Page d'histoire : "L'entente cordiale" entre Victoria et Napoléon III 16 avril et 18 août 1855

Napoléon III et la reine Victoria au tombeau de Napoléon Ier, le 24 août 1855 par Edward Matthew Ward, vers 1856-1860

L’année 1855 est une année décisive dans l’histoire des relations entre la France et l’Angleterre. Aux yeux de Napoléon III, l’alliance anglaise est l’un des objectifs majeurs de sa politique extérieure. C’est pourquoi il s’est engagé dans la guerre de Crimée aux côtés des Britanniques contre les Russes, le 27 mars 1854. Un an plus tard, alors que le contingent franco-britannique s’épuise dans l’interminable siège de la forteresse de Sébastopol, la visite à Londres du couple impérial apparaît comme un symbole fort de l’alliance entre les deux pays. Débarqué à Douvres, le 16 avril, le couple impérial y est accueilli par le prince consort Albert, avant de rejoindre la reine Victoria dans sa résidence de Windsor, puis d’être fastueusement reçu à Buckingham. Les Londoniens, venus en masse assister à leur traversée à pied de la capitale, leur réservent un accueil très enthousiaste. Victoria se dit charmée dans son Journal par Napoléon III : « Il est l’empereur, écrit-elle, sans y tendre le moins du monde. » Mais cette visite d’État comporte aussi un volet diplomatique, le 18 avril, lorsque les souverains et leurs principaux ministres se réunissent pour élaborer la suite des opérations de Crimée, Napoléon III se laisse convaincre de ne pas se rendre à Sébastopol, comme il en avait l’intention, afin de ne pas confisquer à son profit le prestige de la victoire.

Celle-ci n’est pas encore acquise lorsqu’Albert et Victoria, accompagnés de leur fils, viennent à leur tour en France, le 18 août, à l’occasion de l’Exposition universelle de Paris. Accueillis par Napoléon III à Boulogne, ils vont connaître pendant une dizaine de jours une succession de cérémonies officielles et de divertissements : soirée à l’Opéra, fête dans la galerie des glaces de Versailles, réception et banquet à l’Hôtel de Ville… Victoria va même s’incliner devant le tombeau de Napoléon Ier aux Invalides. Plus de 800 000 Parisiens l’acclament, et le préfet Haussmann lui dédie l’avenue Victoria, entre l’Hôtel de Ville et le Châtelet.

Le 8 septembre, la prise de Sébastopol couronne l’année de l’Entente cordiale entre les deux souverains.

 

Jean Garrigues
professeur à l’université d’Orléans
président du Comité d’histoire parlementaire et politique

Source: Commemorations Collection 2005

Liens