Page d'histoire : Aménagement de Saint-Denis en nécropole royale 1267

Basilique de Saint-Denis, croisillon nord du transept,
photographie de Caroline Rose, 1996.

Aménagée en 1263-1264, la nécropole royale de Saint-Denis fut consacrée en 1267, en présence de l’abbé Mathieu de Vendôme et du roi Louis IX, peu avant le second départ à la croisade de celui-ci et sa mort devant Tunis en 1270. De nombreux facteurs expliquent cet acte majeur de politique funéraire. Les moines dionysiens occupaient une place à part dans le royaume : ils avaient la garde de l’oriflamme et des insignes royaux – la couronne, le sceptre, etc. – utilisés lors du sacre de Reims. Ils étaient aussi les historiographes du royaume : Primat, Guillaume de Nangis, Guillaume de Saint-Pathus furent les artisans de la réputation de sainteté de Louis IX, canonisé en 1297. Depuis Dagobert (mort en 639), Saint-Denis avait accueilli de très nombreux corps royaux. Les Carolingiens, dès Charles Martel ou l’empereur Charles le Chauve (884), suivirent l’exemple. Les Capétiens firent de l’église monastique le « cimetière aux rois ». Si Philippe Ier (1108) et Louis VII (1180) furent ensevelis ailleurs, à partir de Philippe Auguste (1223) et à l’exception de Louis XI enterré à Cléry en 1483, les dépouilles des rois de France n’échapperont plus jamais, jusqu’à la Révolution, à l’attraction de Saint-Denis. Depuis l’abbatiat d’Eudes Clément (1229-1244), l’église édifiée par Suger (1140-1144) avait été assez largement reconstruite – l’architecte de Notre-Dame de Paris, Pierre de Montreuil (mort en 1267), participa au chantier – et dotée d’un immense transept dont la croisée carrée allait justement accueillir la nécropole. Avant Saint Louis, l’église était saturée de tombeaux d’abbés, de rois, de reines, sans ordre préconçu et avec de simples pierres tombales gravées. Tout change quand Saint Louis décide de déplacer les dépouilles de seize de ses prédécesseurs dans la nouvelle croisée : les tombeaux sont disposés de manière à traduire spatialement la continuité des « races » carolingienne et capétienne, avec, du côté sud, les Carolingiens, et, du côté nord, les Capétiens ; au centre, le roi place le tombeau de son père, Louis VIII – qui apporta aux Capétiens le sang carolingien hérité de sa mère – et, à droite de celui-ci, le tombeau de son grand-père Philippe Auguste. Sans doute le roi avait-il prévu que lui-même serait enseveli à gauche de son père. La reconstitution des couples royaux dans la mort témoigne de l’importance acquise par le sacrement du mariage et du rôle singulier accordé à la reine. En revanche, Saint Louis exclut de la nécropole dionysienne tous ceux qui n’avaient pas porté la couronne, à commencer par ses propres enfants cadets, qui furent ensevelis à Royaumont. Enfin, suivant une innovation remontant à Philippe Auguste, les tombes furent enrichies de gisants sculptés, élevés à deux pieds et demi au-dessus du sol. Les traits sculptés des défunts étaient parfois individualisés, mais ils n’étaient pas encore des portraits : il faudra pour cela attendre la seconde moitié du siècle suivant et les gisants de Charles V et de Du Guesclin.

 

Jean-Claude Schmitt

directeur d’études à l’EHESS

 

Pour aller plus loin...

  • Le dossier thématique Trésors d'archives présente un diplôme octroyant à l'abbaye de Saint-Denis la forêt d'Iveline et ses dépendances signé de Pépin le Bref.

 

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Source: Commemorations Collection 2017

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