Inventaire d'archives : Archives de la Présidence de la République. Valéry Giscard d'Estaing (1974 -1981)
Contenu :
Introduction
Les fonds de la présidence de la V
République occupent au Centre historique des Archives nationales une place nécessairement à part : d'abord, parce qu'ils constituent une exception à la répartition chronologique des fonds de l'État, qui dispose que les fonds postérieurs à 1958 sont conservés au Centre des archives contemporaines de Fontainebleau ; ensuite, parce que leur teneur leur confère une force toute particulière. On se situe là au plus haut sommet de l'État, à l'ultime niveau du processus de décision politique, tous domaines confondus.
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Parmi ces fonds, celui de la Présidence de Valéry Giscard d'Estaing, conservé sous la cote 5 AG 3, est le premier à avoir été constitué à l'Élysée de manière systématique et raisonnée et à représenter ainsi un ensemble complet et homogène. C'est aussi le premier à être entré aux Archives nationales sous le régime que l'on appelle aujourd'hui « protocole de remise ». Avant le fonds Giscard d'Estaing, on traite les fonds de la Présidence comme des fonds privés ; après lui, leur statut public est clairement établi. Ce changement de perspective, inspiré de l'expérience américaine, est né de la volonté du chef de l'État et de la collaboration avec son archiviste. Il aura des conséquences profondes et durables dans le traitement des archives des hommes politiques français.
Lorsque Valéry Giscard d'Estaing est élu à la magistrature suprême le 19 mai 1974, il a l'intention de ne pas bouleverser l'organisation de la présidence de la République qui, par tradition, ne gère aucun service administratif, contrairement au secrétariat général du Gouvernement ou plus largement à Matignon. Il prend cependant un certain nombre de dispositions à l'égard de l'archivage des dossiers produits au sein de la Présidence, son souhait étant d'éviter que ne se renouvellent les destructions et les dispersions survenues lors des septennats précédents.
À cette fin, il charge son chef de cabinet, Philippe Sauzay, de mettre en œuvre avec l'aide de Perrine Ramin-Canavaggio, conservateur aux Archives nationales, un programme de conservation systématique des archives de l'Élysée. Les données sont simples : ceux qui les ont élaborés en sont responsables devant lui et le fonds que ces dossiers concourent à former ne doit pas être démembré. Il élargit la notion d'archives personnelles de sa Présidence aux archives produites par tous ses collaborateurs, celles du secrétariat général de la présidence de la République comme celles de l'état-major particulier et du Conseil supérieur de la magistrature
afin de former un fonds d'archives complet et homogène.
Le fonds du Conseil supérieur de la magistrature a été versé aux Archives nationales en 1999 : il contient les dossiers de la période gaullienne et pompidolienne.
Ainsi est progressivement constitué un fonds documentaire exceptionnel, destiné à étudier les conditions d'élaboration et de mise en œuvre de l'action politique présidentielle et à analyser les modes d'exercice du pouvoir du chef de l'État. Le 30 janvier 1979, inaugurant la nouvelle salle du musée de l'Histoire de France aux Archives nationales, Valéry Giscard d'Estaing déclare considérer « les archives de la présidence de la République [comme appartenant] à la nation ». Il définit alors clairement - pour la première fois - le statut public des documents reçus ou produits à l'Élysée. Le 25 octobre suivant, il est le premier président de la République en exercice à signer un contrat de dépôt des archives présidentielles, avec le ministre de la Culture, Jean-Philippe Lecat.
Même bien organisée, la collecte n'est pas toujours aisée. Perrine Ramin-Canavaggio, dans une note du 31 décembre 1980 au secrétaire général de l'Élysée, indique que les dossiers restant à cette date dans les bureaux des membres du secrétariat général représentent 250 mètres linéaires, « soit autant que tous ceux qui ont été versés au service des archives depuis le début du septennat ». Comme souvent dans la haute administration, le versement se fit dans l'urgence, entre l'élection de François Mitterrand, le 10 mai 1981, et son investiture, le 21 mai suivant.
« Instrument de gouvernement avant d'être matériau pour l'historien », comme le rappelait Jean-Baptiste Duroselle, la structuration des archives présidentielles de Valéry Giscard d'Estaing repose essentiellement sur le principe du respect des fonds et se compose de trois ensembles, reflet des services qui les ont produites : les dossiers du Président, ceux du secrétariat général de la Présidence et ceux produits par les services de fonctionnement de l'Élysée.
Les dossiers du Président
Les dossiers du Président sont constitués de documents provenant de son secrétariat particulier, transmis chaque jour au service des archives de l'Élysée qui les organise selon un plan de classement de type documentaire. On y trouve certains documents émanant directement du Président, comme les brouillons ou projets de discours, d'allocutions télévisées, de télégrammes ou de messages de sa main ou annotés par lui. Figurent aussi le courrier traité au niveau du secrétariat particulier, dirigé par Marguerite Villetelle, inamovible secrétaire de Valéry Giscard d'Estaing depuis sa nomination au secrétariat d'État aux Finances (1959), et les dossiers de séances du conseil des ministres et du conseil de politique nucléaire extérieure, classés chronologiquement. Seuls manquent les dossiers préparatoires aux conseils de défense, que l'état-major particulier n'a pas versés.
Mais le véritable cœur du fonds présidentiel réside dans la collection unique de quelques 30 000 notes, dites « notes pour les urgences », transmises quotidiennement au Président par ses collaborateurs et classées chronologiquement. Le Président voit le secrétaire général de l'Élysée tous les jours et une réunion hebdomadaire avec quelques conseillers est fixée les lundis matins. Mais, plus que les entretiens, Valéry Giscard d'Estaing préfère les notes écrites. Déjà au ministère des Finances, Michel Poniatowski avait imaginé ce système des notes pour les urgences. À l'Élysée, elles sont remises tous les soirs au Président par le secrétaire général - qui peut les annoter -, puis rendues le lendemain aux conseillers avec les apostilles présidentielles au feutre vert, d'abord, à l'encre plus résistante ensuite
; mais elles sont remises sous forme de photocopies, le secrétariat particulier du Président conservant les originaux qui forment aujourd'hui cette exceptionnelle collection.
Alerté par Perrine Canavaggio de la mauvaise conservation de l'encre verte, le président de la République lui avait demandé qu'une étude fût menée par le Centre de recherches sur la conservation des documents graphiques. Les conclusions positives de cette étude ont entraîné l'utilisation d'une encre plus résistance, révélatrice du souci porté par Valéry Giscard d'Estaing à la conservation de ses écrits.
On a souvent tendance à penser que les fonds présidentiels ne sont constitués que des seuls dossiers produits par le Président. Or ceux-ci ne représentent en volume qu'une part mineure du fonds, la majorité des dossiers étant produits par les conseillers qui l'entourent : plus il y a de conseillers, plus il y a de dossiers. Sur ce plan, Valéry Giscard d'Estaing se distingue de ses prédécesseurs et surtout de son successeur qui en eut bien davantage.
Les dossiers du secrétariat général de la présidence de la République
Le Président Giscard d'Estaing avait observé l'entourage de ses prédécesseurs. Au ministère des Finances, son propre cabinet était fourni. En 1974, il fait part de son désir d'exercer pleinement ses fonctions sans risque d'interférences et nomme seulement douze conseillers techniques et chargés de mission au secrétariat général de la présidence de la République, à la tête duquel est placé Claude Pierre-Brossolette, assisté d'Yves Cannac : neuf « conseillers techniques » (Gabriel Robin et René Journiac, déjà nommés sous Georges Pompidou, Jean-Daniel Camus, Jean-Pierre Dutet, Olivier Fouquet, Xavier Gouyou-Beauchamps, François Polge de Combret, Pierre Richard et Jean-Pierre Ruault), un « conseiller économique » (Lionel Stoléru) et deux « chargés de mission » (Éliane Signorini et Patricia d'Incelli). Deux « chargés de mission auprès du président de la République » sont désignés : Jean Sérisé et Victor Chapot. Enfin, il maintient Philippe Sauzay à la tête de son cabinet
.
Voir Samy COHEN,
. Paris, PUF, 1980 et Serge BERSTEIN, René RÉMOND et Jean-François SIRINELLI, avec la participation de Valéry GISCARD D'ESTAING,
. Paris, Fayard, 2003.
Les conseillers du Président. De Charles de Gaulle à Valéry Giscard d'EstaingLes années Giscard. Institutions et pratiques politiques, 1974-1978
On note aussi sa volonté de constituer des binômes aux compétences élargies dans les domaines de la politique ou dans ceux des affaires étrangères, des affaires économiques et sociales, de la défense et de l'information. Ce nombre restreint de conseillers s'accroît sensiblement au cours du septennat pour atteindre vingt-cinq en 1981 : par exemple, après avoir pris conscience que l'opinion publique devait être suivie de près, il renforce la cellule politique en 1977 autour de Jean Sérisé en nommant Philippe Aucouturier, Jean Riolacci et Bernard Rideau. En 1978, les collaborateurs du Président sont renouvelés de manière importante : Michel Mosser remplace Philippe Sauzay à la tête du cabinet et neuf nouveaux conseillers sont désignés (l'amiral Pierre Émeury, pour les questions de défense ; Alain Lamassoure, pour l'aménagement du territoire ; Emmanuel Rodocanachi, pour l'agriculture ; Jean-Claude Trichet, pour l'industrie ; Guy de Panafieu, pour le commerce extérieur ; Charles Debbasch, pour l'éducation ; Pierre Hunt, Jean-Pierre Narnio et Claude Harel, pour la communication).
Valéry Giscard d'Estaing souhaite avoir un secrétaire général efficace, avec lequel il entretient quotidiennement d'étroites relations : après Claude Pierre-Brossolette, il nomme Jean François-Poncet en 1976 puis Jacques Wahl en 1978, qui jouent un rôle d'intermédiaire entre le Président et les conseillers techniques et chargés de mission. Pour Claude Pierre-Brossolette, son rôle est « irremplaçable mais accessoire », car il se limite à mettre en forme des projets de réformes que le Président a lui-même définies, à donner des réactions, à tester les idées du Président, aidé en cela par un adjoint (Yves Cannac, Jacques Wahl puis François Polge de Combret) plutôt chargé des questions internes non proprement politiques (économiques, sociales, juridiques, etc.).
Au total, Valéry Giscard d'Estaing eut quarante-six collaborateurs « officiels », dont la nomination fit l'objet d'un arrêté publié au
, sans compter les vingt membres de l'état-major particulier, les trois commandants militaires du Palais et les douze conseillers « officieux »
.
Journal officiel
Voir en annexe n° 1 la liste des collaborateurs de V. Giscard d'Estaing entre 1974 et 1981.
Tous les membres du secrétariat général de la présidence de la République sont invités à remettre à l'archiviste de l'Élysée leurs dossiers dès qu'ils ne sont plus d'un usage courant et au plus tard, lorsque ces membres quittent leurs fonctions. Régulièrement, généralement à l'occasion du remplacement d'un certain nombre de membres du secrétariat général de la Présidence, le secrétaire général rappelle ces dispositions, tout en apportant des précisions sur la confidentialité et la communicabilité des dossiers
.
La première circulaire a été signée par Claude Pierre-Brossolette le 14 février 1975 ; une seconde fut diffusée le 13 novembre 1978 par Jean François-Poncet.
Outre les dossiers préparatoires aux conseils restreints que le Président restitue à ses collaborateurs en fin de séance, sont versés les dossiers des réunions interministérielles qui se tiennent à Matignon, les notes et correspondances échangées avec les cabinets ministériels intéressés par la question traitée, les nombreux rapports adressés à l'Élysée par les grands corps de l'État, en somme tout ce qui concourt à éclairer le processus de la prise de décision. Recueillir des informations de toute provenance, en tirer celles qu'il leur paraissait essentiel de transmettre au Président sous forme d'une note d'un ou deux feuillets, voilà l'activité principale des conseillers de l'Élysée. Si ces notes constituent le cœur même du fonds présidentiel, l'examen des documents qui ont servi à leur rédaction est indispensable pour en faire une critique approfondie.
Au total, la plupart des collaborateurs de Valéry Giscard d'Estaing ont versé leurs dossiers au service des archives de l'Élysée, ce qui rend le volume du fonds très supérieur à celui du fonds de la présidence de la République sous Georges Pompidou. Il importe cependant de déplorer quelques lacunes : dans le domaine politique par exemple, les notes manuscrites prises en conseil des ministres par les secrétaires généraux de la présidence de la République sont lacunaires, celles de Jean François-Poncet et de Jacques Wahl ne s'y trouvent pas ; certains conseillers officiels, Michel Bassi, Bernard Scemama, Lionel Stoléru ou Odile Warin, se sont par ailleurs abstenus de tout versement ou l'ont strictement limité ; dans le domaine de la défense, on a déjà fait remarquer l'absence des dossiers préparatoires aux conseils de défense mais les peluriers des chronos des chefs d'état-major particulier n'ont pas été remis « pour des raisons de service »
; enfin, l'activité des conseillers officieux, à l'exception de ceux travaillant autour de Bernard Rideau sur les sondages ou de Robert Roques sur l'Auvergne, reste obscure. On regrettera ainsi qu'Hubert Bassot ou Victor Chapot n'aient rien remis à Perrine Ramin-Canavaggio. Évidemment, la collection des notes pour les urgences permet de pallier ces manques mais leur accès est limité du fait même de leur classement purement chronologique.
Un décret du 15 mars 1960 prévoyait que les archives de l'état-major particulier devaient être conservées par le Service historique de l'armée de Terre à Vincennes. Pris à une époque où aucune mesure n'avait été adoptée pour assurer la conservation des archives de l'Élysée, ce texte ne fut jamais appliqué, par chance pour le principe archivistique du respect de l'unité des fonds. Il fut abrogé par le décret n° 79-1035 du 3 décembre 1979 qui ne fait pas état des archives de l'état-major particulier dont le versement s'effectue dès lors aux Archives nationales.
Les dossiers des services de l'Élysée
Le dernier ensemble du fonds est constitué des sous-fonds des services permanents de la Présidence. Ce sont notamment ceux constitués par le commandement militaire, le service du protocole, le service de presse, le service photographique, le service du courrier, le service des associations et élus, dons et parrainages, le service social, le service de sécurité du président de la République, le service des télécommunications ou encore le service des archives.
Leurs limites chronologiques respectent celles du septennat de Valéry Giscard d'Estaing, sauf pour le sous-fonds du service de l'architecture qui reflète l'activité des architectes des Bâtiments de France chargés des résidences présidentielles au temps du général de Gaulle et de Georges Pompidou.
Son traitement au Centre historique des Archives nationales
Pour une large part, les archives présidentielles ont été remises aux Archives nationales par le service des archives de l'Élysée dans un état très proche de celui dans lequel les collaborateurs de Valéry Giscard d'Estaing les lui ont confiées à la fin du septennat. Le classement entrepris à la section contemporaine, devenue section du XX
siècle, n'a pas dénaturé les caractéristiques de ces dossiers, essentielles au travail historique. Généralement figurent en tête de chaque sous-fonds les chronos des notes et de la correspondance ainsi que les dossiers d'interventions ; viennent ensuite les dossiers de travail, qui forment des séries organisées selon les cas par thème, événement, institution, pays ou aire géographique. Certains de ces dossiers de travail, versés en plusieurs fois, avaient pu être éclatés en autant de parties et ainsi profondément modifiés par rapport à leur état initial. D'autres, en revanche, toujours consultés et utilisés par les successeurs des producteurs principaux, étaient demeurés d'utilité courante jusqu'à la fin du septennat. Le classement s'est principalement efforcé de remédier à ces anomalies et de regrouper les dossiers par producteur principal, toutes les fois qu'on pouvait l'identifier avec certitude. Pour les dossiers émanant du secrétariat général de la présidence de la République, le producteur principal est le plus souvent le conseiller technique ou le chargé de mission ; pour les autres, c'est le service de fonctionnement qui a été pris en compte. Mais pour certains domaines, comme la diplomatie, l'aménagement du territoire ou la presse, le respect de l'ordre originel des dossiers défini par un secrétariat commun a prévalu : la cellule de travail a donc été désignée comme producteur principal. Chaque sous-fonds ainsi traité a pris place dans un cadre de classement général qui reflète au plus près le fonctionnement de l'Élysée durant le septennat giscardien.
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Mis à part le traitement particulier dont ont fait l'objet les archives du service du courrier, les éliminations ont été réduites au minimum : seules les copies de documents existants en plusieurs exemplaires ont été détruites.
Le traitement matériel du fonds a été mené conjointement avec les opérations de classement et d'inventaire : estampillage des pièces originales annotées par le président de la République
, reconditionnement des dossiers dans des matériaux plus propres à leur conservation après élimination des éléments dégradant le papier (métal et plastique) et numérisation des clichés photographiques produits à partir de 1977 par la Présidence pour rendre compte des activités quotidiennes du Président.
Traditionnellement, les marques des présidents de la République ont toujours comporté une ou deux initiales placées côte à côte ou enlacées et de couleur or. Seuls le général de Gaulle et V. Giscard d'Estaing ont rompu avec la tradition : le général de Gaulle décida d'adopter comme marque personnelle la croix de Lorraine placée sur les deux faces du fanion au centre de la bande blanche ; V. Giscard d'Estaing choisit le motif traditionnel de la République française : la couronne de lauriers entourant le faisceau du licteur.
L'instrument de recherche réalisé à partir de ceux de la présidence de la République et des bordereaux de versement, mis en conformité avec la norme ISAD-G de description des archives, adopte une description au niveau du dossier, un carton pouvant contenir entre un et plusieurs dizaines de dossiers et est muni d'une indexation rigoureuse.
Son intérêt
Est-il besoin d'insister sur l'intérêt que peuvent représenter les archives de la présidence de la République ? Valéry Giscard d'Estaing ne rappelle-t-il pas lui-même en introduction des deux tomes de ses « souvenirs »
qu'elles renferment ses « mémoires » ? Uniques pour illustrer les activités du Président Giscard d'Estaing sous leur aspect protocolaire, uniques également pour refléter le fonctionnement quotidien de l'Élysée dans les années soixante-dix, elles sont surtout essentielles pour voir s'exprimer directement les opinions du Président par le biais d'annotations souvent succinctes - voire lapidaires - mais révélatrices. Contrairement à Georges Pompidou qui n'hésitait pas à développer ses idées en plusieurs phrases portées sur la note d'un collaborateur, Valéry Giscard d'Estaing décide ou oriente en quelques mots, préférant user sa plume à l'écriture des discours ou des interventions qu'il a à prononcer à l'occasion de cérémonies ou de déplacements.
Valéry GISCARD D'ESTAING,
, t. I. Paris, Compagnie 12, 1988, rééd. 2004, p. 13 et t. II,
. Paris, Compagnie 12, 1991, p. 10.
Le pouvoir et la vieL'affrontement
Les annotations de ses conseillers ne sont pas moins révélatrices : elles permettent de suivre le cheminement d'un dossier et la manière dont celui-ci est traité. Dans tous les domaines de la vie politique, intérieure et extérieure, elles illustrent leurs points de vue et les suggestions faites au président de la République. Elles témoignent surtout de l'information qui est la sienne et des retours adressés à l'administration concernée, à une période où malheureusement la règle n'était pas pour les conseillers des cabinets ministériels de verser leur dossiers aux archives.
Sources principales à tout travail d'histoire politique, institutionnelle, économique, sociale, diplomatique, militaire ou judiciaire, les archives de la présidence de la République ont pour principal atout d'être synthétiques. Seules les informations les plus importantes sont transmises à l'Élysée pour être traitées sous forme de notes de synthèse qui constituent le plus souvent l'étape ultime dans l'aboutissement du processus de décision. Rédigées au cœur même d'un des pouvoirs les plus influents du monde, ces notes portent témoignage de l'extrême complexité et la diversité étourdissante de l'exercice du pouvoir du président de la République, dont Jacques Attali disait que « l'essentiel du pouvoir se résume à l'annotation quotidienne de dizaines de parapheurs de notes, lettres, requêtes, décrets, lois, grâces, avis, études, rapports de police, suggestions, demandes de décisions émanant de tous les horizons, filtrés - ou non - par ses conseillers »
. Prises dans leur globalité enfin, cette production éclaire une période peut-être aujourd'hui difficile à comprendre tant le paysage international a été bouleversé.
Jacques ATTALI,
, t. I,
. Paris, Fayard, 1993, p. 8.
Verbatim1981-1986
Sa communication
L'une des lacunes de la loi de 1979 sur les archives concerne les archives des hommes politiques qui, comme le rappelait Guy Braibant, expriment le souhait légitime de conserver la maîtrise de l'accès à leurs archives, « garantie de confidentialité, seule à même de permettre un versement exhaustif ». En effet, la loi prévoit que si un président de la République ou ses conseillers versent leurs archives en qualité d'archives publiques, leurs successeurs, considérés alors au titre de l'administration, y ont automatiquement accès (article 20 du décret n° 79-1037). D'autre part, un ancien Président redevient à l'expiration de son mandat une simple personne privée et ne peut légalement pas conserver l'accès aux papiers qu'il a produits ou traités en qualité de Président. En théorie, il est tenu comme tout citoyen, d'en passer par le système de communication par dérogation jusqu'à l'expiration du délai de non-communicabilité… Cet état de fait a conduit à proposer une autre formule - celle du protocole de remise - qui représente à la fois une rupture et une avancée considérable, dans la mesure où elle est particulièrement adaptée à ce type de fonds et qu'elle en favorise la collecte. Du reste, elle fut vite utilisée pour les archives des cabinets ministériels, dont le volume des versements ne cessa dès lors de croître.
Le protocole fixe également les règles de la communication des archives présidentielles, en s'inspirant largement de la législation : conformément au décret 79-1038 du 3 décembre 1979, un délai de soixante ans s'applique à l'ensemble des archives présidentielles
et, de ce point de vue, le fonds présidentiel de Valéry Giscard d'Estaing ne fait pas exception. Quant aux principes qui régissent l'instruction des dérogations, faite par le conservateur responsable du fonds, ils sont également identiques à ceux appliqués pour toute demande portant sur des fonds non librement communicables. La demande de dérogation est adressée par les Archives nationales à Valéry Giscard d'Estaing, avec un avis motivé, favorable pour certains dossiers seulement ou entièrement défavorable car portant atteinte aux secrets définis par la loi. Après avoir pris connaissance de la réponse du Président, la direction des Archives de France adresse au chercheur un courrier indiquant la suite donnée à sa demande. Elle l'autorise à consulter les dossiers si leur communication anticipée a recueilli un avis favorable à la fois des Archives de France et du Président.
Sauf certains dossiers du Conseil supérieur de la magistrature relatifs aux affaires portées devant les juridictions, y compris les décisions de grâce, qui ne peuvent être librement communiqués qu'après un délai de 100 ans, à compter de la date de clôture du dossier.
En agissant de la sorte avec les archives de l'Élysée, Valéry Giscard d'Estaing innova et fit preuve à la fois d'un réel souci de transparence mais également d'une volonté de laisser aux historiens un matériau suffisant pour l'écriture de l'histoire de son septennat, ouvrant de ce fait une pratique que François Mitterrand développa par la suite.
C'est pour l'archiviste une chance rare de pouvoir travailler sur un fonds constitué dans de telles conditions. Avec près de 600 mètres linéaires, soit un volume trois fois supérieur à celui des fonds du général de Gaulle ou de Georges Pompidou, peu nombreux sont les dossiers épars ou faiblement documentés. Tous les domaines sont largement couverts et contribuent à la compréhension de cette série sans équivalent que sont les « notes pour les urgences » qui retracent de manière singulière une facette de l'histoire du septennat giscardien. Mais, comme pour tous les fonds, les archives présidentielles de Valéry Giscard d'Estaing ne peuvent être abordées qu'avec une connaissance préalable du fonctionnement de l'Élysée et interprétées qu'en les confrontant à d'autres sources.
Pascal GENESTE
: tous les sigles ont été développés ; le lecteur ne rencontrera comme abréviation que « mss » pour « manuscrit(e)s », « dact. » pour « dactylographié(es) », « s.d. » pour « sans date », « s.n. » pour « sans nom » et « s.n.s.d. » pour « sans nom et sans date ».
Nota bene
Cote :
AG/5(3)/1-AG/5(3)/4722
Publication :
Archives Nationales
2007
Ressources complémentaires :
Références bibliographiques :
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Localisation physique :
Pierrefitte
Identifiant de l'inventaire d'archives :
FRAN_IR_005244