Page d'histoire : Jean-Baptiste Santerre Magny-en-Vexin (Val-d’Oise), 23 mars 1651 – Paris, 21 novembre 1717

Portrait d’homme en chasseur, huile sur toile de Jean-Baptiste Santerre, fin du XVIIe-début du XVIIIe siècle, Paris, musée de la Chasse et de la Nature (dépôt du musée du Louvre).

Il y a de lui des tableaux de chevalet admirables, d’un coloris vrai et tendre. Son tableau d’Adam et Ève est un des plus beaux qu’il y ait en Europe » (Voltaire). L’homme qui s’éteint dans son logement-atelier du Louvre le 21 novembre 1717 est académicien et protégé de Philippe d’Orléans, régent ; ses oeuvres sont recherchées et prisées, sa renommée importante et durable, comme en témoigne Voltaire  plus d’une trentaine d’années après la mort du peintre. Pourtant, peu connaissent son nom de nos jours.

Formé chez François Lemaire, puis auprès des frères Boulogne, l’artiste se consacre d’abord au portrait et comptera plus tard parmi ses modèles Racine, Boileau, Malebranche, Arnold de Ville, inventeur de la machine de Marly, ou Richard de Lalande, ainsi que des figures princières comme la duchesse de Bourgogne ou le Régent, seul ou accompagné de sa maîtresse, Mme de Parabère. Si son style est marqué par l’art des Bolonais et de Van Dyck, Santerre revisite les sujets nordiques traités par Rembrandt et ses émules et en propose une interprétation toute personnelle qui fera son succès. Il crée ainsi des figures de fantaisie diurnes (La Cuisinière, La Géométrie, La Coquette…) ou nocturnes (La Dessinatrice, La Liseuse ou La Rêveuse), de gracieuses jeunes femmes à mi-corps, que ses contemporains se disputent. Ses tableaux d’histoire sont plus rares mais de grande qualité, parmi lesquels la Déploration (Saint-Malo), la Madeleine que Louis XIV décida d’acquérir (Magny-en-Vexin), La Vierge à l’Enfant (coll. part.) ou la Suzanne au bain (Louvre) présentée pour son entrée à l’Académie en 1704. Estimé pour la justesse de ses rendus anatomiques (il assistait à des dissections), ses qualités de coloriste, le grand soin apporté à son travail, dans sa technique même, et le fini de ses dessins, dont il brûlera une grande partie – des nus – avant de mourir, il interpelle notre curiosité : peu de données biographiques, une production des débuts et de la première maturité qui nous manque toujours. Sa carrière officielle est tardive : agréé à l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1698, à quarante-sept ans, il est reçu en 1704 et participe au Salon, exposition réservée aux membres de cette institution. On notera que ses peintures aujourd’hui conservées, ou connues par l’estampe, se trouvent concentrées sur les vingt dernières années de sa vie. Exact contemporain de Jouvenet (1647-1717), Santerre se démarque des artistes de son temps en explorant des voies différentes, comme les figures de genre, les portraits idéalisés (dont Le Chasseur ici reproduit) et instille dans ses toiles une élégance froide et raffinée qui n’appartient qu’à lui.

Claude Lesné
conservateur en chef du patrimoine

Source: Commemorations Collection 2017

Liens