Page d'histoire : Odet de Coligny, dit le cardinal de Châtillon Châtillon-Coligny (Loiret), 10 juillet 1517 – Southampton (Royaume-Uni), vers le 21 mars 1571

Odet de Coligny, cardinal de Châtillon, dessin (estampe, mine de plomb, sanguine) de François Clouet, vers 1545, Chantilly, musée Condé.

 

Frère aîné de Gaspard de Coligny, tué lors de la Saint-Barthélemy, Odet, cardinal de Châtillon, eut un parcours singulier. Il mena d’abord la vie d’un prélat mondain. Grâce à l’influence de son oncle Anne de Montmorency, il reçut à seize ans, en 1533, l’un des quatre chapeaux de cardinal offerts par le pape à François Ier pour le mariage du futur Henri II avec Catherine de Médicis. L’année suivante, il fut pourvu de l’archevêché de Toulouse (échangé ensuite contre l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire) puis, le 20 octobre 1535, devint évêque-comte de Beauvais. Il posséda une vingtaine de bénéfices, dont plusieurs abbayes en commende. Or il n’a jamais été ordonné prêtre. Il déléguait ses tâches spirituelles à des vicaires généraux et confiait à un personnel nombreux l’administration du temporel. Il recevait avec faste dans son château épiscopal de Bresles, près de Beauvais. Mécène généreux, il fut comparé au mythique Hercule gaulois par Rabelais, dans la préface du Quart Livre, et par Ronsard, dans l’un des trois Hymnes que le poète lui dédia ; il est d’ailleurs peint en Hercule chrétien sur les fresques du château de Tanlay. Face à la diffusion de la Réforme, après en avoir combattu les premiers adeptes, il prôna une réforme gallicane, sans rupture avec Rome mais ouverte à des concessions. Il s’inspirait des idées érasmiennes de son ancien précepteur Nicolas Béraud, qu’il garda toujours près de lui. Proche de ceux qu’on appelait les « moyenneurs », tels Jean de Monluc ou Claude d’Espence, il scandalisa les catholiques intransigeants dès 1560 en optant pour la communion sous les deux espèces du pain et du vin, ce que certains prirent pour une conversion ouverte au protestantisme. Cependant il ne se rangea dans le camp huguenot qu’à l’automne 1562, où il soutint Antoine de Crussol, chef des réformés languedociens. Au retour de la paix, la protection de Catherine de Médicis et du chancelier Michel de L’Hospital ne put lui éviter d’être excommunié le 31 mars 1563 et privé de ses bénéfices. Le 1er décembre 1564, il épousa Isabelle de Hauteville, avec laquelle il cohabitait depuis 1561. Il fut l’un des négociateurs de la paix de Longjumeau (mars 1568) qui termina la deuxième guerre de Religion. Puis, menacé par ses adversaires catholiques, il s’enfuit en Angleterre en septembre 1568 ; pendant la troisième guerre, il obtint de la reine d’Angleterre Élisabeth des secours pour les protestants. Après la paix de Saint-Germain (août 1570), il voulut rentrer en France ; mais il mourut, peut-être empoisonné. Il est enterré à Canterbury.

Arlette Jouanna
professeur émérite
université Paul-Valéry-Montpellier-3

 

Source: Commemorations Collection 2017

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