Page d'histoire : René François Armand Prudhomme, dit Sully Prudhomme Paris, 16 mars 1839 - Châtenay-Malabry, 6 septembre 1907

Portrait par Paul Chabas
huile sur toile
Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon
© RMN/Gérard Blot

Premier prix Nobel de littérature en 1901, Sully Prudhomme, de son vrai nom Armand Prudhomme, fut le poète du rationalisme inquiet et du scepticisme douloureux.

Orphelin de père, élevé par unemère très pieuse, il dut renoncer à entrer à l’École polytechnique en raison d’une ophtalmie. Se lançant alors dans des études de lettres, il connut une crise mystique et songea à se faire dominicain. Après un premier emploi dans l’administration de l’usine Schneider au Creusot, il devint clerc de notaire à Paris, pour financer des études de droit entamées sans conviction. Une déconvenue amoureuse marqua son coeur à jamais : il resta fidèle à celle qu’il aima désormais « comme on aime une étoile, / Avec le sentiment qu’elle est à l’infini ».

Son premier recueil, Stances et poèmes (1865), fut distingué par Sainte-Beuve, qui nota que l’auteur, malgré son goût de l’élégie, rompait avec le romantisme (« La mélancolie est un cercueil usé »). Ayant rejoint les rangs du Parnasse, Sully Prudhomme fréquenta le salon de Leconte de Lisle et publia Les Épreuves (1866) et Les Solitudes (1869). Ses recueils de jeunesse, qui forment la meilleure partie de son oeuvre, analysent la vie intérieure de l’âme, fixant des émotions fugitives, cernant des sentiments confus, exprimant les angoisses de l’esprit devant les limites de la raison.

La mort de sa mère et celle de plusieurs proches, ainsi que la guerre de 1870, durant laquelle il s’engagea comme garde mobile, aggravèrent son pessimisme. Dans La Justice (1878) et Le Bonheur (1888), longs poèmes didactiques s’écartant de l’art parnassien, l’influence de Darwin et de Schopenhauer est contrebalancée à grand-peine par un vague humanitarisme.

Élu à l’Académie française en 1881, promu commandeur de la Légion d’honneur en 1895, Sully Prudhomme devint l’un des poètes officiels de la Troisième République. Grâce au prix Nobel, il fonda un prix de l’Académie destiné aux poètes débutants.

Outre d’intéressantes études d’esthétique (De l’expression dans les Beaux- Arts, 1883 ; Réflexions sur l’art des vers, 1892 ; Testament poétique, 1901), le poète philosophe consacra plusieurs ouvrages à des questions de métaphysique. Publiés à titre posthume, son Journal intime (1862-1869) et ses Pensées de jeunesse sont parsemés d’aphorismes, comme celui-ci qui résume toute son oeuvre : « La poésie, c’est l’univers mis en musique par le coeur. »

Yann Mortelette
maître de conférences à l’université de Bretagne occidentale

Source: Commemorations Collection 2007

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