Dans le Cantal, par suite de vicissitudes diverses (guerres de Religion, Révolution française), la série est particulièrement pauvre (651 articles). On peut s'en étonner, étant donné le rôle fondamental joué par les établissements religieux dans l'évolution économique et sociale de ce pays, resté uniquement rural jusqu'au développement, du Xe au XIIe siècle autour des abbayes et des prieurés, des premières agglomérations urbaines1, tandis que se multipliaient dans les campagnes fondations et défrichements monastiques2.

De la plupart des fonds d'archives de ces établissements, il ne reste que des épaves. Ainsi en va-t-il de celui de l'abbaye d'Aurillac, intégré dans le fonds du chapitre Saint-Géraud (4 G), ainsi de celui du chapitre cathédral (2 G) héritier du prieuré de Saint-Flour.

La date tardive de la création de l'évêché de Saint-Flour, détaché en 1317 du grand diocèse de d'Auvergne, pouvait laisser présager une meilleure conservation de ses archives. L'attente est sur ce point également déçue.

Pas de renseignements sur les évêques, pas de comptes rendus de visites pastorales. Seules forment séries les sentences de l'officialité depuis 1737 et les insinuations ecclésiastiques à partir de la deuxième moitié du XVIIe s.

Eu égard à leur importance relative, les fonds des chapitres de Chaudes-Aigues (5 G) et de Murat (6 G) sont les mieux constitués.

Il y avait à Massiac un collège de prêtres, successeur d'un prieuré bénédictin qui fut érigé en chapitre par l'évêque de Saint-Flour, le 28 septembre 1379. Son existence a été signalée par l'abbé Lafarge3. Il n'est absolument pas représenté dans cette série.

Les communautés de prêtres filleuls, que l'on trouvait partout dans le diocèse et dont les membres étaient très nombreux, ont laissé peu de traces en dehors de celles d'Aurillac et de Bredons4. On ne trouve rien en exemple sur la communauté de Moussages, dont Ernest Delmas a publié le règlement5.

Quel sort s'est donc acharné sur ces archives ecclésiastiques ? Pour Aurillac on sait avec certitude que les guerres du XIIIe et du XVIe siècle ont contribué à leur disparition. Pour l'ensemble on peut penser que la longue période d'incurie qui a succédé au rassemblement au chef-lieu du département, à l'époque révolutionnaire, des papiers des institutions supprimées a été décisive. Une note de l'analyste aurillacois Lakairie le confirme. "On m'a dit aujourd'hui, écrit-il le 2 avril 1810, que le préfet avait fait vendre comme papiers inutiles presque tous les papiers provenant du chapitre de Saint-Flour, envoyés dans le temps à l'administration du département qui les entassa sans aucun ordre. Lorsque le préfet succéda à cette administration, on les fit transporter dans une salle du ci-devant couvent de la Visitation où ils ont été à la discrétion de tous ceux qui ont voulu y fouiller. On en trouvait dans toutes les boutiques d'épicier etc. Enfin on les a vendus au papetier. On a conservé quelques terriers, mais tout avait été pillé et on n'a pris aucun soin d'extraire ce qui pouvait servir à l'histoire du pays. Ainsi ont été traités toutes les archives et dépôts de titres et de livres et quand on paraît regretter la perte de ces monuments précieux, d'imbéciles parvenus ou d'insolents spéculateurs marchands d'argent vous demandent "A quoi cela peut-il être utile", voilà l'esprit du jour"6.

1) Telle est l'origine, notamment, des trois actuels chefs-lieux d'arrondissement du Cantal : Aurillac, Mauriac et Saint-Flour, grandis autour de monastères fondés ou rétablis au IXe et Xe s.

2) Sur ce sujet voir Marcellin Boudet, "Documents inédits du XIIe siècle sur la Haute-Auvergne. Deux moines défricheurs fondateurs de neuf monastères. Bertrand de Griffeuille et le cartulaire de Notre-Dame du Pont", Revue de la Haute-Auvergne, 1908, p. 133-168, 287-315, 404-435.

3) L. Lafarge, "Notes et documents sur le chapitre de Massiac, le prieuré de Rochefort et la chapelle de Loubarset", Revue de la Haute-Auvergne, 1911, p. 153-170.

4) Sur ces communautés dans le diocèse et le Massif Central, voir l'introduction de G. de Léotoing, "La communauté des prêtres-filleuls de l'église Notre-Dame d'Aurillac", Revue de la Haute-Auvergne, 1952-1953, p. 288-292.

5) E. Delmas, "Règlement pour la communauté des prêtres de Moussages (1509)", Revue de la Haute-Auvergne, 1912, p. 435-438.

6) Publié par G. Esquer, Inventaire des archives communales de la ville d'Aurillac antérieures à 1790, tome II, 1911, p. 325-326.