (au cours de cette opération, le groupe de résistants s'empare des cartes d'alimentation stockées par les services du Ravitaillement au Pavillon populaire sur l'Esplanade à Montpellier, afin de procurer des vivres aux résistants clandestins, maquisards et venir en aide à leurs familles).
Durant l'automne 1943, pour éviter le départ en Allemagne au titre du Service du Travail Obligatoire (STO), Francis Jouvin travaille au dépôt SNCF de Béziers ; il est alors particulièrement bien placé pour repérer puis préparer des sabotages sur les voies ferrées du secteur. Il coordonne ainsi plusieurs actions de sabotages, dont un important sabotage le 6 janvier 1944, qui assure la destruction simultanée de 6 machines à vapeur au dépôt de Béziers.
En janvier 1944, Joseph Lanet, chef départemental des Mouvements unis de la Résistance (MUR) en R 3-2 (dont les archives sont conservées en sous-série 177 J et dont les Mémoires de Résistance ont été publiés en 2008 dans une édition scientifique établie par Guy Roger et les Archives départementales de l'Hérault), le nomme responsable départemental du Plan vert (plan de sabotage des voies ferrées destiné à préparer l'intervention des Alliés en France), sous le pseudonyme de "Capitaine Cabrol". Francis Jouvin, s'appuyant sur les corps francs existants, doit ainsi constituer des équipes locales de sabotage dans le Biterrois et coordonner leur action selon les directives de Londres. Il s'acquitte parfaitement de sa tâche et assure, avec son unité - Corps franc Groupe Cabrol, les coupures ferroviaires demandées au cours du printemps et de l'été 1944.
En juillet-août 1944, Francis Jouvin est également nommé chef des secteurs militaires FFI de Bédarieux et de Béziers. Lors de la Libération de Béziers, le 22 août 1944, il assure la destitution de la municipalité nommée par Vichy et participe à la restauration de la légalité républicaine (il destitue notamment le maire de Béziers, Auguste Albertini, ancien professeur de mathématique de Francis Jouvin, lors de sa scolarité secondaire à l'Ecole pratique de Béziers). Francis Jouvin assure les fonctions de commandant d'armes de la place de Béziers du 22 au 26 août, puis, ensuite, celles de commandant de la Caserne Duguesclin. En septembre 1944, il est désigné pour siéger à la cour martiale de Béziers, chargée d'assurer l'Epuration dans le Biterrois. A partir d'octobre 1944, il participe avec ses hommes, au sein de la Brigade légère du Languedoc (BLL), à la campagne d'Alsace. Le capitaine Cabrol commande la 2e compagnie du 2e bataillon FFI de l'Hérault, constituée exclusivement des membres du Groupe Cabrol. Le 15 novembre 1944, Francis Jouvin est nommé chef d'Etat-Major à la Brigade légère du Languedoc, puis intègre le 80e régiment d'infanterie (80e RI, au sein de la 1e armée française, du général de Lattre de Tassigny) en février 1945.
Après la guerre, le 11 août 1945, Francis Jouvin épouse à Béziers Gillette Garnier, originaire de Rochefort (ils ont un fils, Jacky, en 1946). En 1945, il réintègre l'Armée de l'air, où il poursuit sa carrière militaire en Côte-d'Or, en Dordogne, dans la Gironde et à Paris, prenant sa retraite en 1972 comme colonel mécanicien. Francis Jouvin participe par ailleurs activement à titre personnel, dans des associations patriotiques, aux cérémonies et commémorations des événements auxquels il a participé lors de la seconde guerre mondiale.
En 1969, Francis Jouvin est contacté par son ancien chef clandestin, Joseph Lanet, qui envisage de rédiger et publier ses mémoires de Résistance. Ce dernier souhaite recueillir auprès de ses anciens collaborateurs souvenirs et documents afin d'enrichir son récit ; il souhaite également faire relire son manuscrit à ses camarades, au fur-et-à-mesure de la rédaction. Francis Jouvin échange ainsi une abondante correspondance à ce sujet avec Joseph Lanet entre 1969 et septembre 1974, date du décès subit de Joseph Lanet. Conformément aux dernières volontés du défunt, Francis Jouvin recueille en septembre 1974 dans le bureau parisien de Joseph Lanet une partie du manuscrit et des archives de résistance de son ancien responsable (ces archives, données aux Archives départementales en septembre 2013 par la petite-fille de Francis Jouvin, sont désormais intégrées au fonds Joseph Lanet en sous-série 177 J).
Chevalier de la Légion d'honneur et officier de l'ordre national du mérite, Francis Jouvin est décoré de la croix de guerre 1939-1945, avec deux citations, de la médaille de la Résistance et de la médaille commémorative des services volontaires dans la France Libre.
Francis Jouvin décède à Béziers le 16 novembre 2010.

Informations sur l'acquisition :

Don Amélie Jouvin (entrée n° 5555, 13 septembre 2013).

Description :

Évolutions :
Fonds clos.

Conditions d'accès :

Communication selon les lois et décrets en vigueur pour les archives publiques.

Conditions d'utilisation :

Se reporter au règlement intérieur de la salle de lecture.

Description physique :

Importance matérielle :
5,60

Ressources complémentaires :

Archives départementales de l'Hérault
Sous-série 1 J :

1 J 1472. "Avoir 20 ans en 40" : souvenirs de Résistance et de déportation couvrant la période 1940-1945, d'André Dau (1920-2008), résistant à Béziers, membre de Combat et de l'Armée secrète : 1 fascicule dactylographié, 13 pages [1995].

1 J 1489. "Histoire d'un maquis : le maquis Latourette" : 1 volume dactylographié, avec illustrations, diffusé par la Mairie de Puisserguier, 22 pages [2000].

1 J 1502. "La Résistance, telle que l'a vécue Bernard Henri Bonnafous", par Bernard Henri Bonnafous : 1 volume dactylographié de 27 pages + 30 pages de reproductions de documents originaux [souvenirs de Bernard Henri Bonnafous, alias Richard, chef régional-adjoint de l'Armée secrète pour la région R 3, chef départemental FFI de l'Aveyron, couvrant la période octobre 1941 - septembre 1944].

Sous-série 173 J : fonds colonel André Pavelet (1940-1967).

Série W : Archives publiques postérieures à 1940

Préfecture de Montpellier

18 W 16. Maintien de l'ordre : rapport d'activité mensuels (activités anti-nationales, état de l'opinion) ; bulletins hebdomadaires des Renseignements généraux (1944) ; rapports de gendarmerie sur des agissements nuisibles au relèvement du pays (1942 - 1944).

1000 W 190. Bulletins quotidiens et hebdomadaires des renseignements généraux (octobre 1943 - juin 1944).

1000 W 196. Notes de renseignements (police et renseignements généraux) (janvier 1944 - août 1944).

1000 W 205. Accidents, explosifs et faits divers : rapports, procès-verbaux, correspondance (mai 1943 - avril 1944).

1000 W 206. Accidents, explosifs et faits divers : rapports, procès-verbaux, correspondance (mai - juin 1944).

1000 W 219. Arrestations : correspondance, rapports, fiches de renseignements, tableaux récapitulatifs (1943 - 1944).

Sous-préfecture de Béziers

12 W 186. Rapports journaliers du commissariat central (1942 - 1944).

12 W 751. Tracts, sabotages, individus recherchés (1942 - 1944).

12 W 762. Rapports de police mensuels (1942 - 1944).

12 W 879. Organisation des comités de Libération des communes de l'arrondissement de Béziers (1944 - 1945).

Commissariat de la République

999 W 131. Mouvement unifié de la Résistance (MUR) et Front national (1945).



Service historique de la Défense, Bureau Résistance

GR 16 P 313476 Dossier administratif individuel de Résistant de Francis Jouvin.
1 J 1501
Archives du Résistant Francis Jouvin (1918-2010), alias "Cabrol", responsable départemental dans la sous-région R 3-2 (Béziers - Bédarieux - Saint-Pons-de-Thomières - Narbonne) du Plan vert (plan de sabotage des voies ferrées en prévision du débarquement des Alliés).
- 2 plans originaux sur calque numérotés 214 et 225 localisant les sabotages à effectuer pour l'exécution du Plan vert dans les tunnels ferroviaires situés entre Colombières-sur-Orb et Le Poujol-sur-Orb, pour le premier, et entre Bédarieux et Faugères, pour le second [février 1944].
- Photocopie du Journal de marche du Groupe Cabrol (juin 1943 - 9 juin 1944).
- Photocopie de la circulaire de l'exécutif Zone Sud du Mouvement de Libération Nationale (MLN) à tous les militants concernant les mesures à prendre dès la Libération (3 août 1944).
- "Rapport sur l'état de la Résistance du Capitaine Cabrol" (20 décembre 1944, copie 2010).
- Relation écrite par Francis Jouvin du sabotage du tunnel de Colombières-su-Orb effectué par ses soins le 7 juillet 1944 (10 juillet 1945, copie 2010).
- Journal "Béziers Républicain", n° 34, comprenant un article intitulé "L'action du capitaine Cabrol et de ses équipes" (19 août 1945).
- Déposition de Madame Abbal à la gendarmerie de Bédarieux concernant les circonstances de l'arrestation de son mari et de son fils par la Milice et la Gestapo en février 1944 [1945].
- Lettre d'appel de fonds aux anciens du Groupe Cabrol pour l'érection d'un monument commémoratif du décès de Paul Fougassier, originaire de Maraussan et membre du Groupe Cabrol, mortellement blessé par balle dans la tête lors de l'attaque d'un train allemand au "Capiscol", à Béziers, le 22 août 1944 au cours de la Libération (15 mai 1961).
- Photocopie des "Souvenirs de Francis Jouvin sur la Libération de Béziers" : 20 pages manuscrites (1984, copie 2010).
- Demande de carte de Résistant pour Marius Lavis, de Béziers, propriétaire et chauffeur d'un camion qui servit à transporter des armes parachutées à Saint-Gaudens pour le groupe Armée secrète de Béziers en novembre 1943 : attestations, correspondance (1988).
- Brochure "Force françaises combattantes, réseau Action R 3 et Mouvements Unis de la Résistance : le Plan Vert (sabotage des voies ferrées pour le Jour J en R 3-2, secteur Béziers-Bédarieux), par le sous-réseau de sabotage Cabrol" (1994) [cette brochure rassemble les photocopies de documents et rapports d'activités originaux conservés par Francis Jouvin et classés selon le plan suivant : directives pour le "Plan Vert" en R 3-2 ; enregistrement de nos volontaires avec leur nom de guerre ; l'armement : armes et explosifs ; le groupe "Cabrol", secteur Bédarieux, PC à Hérépian (comprend les équipes d'Hérépian, du Poujol-sur-Orb, de Colombières-sur-Orb, l'équipe corps-franc de Bédrieux) ; comptes-rendus d'actions du secteur Béziers-Bédarieux (26 octobre 1943 - 4 août 1944) ; directives de la période pré-Libération et compte-rendu final du Délégué militaire régional (DMR) Sultan].
2027 W 71 Témoignages enregistrés par les Archives départementales de l'Hérault. - Témoignage oral de Francis Jouvin (14 décembre 2009).

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Organisme responsable de l’accès intellectuel: Archives départementales de l'Hérault

Identifiant de l'inventaire d'archives :

FRAD034_000000817

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