Page d'histoire : Création de la croix de guerre 8 avril 19015

Au début de la Première Guerre mondiale, il n’existe que de rares moyens de récompenser les actes d’héroïsme. La Légion d’honneur et la médaille militaire restent exceptionnellement attribuées et seule la « citation à l’ordre » (du régiment, de la brigade, de la division, etc.), officiellement publiée et dont le texte est lu sur le front des troupes, permet de mettre en valeur la bravoure exceptionnelle d’un soldat. Or, avec les armées de masse engagées dans un conflit qui se prolonge, cette reconnaissance paraît à la fois insuffisante et tardive.

Afin de pouvoir récompenser presque immédiatement les hommes sur le terrain, quelques chefs de corps et généraux prennent l’initiative de « cérémonies » non réglementaires mais tolérées, au cours desquelles sont distribuées des médailles d’origine privée, mais cette situation n’est pas acceptable dans la durée.

Dès la stabilisation des lignes à l’automne 1914, le général Boëlle propose la création d’une médaille, dont la remise accompagnerait les citations à l’ordre de l’armée. En dépit d’une première réponse négative du ministre de la Guerre, l’idée est reprise par Maurice Barrès qui, dans les colonnes de L’Action française en particulier, demande en novembre et en décembre « une médaille de bronze pour les braves ». Présentée devant la Chambre des députés le 23 décembre, la proposition de loi est défendue par le lieutenant-colonel Driant qui parle pour la première fois d’une « croix de guerre ».

L’idée fait son chemin. Le projet est adopté le 4 février 1915 et étendu jusqu’au niveau du régiment : « Il est créé une croix, dite croix de guerre, destinée à commémorer, depuis le début de la guerre 1914-1915, les citations individuelles des officiers, sous-officiers, caporaux et soldats des armées de terre et de mer à l’ordre de l’armée, des corps d’armée, des divisions, des brigades et des régiments. » Transmis au Sénat, le texte est complété par le rapport Murat qui suggère de donner à cette nouvelle décoration la forme d’une étoile, pour la distinguer de la croix de fer allemande ; et propose de donner à son ruban les couleurs de la médaille de Sainte-Hélène. Revenu au Palais-Bourbon, la loi est définitivement adoptée le 2 avril 1915 et promulguée six jours plus tard.

Décernée à titre individuel ou collectif, à plus de 1 200 000 bénéficiaires, elle se distingue par les étoiles et palmes qui traduisent le niveau hiérarchique de la citation justifiant l’attribution de la médaille et qui sont fixées sur le ruban. En avril 1916, est créée une fourragère aux couleurs de la croix de guerre, attribuée aux régiments, bataillons et compagnies ayant été cités deux fois à l’ordre de l’armée ou ayant pris un drapeau à l’ennemi. Le nombre élevé de villes (près de 3 000 dans l’Hexagone) et de collectivités publiques françaises et alliées qui se voient décerner la croix de guerre après 1918 témoigne de la forte charge symbolique associée à cette décoration dès la guerre elle-même, au point qu’elle en devient, avec le casque Adrian, l’une des représentations emblématiques.

Étendue aux théâtres d’opérations extérieures (TOE) en 1921, recréée au début de la Seconde Guerre mondiale, elle a de nouveau été attribuée depuis la guerre du Golfe.

LCL Rémy Porte
docteur HDR en histoire
officier référent Histoire pour l’armée de Terre

Source: Commemorations Collection 2015

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