Inventaire d'archives : Intérieur. Direction générale de la Sûreté nationale. Dossiers de police judiciaire relatifs à des activités subversives...

Titre :

Intérieur. Direction générale de la Sûreté nationale. Dossiers de police judiciaire relatifs à des activités subversives d'individus nord-africains sur le territoire métropolitain (série 15275) entre 1958 et 1962

Contenu :

Le présent inventaire décrit, un à un, les quelque 4000 dossiers ouverts par la direction centrale de la police judiciaire, concernant les activités subversives de ceux que l'on appelait alors des "Français nord-africains" ou "Français musulmans d'Algérie" sur le territoire métropolitain dans le contexte de la guerre d'Algérie. Plus précisément, ces dossiers concernent :
- des attentats et attaques armées commis en métropole contre des ressortissants nord-africains (le plus souvent par leurs "coreligionnaires" ainsi que les désignent les policiers) ;
- des arrestations d'individus nord-africains suspectés d'être des militants nationalistes algériens.
Cette série de dossiers couvre une période allant d'octobre 1958 à la fin de l'année 1962. Avant cette date, les dossiers ayant trait aux mêmes faits (atteinte à la sûreté de l'Etat, meurtres et assassinats, attentats par explosifs ou armes à feu) sont conservés dans d'autres séries du Fichier (voir les documents de même provenance dans les sources complémentaires). L'ordonnance du 7 octobre 1958 marque donc une rupture dans la répression, par la police, des activités en lien avec la Guerre d'Algérie déployées en métropole : une série du Fichier de police judiciaire leur est dorénavant consacrée.
Entre 1958 et 1962, le conflit algérien s'est peu à peu transporté en métropole. Les mouvements nationalistes algériens - le Mouvement national algérien (MNA) et le Front de libération nationale (FLN) - disposent dès 1954 de relais sur le territoire métropolitain. Les Algériens de métropole sont appelés à soutenir la lutte armée. Des collectes de fonds sont organisées par le MNA et le FLN auprès de la population algérienne de métropole. Très rapidement, les deux partis se livrent une guerre fratricide pour le contrôle de ces ressources. Les dossiers témoignent de la violence de cette lutte. Plus de 2900 dossiers ont été ouverts suite à des attaques armées entre Nord-Africains, le nombre de victimes recensées (décédées ou simplement blessées) s'élève à plus de 4100. Toute la métropole est touchée, mais les règlements de compte sont particulièrement violents dans les régions ouvrières où la main d'oeuvre algérienne est davantage implantée (Ardennes, Bouches-du-Rhône, Meurthe-et-Moselle, Nord et Pas-de-Calais). Les dossiers ne donnent pas à voir la situation en région parisienne (ancien département de la Seine), la préfecture de police de Paris ne transmettant pas sur le sujet de synthèses sur ses activités à la direction centrale de police judiciaire (ministère de l'Intérieur).
Le paradoxe du déplacement de la Guerre d'Algérie sur le territoire métropolitain tient donc à ce que les victimes et les auteurs des violences sont essentiellement les Algériens eux-mêmes. A la fin de l'été 1958, la Fédération de France du FLN ouvre un second front dans l'Hexagone en commettant une série d'attentats visant des intérêts français (nuit du 25 août 1958). En lançant ainsi des actions terroristes sur le sol métropolitain, la Fédération de France du FLN souhaite obliger le gouvernement français à diviser ses forces militaires en mobilisant sur le territoire métropolitain une partie des troupes présentes en Algérie. Cette stratégie s'avérera un échec tant par le risque de voir s'éloigner les sympathies européennes envers la cause indépendantiste que par la réaction répressive qu'elle provoque. L'ordonnance du 7 octobre 1958 autorise, sur le territoire métropolitain, l'application de mesures administratives drastiques à l'encontre des Nord-africains (couvre-feu, fermeture des débits de boissons, assignation à résidence ou éloignement) et ce dans un contexte où "les pouvoirs spéciaux" en vigueur en Algérie depuis 1956 (loi du 16 mars 1956) sont étendus à la métropole (loi du 26 juillet 1957). A partir de cette date, une simple réquisition préfectorale autorise les forces de police à procéder à des perquisitions et des arrestations. Plus de 10 000 Nord-Africains de métropole seront, entre 1958 et 1962, internés dans les centres d'assignation à résidence surveillée de Vadenay, Thol, Saint-Maurice-l'Ardoise ou du Larzac (voir versement 19770381).
Après la signature des accords d'Evian (mars 1962) et leur ratification en France (avril 1962) et en Algérie (juillet 1962), la répression contre les menées subversives de Nord-Africains cesse peu à peu. Toutefois, on dénombre dans le Fichier plusieurs dizaines de dossiers postérieurs à la fin du conflit.
Les dossiers ouverts au Fichier de la police judiciaire sous les numéros 15275/1 à 15275/4179 recensent toutes les affaires ouvertes par les SRPJ sur le territoire métropolitain. Les dossiers ne sont pas des dossiers d'enquête à proprement parler, ils sont le résultat d'une centralisation, au niveau de la direction de la Sûreté nationale, des informations transmises par les SRPJ (hors la préfecture de police de Paris) dans le cadre de leurs activités en matière de répression des menées subversives des Nord-africains en métropole entre 1958 et 1962. Les dossiers les mieux documentés concernent les affaires de meurtres, d'attentats ou d'attaques armées. On y retrouve alors :
- les messages téléphonés ou télégrammes des SRPJ signalant le délit ;
- une synthèse d'enquête appelée "formulaire analytique d'enquête" (double feuillet rose) sur lequel est résumée l'affaire (identité, âge, profession des victimes et des présumés auteurs, circonstances, appartenance politique, etc.) ;
- un rapport d'enquête des SRPJ parfois accompagné de prises de vues photographiques des lieux du crime et de la ou des victimes ;
- des procès-verbaux d'audition et de perquisition ;
- des copies de scellés (documents saisis).
Les dossiers d'arrestation donnent un aperçu des moyens mis en place par la police française pour museler et démanteler le Front de Libération nationale (FLN) en métropole. Sorti vainqueur de la lutte qui l'opposait au Mouvement national algérien (MNA), la Fédération de France du FLN est devenue la principale menace. Toutefois, si les dossiers d'arrestation permettent d'étendre hors de Paris les études sur la Fédération de France du FLN (cf. les travaux de Neil MacMaster et Jim House ou de Linda Amiri), le contenu s'avère assez limité : il faut souvent se contenter de messages téléphonés ou de télégrammes des SRPJ signalant les arrestations. Un oeil averti saura cependant y lire la présence de la direction de la surveillance du territoire (DST) et les nombreux renvois vers des dossiers du fichier criminel de la police nationale. On y trouve également de nombreuses copies de documents internes au FLN, saisis lors de perquisition, qui permettent de mieux comprendre la structuration territoriale de la Fédération de France du FLN en cellule, groupe, kasma, secteur, district, région, zone, amala et wilaya ainsi que ses différentes branches (branche politico-financière, branche armée dite groupe de choc, Comité de soutien aux détenus).

Cote :

19880446/1/1-19880446/30/3,19880509/1/1-19880509/13/3

Publication :

Archives nationales
2017-2018
Pierrefitte-sur-Seine

Informations sur le producteur :

Direction centrale de la police judiciaire
Fichier central de police judiciaire

Informations sur l'acquisition :

Versements aux Archives nationales les 18 et 26 mai 1988
Historique de conservation :
Les dossiers conservés dans ce versement appartiennent à un ensemble plus important connu, dès son origine, sous l'appellation de « Fichier des 15000 ». Ce Fichier a été ouvert à la direction de la Sûreté nationale au début de l'année 1938 pour y conserver les pièces transmises par les services régionaux de police judiciaire (SRPJ) relatives aux enquêtes ouvertes et menées par ces derniers.
Les « 15000 » en question font référence au mode de classement choisi par les policiers archivistes, à savoir un classement par type de délits où chaque délit est identifié par un numéro compris entre 15202 et 15275. Ainsi la série 15202 renvoie à tous les dossiers ayant trait à des accidents de la circulation, 15203 à des agressions, 15205 à des meurtres et assassinats, 15207 à des attentats par explosifs, 15208 à des atteintes à la sûreté de l'Etat, 15209 à des avortements et infanticides, 15210 à des cambriolages, et ainsi de suite jusqu'à la série 15275 qui renvoie des affaires mettant en cause des "Français musulmans algérien" (FMA) ou "Français de souche nord-africaine" (FSNA) entre 1958 et 1962. Les dénominations de chacune des séries sont présentées dans l'inventaire du versement 20030388.
Les livres d'enregistrement des affaires au Fichier, aujourd'hui conservés aux Archives nationales dans le versement 20030388, nous apprennent que le Fichier a été peu alimenté entre 1938 et 1940. En 1940, la direction de la Sûreté s'installe à Vichy, le Fichier est alors de nouveau utilisé. La période de la Seconde guerre mondiale est très bien représentée dans le Fichier. A la Libération, les dossiers sont transférés de Vichy à Paris et le fichier continue d'être alimenté. Il cesse d'être exploité en 1966 sans que l'on en connaisse à ce jour les motivations. La guerre froide et la guerre d'Algérie sont, après la Seconde guerre mondiale, les deux périodes les mieux couvertes par les dossiers.
Le versements des dossiers aux Archives nationales commence en 1987 et se poursuit jusqu'en 1989. Tous les dossiers ne sont par arrivés jusqu'aux Archives nationales. Il a été procédé à un échantillonnage par les agents de la Mission des archives auprès du ministère de l'Intérieur pour ne « verser en totalité que les séries d'intérêt historique certain (2e guerre mondiale, guerre d'Algérie, marché noir, trafics de stupéfiants,...) et, pour les autres séries, une sélection des affaires d'envergure et un échantillon des autres » selon les termes du responsable de la mission en 1987. Pour les affaires qui nous intéressent ici, tous les dossiers ont été conservés.

Description :

Évolutions :
Fonds clos.
Critères de sélection :
Série complète, tous les dossiers ont été conservés et versés aux Archives nationales.
Eliminations d'environ un mètre linéaire de pièces en double contenues dans les dossiers réalisées par les Archives nationales à l'occasion de la rédaction de cet instrument de recherche.
Mise en forme :
Les choix de description des dossiers prennent en compte la réglementation en vigueur concernant la diffusion de données personnelles sur internet (cf. CNIL - Règlement général sur la protection des données).
L'intitulé des dossiers a été reporté tel que manuscrit sur la couverture des dossiers en prenant soin, toutefois, d'anonymiser les informations : n° du dossier, définition des faits (meurtre, arrestation, coups de feu, etc.) et lieu des faits (commune, département). Les intitulés permettent notamment une recherche par lieu géographique.
Le champ "présentation du contenu" n'apparaît en ligne que lorsqu'il ne contient aucune donnée nominative. Dans le cas inverse, le chercheur ne peut prendre connaissance du contenu des dossiers qu'en se déplaçant aux Archives nationales afin de consulter l'inventaire sur le réseau interne de l'institution (SIV locale).
Dans le champ "présentation du contenu" est mentionnée l'identité des victimes (nom, prénom, âge, profession, appartenance politique lorsque celle-ci est précisée). Le nom de présumés auteurs des faits figure régulièrement sur les formulaires analytiques d'enquête, ceux-ci n'ont pourtant pas été reportés dans les descriptions. S'agissant de faits non jugés au moment de la clôture des dossiers, il est apparu prudent de ne pas mentionner le nom des personnes mises en cause par la police. De même, le nom des personnes arrêtées lors des opérations de démantèlement des réseaux FLN et MNA n'a pas été systématiquement mentionné. Seuls les noms figurant déjà dans le livre d'enregistrement des dossiers au fichier (20030388/22, 24, 43, 52 et 58) ont été repris. Il s'agit le plus souvent de membres influents de la Fédération de France du FLN (chef de zone, chef région, chef de kasma, chef de cellule, chef de groupe, etc).
: l'orthographe des patronymes figurant dans l'inventaire est tributaire de celle présente dans les dossiers.Avertissement
La date des faits indiquée dans la présentation du contenu permet une recherche chronologique.
Enfin, la typologie des documents contenus dans les dossiers - identique dans chaque dossier - est présentée en introduction mais n'est pas répétée à chaque niveau de description. Seul le nombre de pièces est signalé de façon à donner au chercheur une idée du volume du dossier. La présence de pièces particulières (photographie, plan, documents saisis) est également signalée.

Conditions d'accès :

Dérogation générale (arrêté du 22 décembre 2021 portant ouverture d'archives relatives à la guerre d'Algérie)

Conditions d'utilisation :

Selon le règlement en vigueur en salle de lecture des Archives nationales

Description physique :

Importance matérielle :
Environ 4400 dossiers conservés dans 113 articles (15 ml)

Ressources complémentaires :

- 20030388 Intérieur ; Direction de la Sûreté nationale. Registres du Fichier de police judiciaire dit "Fichier des 15000" (1938-1966)
https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/IR/FRAN_IR_053895
Aux Archives nationales : archives des centres d'assignation à résidence surveillée du Larzac, de Saint-Maurice-l'Ardoise, de Thol et de Vadenay entre 1958 et 1962 (versement 19770381).
Aux Archives de la préfecture de police de Paris (APP) : série H consacrée à la Guerre d'Algérie (1953-1965).
Aux Archives de Paris (ADP) : dossiers d'informations judiciaires classées sans suite concernant les morts violentes de Français musulmans d'Algérie (FMA) intervenues en 1960-1962 dans le département de la Seine (61W 1-14).
- 19880016/31 à 52 et 19880042/1-24 Intérieur ; Direction générale de la Sûreté nationale. Fichier de police judiciaire relatif à des meurtres et assassinats commis en France entre 1951 et 1966 (série 15205).
- 19880042/25-57 Intérieur; Direction générale de la Sûreté nationale. Fichier de police judiciaire relatif aux attentats par explosifs entre 1940 et 1966 (série 15207)
- 19880206/1-52 Intérieur ; Direction générale de la Sûreté nationale. Fichier de police judiciaire relatif aux atteintes à la sûreté de l'Etat entre 1940 et 1966 (série 15208)

Références bibliographiques :

Etudes à partir des sources disponibles à la préfecture de police de Paris :
- Amiri (Linda), La bataille de France, la guerre d'Algérie en métropole. Robert Laffont, 2004, 236 p.
- Blanchard (Emmanuel), La police parisienne et les Algériens (1944-1962). Nouveau monde, 2011, 448 p.
- MacMaster (Neil) et House (Jim), « La Fédération de France du FLN et l'organisation du 17 octobre 1961 », Vingtième Siècle, Revue d'histoire 2004/3 (no 83), p. 145-160.

Localisation physique :

Pierrefitte-sur-Seine

Organisme responsable de l'accès intellectuel :

Archives nationales de France

Identifiant de l'inventaire d'archives :

FRAN_IR_055914

Archives nationales
  • Intérieur. Direction générale de la Sûreté nationale. Dossiers de police judiciaire relatifs à des activités subversives d'individus nord-africains sur le territoire métropolitain (série 15275) entre 1958 et 1962

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