Page d'histoire : Lucien Bodard Chongqing (Chine), 9 janvier 1914 Paris - 2 mars 1998

Né au Sichuan, dans la Chine des seigneurs de la guerre où son père était consul de France, après ses études aux Roches et à Sciences-Po, il se destine à la diplomatie, mais le charroi des évènements en décide autrement. Via l’Espagne et l’Afrique du Nord, il gagne Londres. À la Libération, il choisit le journalisme. Il va en devenir un prince, un monstre sacré, le dernier représentant d’un grand reportage aujourd’hui disparu, dans la lignée d’Albert Londres et de Joseph Kessel, qui l’admirait. Sa force ? Une indépendance absolue.

Des Philippines au Brésil, du Congo à l’Irlande, il parcourt le monde en témoin lucide de la férocité et de la misère humaines, l’expérience majeure étant celle de l’Asie, l’Indochine où il reste de 1947 à 1955, Hongkong ensuite (jusqu’en 1960). De ces années sortiront des milliers de pages, des articles et des livres, une trilogie indochinoise mythique (L’enlisement, L’humiliation, L’aventure), des documents très critiques et précurseurs sur la Chine de Mao.

Vient le temps du roman, le désir de re-visiter son enfance magique et meurtrie, d’analyser encore les passions françaises et les arcanes du pouvoir. La voie royale s’ouvre avec Monsieur le consul, qui obtient le prix Interallié à l’unanimité en 1973. En 1981, le bouleversant Anne Marie est couronné par le Goncourt. D’autres livres suivront, tous de cette écriture singulière, somptueuse, qu’on a comparée au Yang-tseu-kiang en crue.

Il meurt le 2 mars 1998, quelques heures après avoir terminé la correction des épreuves de son ultime roman, Le chien de Mao. « Sa verve inimitable et purificatrice » (Erik Orsenna) nous manque.

texte de Marie-Françoise Leclère-Bodard, journaliste

Source: Commemorations Collection 2014

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