Lamour, Philippe (1903-1992), avocat, journaliste et haut fonctionnaire.

Philippe Lamour naît le 12 février 1903 à Landrecies (Nord), fils d'Emmanuel Lamour, agriculteur, et de Léonie Lamon, son épouse. Il passe son enfance dans le Nord et est éduqué chez les Frères des Ecoles chrétiennes en Belgique. La famille Lamour s'installe à Paris en 1914. Philippe Lamour obtient son baccalauréat à 15 ans, puis poursuit ses études à la Faculté de droit de Paris. Titulaire d'une licence de droit, il choisit la carrière d'avocat et s'inscrit au barreau de Paris en 1922 (il est alors le plus jeune avocat du barreau). Il plaide brillamment dans des affaires liées à l'aménagement hydraulique et à l'électricité, mais connaît une notoriété plus importante encore lorsqu'il plaide au cours des années 1930 dans les plus grandes affaires de la décennie : révision du procès de Guillaume Seznec (1932), affaire Stavisky (1934), affaire Pierre Bonny (1934), affaire Prince (1934), affaire de la traduction française de "Mein Kampf", d'Adolf Hitler (1938). Dans cette dernière affaire, il soutient l'initiative de l'éditeur Fernand Sorlot qui publie en 1934, contre la volonté du dictateur allemand, une traduction française de "Mein Kampf" et accepte d'être l'avocat de Sorlot. Il obtient que l'édition française ne soit pas mise au pilon.

Philippe Lamour fait également ses premières rencontres politiques importantes : Pierre Cot, Pierre Mendès-France, André Cayatte. Il est candidat radical aux élections législatives de 1936, dans la mouvance du Front populaire, mais n'est pas élu. Dès lors, Philippe Lamour ne brigue plus d'autres mandats électifs, à l'exception de la mairie de Ceillac (Hautes-Alpes), dans le Queyras, qu'il gère à partir de 1965. Selon Hélène Chaubin, "ses références idéologiques sont trop originales et éclectiques pour s'inscrire dans la ligne d'un parti : il les puise à la fois dans la révolution russe et dans le régime fasciste italien, admirant Lénine et Mussolini qu'il a vu à Rome en 1922. Pendant près de trois ans, entre 1925 et 1928, il adhère au Faisceau de Georges Valois (1878-1945), admirateur lui aussi de l'Italie fasciste, qui lui ouvre les colonnes de l'hebdomadaire "Le Nouveau siècle" et lui permet d'en assurer le secrétariat de rédaction. Philippe Lamour forge ses convictions et milite contre la république parlementaire, pour une république corporatiste, une "République des producteurs", dirigée par un chef d'État puissant et intègre. Chaque corporation, dans chaque secteur d'activité, regrouperait ouvriers, techniciens et patrons et on en finirait avec la lutte des classes. L'administration serait décentralisée, régionaliste".

Dans les années 1930, alors qu'il exerce toujours sa profession d'avocat, Philippe Lamour poursuit ses réflexions dans une nouvelle revue, "Plans", qu'il fonde en 1930 avec Jeanne Walter, épouse de l'architecte Jean Walter. Cette revue d'avant-garde abordant les thèmes des arts, de l'architecture, de la ville et de la politique propose entre 1931 et 1933 un volume de 150 pages par mois, où de grandes signatures présentent leurs réflexions (notamment Le Corbusier qui contribue dans chaque numéro). Philippe Lamour est le rédacteur en chef de la revue et Jeanne Walter en est la rédactrice en chef. En 1931, Philippe Lamour épouse Geneviève, fille de Jeanne Walter. Comme Le Corbusier, Philippe Lamour souhaite une planification de l'espace urbain, des villes sans rue, sur pilotis. Tout doit être transformé de manière radicale et, pour cela, il faut toujours planifier, selon le modèle du système soviétique. Philippe Lamour préconise la création d'autostrades et de canaux à fort gabarit entre Atlantique et mer Noire ; il manifeste déjà une prédilection pour les grands aménagements hydro - électriques.

Correspondant de guerre pendant la Guerre d'Espagne, Philippe Lamour y rencontre Antoine de Saint-Exupéry. en 1939, il fonde la révue "Messidor", puis "Les volontaires", revue anti-munichoise.

En 1939, Philipe Lamour est mobilisé comme aspirant à Vincennes. En juin 1940, il est replié dans le Bordelais et assiste à l'effondrement du régime parlementaire qu'il n'estime pas. Durant la guerre, il n'est pas résistant, mais ne collabore pas non plus. Convaincu que la défaite a été méritée, Philippe Lamour pense que la France doit expier et qu'elle renaîtra grâce au travail (Philippe Lamour n'est pas maréchaliste pour autant). Ce n'est pas seulement parce qu'il est convaincu de l'importance de l'agriculture qu'il s'y consacre désormais. Il loue une métairie dans le Bourbonnais mais les conditions de vie sont rudes. En 1942, avec des fonds provenant en partie de son beau-père, il acquiert le Mas Saint-Louis-la-Perdrix à Bellegarde (Gard), dont il dirige l'exploitation viticole. En octobre 1944, après la Libération, il rejoint à Montpellier Jacques Bounin, nommé commissaire de la République, qui le charge de constituer un Comité départemental agricole conformément à l'ordonnance d'octobre 1944 du ministre de l'Agriculture François Tanguy-Prigent. Trois mois plus tard, il préside à Montpellier une fédération des vins de qualité de la région Languedoc-Roussillon, créée à son initiative.

Après la guerre, Philippe Lamour se lance également activement dans le renouveau du syndicalisme agricole. Il devient secrétaire général de la Confédération générale de l'agriculture (CGA, ancêtre de la FNSEA), assurant à ce titre une partie des négociations pour obtenir des aides financières américaines. Conformément à ses idées, il s'intéresse à la modernisation de la production, au productivisme agricole et à la mécanisation. ll entre au Conseil national du Crédit et à l'Organisation des Nations unies pour l'Agriculture. Ces expériences (notamment en Italie) lui inspirent un grand projet de développement économique et il participe à la renaissance de la Camargue par la riziculture. Philippe Lamour est également membre du Syndicat national des riziculteurs.

De 1947 à 1953, il oeuvre en faveur de l'agriculture française. Il est alors membre du Conseil économique et social et du conseil supérieur de la productivité. Il est également président de la Chambre d'agriculture du Gard, membre du bureau de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture.

Dans le domaine de la viticulture, il fonde en 1945, la Fédération nationale des Vins Délimités de Qualité Supérieure (VDQS), dont il assure la présidence. En Languedoc-Roussillon, il préside le Comité régional Languedoc-Roussillon de l'Institut national des appellations d'origine (INAO).

Mais l'oeuvre majeure de Philippe Lamour reste son action en faveur des aménagements régionaux du Languedoc-Roussillon. En 1953, il préside la Commission de modernisation et d'équipement de la région Bas-Rhône-Languedoc, ainsi que la Société d'aménagement du Bas-Rhône Languedoc (BRL). À partir de 1955, Philippe Lamour est le président de la Compagnie nationale d'aménagement du Bas-Rhône et du Languedoc où il entreprend une œuvre d'envergure dans le domaine de l'irrigation (il reste président jusqu'en 1973). Le canal du Bas-Rhône Languedoc, conduisant l'eau du Rhône vers le sud du département du Gard et l'est du département de l'Hérault depuis les années 1960, est rebaptisé "Canal Philippe Lamour" en mémoire de son œuvre.

C'est à la suite d'un projet élaboré par lui en 1962, alors qu'il préside le Conseil supérieur de la Construction qu'est engagée la politique d'aménagement du territoire de la Ve République. À la présidence de la Commission nationale de l'aménagement du territoire, Philippe Lamour joue un rôle déterminant dans la mise en œuvre du plan d'aménagement du territoire de 1962 et dans la création de la DATAR en 1963. Philippe Lamour dirige à la télévision une émission sur l'aménagement du territoire intitulée "60 millions de Français". C'est sous le même titre qu'il publie en 1967 un livre retraçant cette vaste expérience. Il reste à la DATAR jusqu'en 1974.

Hors de France, Philippe Lamour est consultant du Fonds spécial des Nations unies pour les pays d'Afrique et d'Amérique du Sud. La FAO et l'OCDE sollicitent régulièrement le haut-fonctonnaire pour des projets d'aménagement en Grèce, en Sardaigne, au Pérou, au Chili, en Uruguay, en Bolivie, au Maroc, en Tunisie, en Libye, en Syrie, au Liban, au Niger, en Côte-d'Ivoire, au Gabon, en Angola et au Mozambique.

De 1970 à 1992, Philippe Lamour préside l'Association nationale pour l'aménagement foncier agricole et rural ; il préside également le Conseil économique et social de Languedoc-Roussillon de 1972 à 1992.

En 1985 enfin, Philippe Lamour crée l'association Via Domitia Languedoc-Roussillon, qui travaille au projet de réhabilitation culturelle de la plus ancienne et fameuse voie romaine de Gaule.

Philippe Lamour décède le 25 juillet 1992 à Bellegarde, dans le Gard.

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