Inventaire d'archives : 116 W - Emploi de la main-d'oeuvre par les autorités d'occupation (1941-1944)

Contenu :

Ces documents apportent des renseignements sur le service du travail obligatoire certes, mais également sur les travailleurs volontaires partis en Allemagne et les réquisitions de main-d'oeuvre au profit de l'organisation Todt et des autorités d'occupation.

Cote :

116 W 1-307

Publication :

Archives départementales du Pas-de-Calais
2008
Arras

Informations sur le producteur :

Producteurs des documents
Les archives décrites dans le présent répertoire ne constituent pas à proprement parler un versement puisqu'elles émanent de cinq producteurs différents, au moins (faute de contextualisation suffisante, il nous a été impossible d'identifier le producteur de certaines liasses). Ces documents, déjà regroupés sous les cotes 11 R 1462-1750 (28 ml), étaient présentés jusqu'à ce jour comme les archives documentant le service du travail obligatoire. Leur reclassement a permis de percer à jour l'"abomination archivistique" et de laisser entrevoir une richesse informative plus grande qu'on n'eût pu supposer, à la lecture du répertoire de la sous-série 11 R : ces documents apportent des renseignements sur le service du travail obligatoire certes, mais également sur les travailleurs volontaires partis en Allemagne et les réquisitions de main-d'oeuvre au profit de l'organisation Todt et des autorités d'occupation.
Ces 28 ml sont constitués pour moitié de fichiers alphabétiques tenus pour le recensement, l'affectation et le contrôle de la main-d'oeuvre réclamée par le IIIe Reich à l'Etat français (116 W 40-139, 148-183, 188-202, 256). Leur gestion est assurée par l'office départemental du travail qui n'est autre que l'héritier de l'office départemental de placement [des chômeurs], créé en 1916. La transformation est consécutive à une loi du 11 octobre 1940.
L'adoption de la loi du 16 février 1943 instaurant un service obligatoire du travail (SOT, transformé par la suite en STO pour les raisons qu'on devine) nécessite la création, le 24 février, d'un commissariat général au service obligatoire du travail, placé directement sous l'autorité du chef du gouvernement (il devient commissariat général interministériel chargé temporairement de la répartition et de l'affectation de la main-d'oeuvre le 18 août 1943). Son action est relayée en province par une direction régionale et des directions départementales de la main-d'oeuvre. La direction départementale de la main-d'oeuvre assure l'application des instructions du commissariat général et supervise tous les mouvements de main-d'oeuvre. Parallèlement sont mises en place, à l'échelon régional, des commissions d'orientation de la main-d'oeuvre (transformées le 18 août 1943 en commissions régionales interministérielles à la main-d'oeuvre), et à l'échelon départemental, des comités d'affectation de la main-d'oeuvre.
Des tensions naissent rapidement entre les offices départementaux du travail et les administrations nouvellement créées. Les directions départementales du travail sont dans un premier temps supprimées (13 septembre 1943) avant d'être rétablies le 16 novembre (la même loi transforme le commissariat général interministériel chargé temporairement de la répartition et de l'affectation de la main-d'oeuvre en secrétariat général à la main-d'oeuvre, placé sous l'autorité du secrétaire d'Etat au travail, avec pouvoir hiérarchique sur la direction de la main-d'oeuvre au ministère et sur les offices départementaux du travail). Une circulaire ministérielle du 17 mars 1944 consacre la victoire des directions départementales de la main-d'oeuvre en leur confiant la gestion administrative des offices départementaux du travail. Supprimées à la Libération, elles voient leurs archives confiées aux offices départementaux du travail transformés en directions départementales du travail et de la main-d'oeuvre.
Le 4e bureau de la 4e division de la préfecture constitue le troisième principal producteur de ce "versement". Le préfet est, depuis plus d'un siècle, l'interlocuteur privilégié des maires du département et l'Etat français s'appuie sur ce mécanisme bien rôdé pour mettre en oeuvre les nouvelles orientations de sa politique. C'est donc tout naturellement qu'on trouvera dans les archives de ce service des listes nominatives de recensement de la main-d'oeuvre potentielle établies par les maires et communiquées par le préfet à la direction départementale de la main-d'oeuvre et à l'office départemental du travail.
Pour des raisons inconnues, plusieurs liasses émanent de l'office régional du travail et une (116 W 248) de la préfecture du Nord.
Une main-d'oeuvre française et étrangère au service du IIIe Reich
Le texte qui suit doit beaucoup à l'ouvrage de DEJONGHE (E.) et LE MANER (Y.), Le Nord-Pas-de-Calais dans la main allemande, 1940-1944.
Volontaires partis travailler en Allemagne
Depuis 1938, les houillères et entreprises métallurgiques allemandes souffrent d'un essoufflement de la production. La victoire sur la France laisse entrevoir aux autorités nazies un début de solution : elles implantent sur l'ensemble du territoire des Werbestellen chargées de proposer aux chômeurs, nombreux en cette période de récession économique, un emploi en Allemagne, doté de conditions salariales avantageuses. Une pression insidieuse mais ferme est exercée sur les offices départementaux du travail pour qu'ils leur adressent leurs chômeurs, tout particulièrement les hommes célibataires ou sans enfant. Le succès n'est pas au rendez-vous et les embauches de complaisance se multiplient.
Les autorités allemandes se mettent en passe de créer du chômage en instaurant, en juin 1941, la semaine de 48 h (au lieu de 40 h). Les entreprises, et tout particulièrement celles réunies au sein de la Chambre métallurgique de Lille, refusent de procéder au dégraissage. Face à la crainte de voir se renforcer l'agitation communiste, l'Oberfelkommandantur 670 qui administre la zone rattachée, renonce à faire appliquer la mesure, d'autant que l'Etat français semble prêt à seconder la politique des autorités d'occupation. En décembre 1941, le gouvernement de Vichy promulgue une loi ordonnant des concentrations d'entreprises qui a pour effet de mettre au chômage de nombreux ouvriers.
Un cap est franchi au printemps 1942. Fritz Sauckel, auquel Hitler a donné, le 21 mars 1942, plein pouvoir pour l'utilisation de la main-d'oeuvre dans les territoires occupés réclame à la France 250 000 travailleurs dont 150 000 ouvriers métallurgistes. Pierre Laval, partisan de la collaboration avec l'Allemagne, est nommé chef du gouvernement le 18 avril. Après négociations, le principe de la Relève est annoncé le 22 juin 1942 : le départ en Allemagne de trois travailleurs français volontaires fera libérer un prisonnier de guerre. Le gouvernement de Vichy espère ainsi éviter la réquisition forcée et garder l'initiative au nom de la souveraineté nationale. Malgré l'intense propagande, il apparaît très rapidement que le chiffre de 250 000 hommes ne sera pas atteint (112 volontaires dans le Nord-Pas-de-Calais !), à un moment où les ouvriers allemands sont massivement enrôlés dans l'armée pour aller soutenir les fronts de l'Est et d'Afrique. Le temps des réquisitions commence.
Travailleurs forcés
Le service du travail obligatoire a marqué les esprits français ; il ne faudrait pas pour autant en conclure qu'il a été le seul texte juridique utilisé pour contraindre des hommes et des femmes à travailler pour le compte de l'Allemagne.
De nombreuses réquisitions de main-d'oeuvre l'ont été au titre de l'article 52 de la Convention de La Haye relative aux lois et coutumes de la guerre sur terre (18 octobre 1907) qui stipule que des réquisitions en nature et des services pourront être réclamés des communes ou des habitants pour les besoins de l'armée d'occupation. Toutes les personnes affectées au service de la Wehrmacht et des chantiers de l'organisation Todt l'ont été au titre de cet article et non de celui du service du travail obligatoire. La lecture de certains dossiers laisse apparaître que la confusion existait déjà dans l'esprit des contemporains (nombreuses réclamations de maires au préfet s'indignant que les cultivateurs de leurs communes soient réquisitionnés alors que cette profession est exemptée du service du travail obligatoire … mais pas des chantiers de l'organisation Todt !). Les préoccupations divergentes des autorités allemandes entretiennent certainement cette ambiguïté : commissariat général à la main-d'oeuvre, Oberfeldkommandantur 670 et Oberbauleitung de Saint-Omer (chargé de la gestion de la main-d'oeuvre affectée à l'organisation Todt) ne peuvent bâtir leurs ambitions que sur le même contingent d'hommes, peu ou prou constant.
Dans le Pas-de-Calais, les réquisitions au profit des autorités d'occupation, gérées par l'Oberfeldkommandantur 670, l'ont été principalement au profit des chantiers d'aménagement d'aérodromes (voir 116 W 38, pour le canton de Desvres) et des travaux liés aux déblaiements et reconstructions après bombardements. Pour ce type de réquisitions, le chercheur consultera avec profit les répertoires des versements 32 W et 48 W (archives du service des réquisitions allemandes).
Créée par Fritz Todt en 1938 (alors Reichsminister für Rüstung und Kriegsproduktion), l'organisation du même nom a pour principal rôle de construire des moyens de communication et des structures défensives. Jusqu'à la fin 1941, l'organisation Todt trouve sans trop de mal des travailleurs volontaires, attirés par des salaires avantageux et de solides rations alimentaires, pour aménager les batteries du détroit. Tout change en mai 1942 avec le début de la construction du mur de l'Atlantique qui nécessite un afflux d'hommes considérable alors que les bombardements alliés sur les installations côtières débutent. Les volontaires deviennent moins empressés. En octobre 1942, les préfets enjoignent aux maires de dresser des listes de personnes susceptibles d'être requises ; leurs états seront transmis aux offices départementaux du travail qui enverront des convocations à en-tête de l'Oberfelkommandantur 670. La création du service du travail obligatoire en février 1943 redonne un second souffle aux chantiers de l'organisation Todt. En effet, pour un habitant du Pas-de-Calais, travailler pour Todt donne l'assurance de ne pas partir en Allemagne, d'autant qu'à l'automne, l'organisation est classée Speerbetrieb (du nom d'Albert Speer, successeur de Fritz Todt au ministère de l'armement et de la guerre), signifiant par là que l'appartenance à cette organisation garantit officiellement contre toute déportation du travail en Allemagne, quelles que soient les législations ultérieures. Ces incitations ne suffisent pas pour autant et l'Oberfelkommandantur 670 continue de recourir aux réquisitions jusqu'en avril 1944 (voir 116 W 13-36).
Le service du travail obligatoire (loi du 16 février 1943) n'obéit pas aux lois de la guerre et ressortit à une politique indigène du gouvernement français souhaitant rester maître, autant que possible, de la gestion des hommes et femmes mis à disposition de l'économie allemande.
Dès le 4 septembre 1942, le gouvernement de Vichy ménage la possibilité d'assujettir les hommes de plus de 18 ans et de moins de 50 ans et les femmes de plus de 21 ans et de moins de 35 ans à tous travaux que le gouvernement jugera utiles à l'intérêt de la Nation. Les décrets d'application des 19 et 23 septembre prévoient que tout homme travaillant moins de 30 h par semaine devra se déclarer en mairie et que toute entreprise tiendra des états périodiques de son personnel sur la base desquels l'inspection du travail jugera des prélèvements de main-d'oeuvre utiles, en tenant compte des besoins exprimés par les Werbestellen. 16 000 hommes de la région Nord-Pas-de-Calais dont 7500 ouvriers métallurgistes gagnent l'Allemagne avant décembre 1942.
En janvier 1943, Sauckel lance sa 2e action (une action est une vague de réquisitions) en réclamant 250 000 travailleurs pour l'Allemagne (dont 17 500 pour la région) ; cette demande ne peut tomber plus mal dans la mesure où elle coïncide avec un afflux de commandes allemandes, une hausse des programmes de production de charbon et d'acier et une pression accrue de l'organisation Todt. Le gouvernement de Vichy est contraint d'élargir le recrutement. Une circulaire interministérielle du 2 février, relayée par une circulaire préfectorale du 12 février, prescrit de procéder au recensement des hommes nés entre 1912 et 1922 et de les répartir en différentes catégories selon qu'ils exercent un métier plus ou moins utile au pays.
La loi du 16 février 1943 rend obligatoire un service du travail de deux ans pour les classes 1939 (dernier quart) et 1940-1942. Alors que la loi de septembre 1942 ne touchait dans les faits que les ouvriers de l'industrie, celle du 16 février s'appuie sur des critères démographiques au grand soulagement du Rüstung-Kommando (inspection de l'armement dans la zone rattachée) qui voyait les usines stratégiques se dégarnir peu à peu. La création d'un fichier régional et l'établissement de certificats de travail à présenter lors des contrôles (en application d'un décret du 27 mars 1943) limitent les possibilités d'échapper aux convocations : fin avril, le Nord-Pas-de-Calais a fourni 14 660 travailleurs au titre de la 2e action Sauckel. La classe 1942 est principalement dirigée vers l'Allemagne alors que les autres classes sont affectées au renforcement des industries métallurgiques et cimenteries de la zone rattachée. Certaines catégories de travailleurs bénéficient de sursis ou d'exemptions : cultivateurs (mais ils payent un lourd tribut à l'organisation Todt), mineurs, boulangers, fonctionnaires, employés de la société nationale des chemins de fer français, candidats au concours de la gendarmerie, personnel affecté à la défense passive, étudiants…) même si les exemptions sont constamment révisées à la baisse.
La "3e action Sauckel" (3 mai 1943) fixe la contribution du Nord-Pas-de-Calais à 8500 personnes (22 000 pour la France). Les classes astreintes au service du travail obligatoire ne peuvent fournir que 5000 hommes ; l'effort se porte alors sur la chasse aux réfractaires (personnes recensées mais ne s'étant pas rendues aux convocations) et aux insoumis (personnes ne s'étant pas faites recenser), de plus en plus nombreux à s'enfuir dans la clandestinité. Les Werbestellen allemandes convoquent désormais directement les requis sans passer par le circuit administratif français devenu peu fiable (à un moment où l'Italie capitule et où la Wehrmacht enregistre des échecs cuisants en Russie et en Tunisie). Le nombre croissant des réfractaires oblige l'Oberfeldkommandantur à tenter, en août, une nouvelle politique : les départs Outre-Rhin sont suspendus et les requis sont affectés dans des usines de la région travaillant pour le compte de l'Allemagne. Cette mesure anticipe les accords nationaux Speer-Bichelonne de septembre 1943 qui gèlent les déportations pour trois mois. Les réfractaires sont invités à régulariser leur situation en s'embauchant dans les entreprises dites Speerbetrieb qui seront exemptées de tout prélèvement de personnel, quelle que soit la suite des évènements. Malgré une active propagande, cette mesure est un échec d'autant que l'Oberfeldkommandantur 670 tarde à délivrer le label aux entreprises (premiers classements en janvier 1944).
La "4e action Sauckel" est sans commune mesure avec les précédentes : le "négrier de l'Europe" exige de Pierre Laval un million d'hommes (50 000 pour le Nord-Pas-de-Calais). Ce dernier est obligé cède sauf sur deux points : la peine de mort ne pourra pas s'appliquer aux fonctionnaires récalcitrants et le travail féminin s'exercera en France exclusivement. La loi du 1er février 1944 prévoit donc la mobilisation des hommes de 16 à 60 ans, des femmes célibataires ou mariées sans enfant de 18 à 45 ans, le départ en Allemagne des classes 1943-1945 (et éventuellement des classes 1920-1938 pour compléter). De plus, des commissions de peignage (transformées en commissions de révision le 29 mars) doivent inspecter les entreprises et disposer du personnel "excédentaire". L'opération est un échec total dans la région (1500 départs environ) dans la mesure où l'Oberfeldkommandantur 670 préfère affecter les hommes aux usines prioritaires et aux travaux de déblaiement des bombardements qui s'intensifient.
Les historiens estiment qu'environ 60 000 hommes (l'étude précise reste à faire) ont été victimes dans le Nord-Pas-de-Calais de la déportation du travail.

Description :

Mise en forme :
Retrouver la cohérence des dossiers de chacun des producteurs eut été un trop gros travail pour le temps que nous nous étions imparti pour ce classement (il est même des liasses composées de documents provenant de quatre producteurs différents !). Nous avons essayé de pallier ce mélange en indiquant, dans le corps du répertoire, sous chaque description, le ou les producteurs des documents.
Une table de concordance est également disponible : http://archivesenligne.pasdecalais.fr/console/ir_visu_instrument.php?id=16000 

Conditions d'accès :

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Conditions d'utilisation :

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Organisme responsable de l'accès intellectuel :

Archives départementales du Pas-de Calais.

Identifiant de l'inventaire d'archives :

frad062_ir_116W_01

Où consulter le document :

Archives départementales du Pas-de-Calais

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