Page d'histoire : Organisation de l'Académie royale des inscriptions et médailles 16 juillet 1701

Histoire de l'Académie royale des inscriptions et belles-lettres depuis son établissement jusqu'à présent.
Paris, Archives nationales, bibliothèque
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Jeton de l'Académie des inscriptions et médailles, signé T.B (Thomas Bernard). R/VETAT MORI
1706 cuivre rouge, 30mm. Paris
Bibliothèque de l'Institut de France
© Institut de France

À la différence des hommes, les institutions offrent souvent le choix entre plusieurs dates de naissance possibles. Ainsi en est-il pour les origines de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Dès février 1663 Colbert avait désigné un groupe de quatre érudits appartenant à l'Académie française pour donner des avis " sur toutes choses qui regardent les bâtiments et où il peut entrer de l'esprit et de l'érudition ", mais cette " petite Académie " n'avait reçu aucun règlement particulier : elle devait se consacrer à pérenniser la gloire du souverain en multipliant épigraphes et scènes allégoriques dans les grandes constructions ornées de peintures et de sculptures ; la mythologie fournissait les thèmes des opéras et des carrousels ; on s'attachait à l'histoire des villes conquises. Ayant recueilli en 1683 la charge de surintendant des bâtiments, Louvois transféra au Louvre celle que l'on commençait à nommer l'" Académie des médailles " et augmenta le nombre de ses membres, y intégrant entre autres les historiographes du roi : Racine et Despréaux (l'illustre Boileau) ; on s'attacha désormais à la composition de grandes médailles perpétuant le souvenir des actions héroïques du roi-soleil et à l'élaboration de devises destinées aux jetons des membres des divers conseils. Après la mort de Louvois (1691), le comte de Ponchartrain, secrétaire de la Maison du roi, plaça à sa tête son propre neveu l'abbé Jean-Paul Bignon, prédicateur et bibliothécaire du roi, tout à la fois un savant et un homme de cour ; tandis qu'on continue à s'occuper des médailles (Antoine Coypel étant chargé de leur dessin) se marque un tournant décisif vers les études érudites : furent alors recrutés André Dacier, tout à la fois helléniste et latiniste, le savant Simon de La Loubère et le grand connaisseur d'art André Félibien, érudits de valeur désireux de se distinguer par une science approfondie plus que par une rhétorique brillante.

C'est par une ordonnance du 16 juillet 1701 que la Compagnie fut hissée au rang d'institution d'État. Un règlement de 49 articles définissait le programme des travaux, la composition et les modalités de l'" Académie des inscriptions et médailles ", celle-ci célébrant les principaux événements de l'histoire de France, avec établissement de descriptions historiques, pour conserver la mémoire des hommes célèbres et de leurs belles actions ; " comme la connaissance de l'antiquité grecque et latine est ce qui dispose le mieux à réussir dans ce genre de travaux ", elle devait s'attacher à cette sorte d'érudition et examiner les découvertes en ce domaine. Les séances se tenaient tous les mardis et vendredis au palais du Louvre. Le nombre des membres fut porté à quarante : parmi eux se distinguaient le Père La Chaise, confesseur du roi, Fontenelle et Dom Mabillon, dont le De re diplomatica de 1681 avait donné naissance à une véritable méthode critique. Le " secrétaire perpétuel devait être exact à recueillir tout ce qui aura été proposé, agité, examiné et résolu dans la Compagnie, à l'écrire sur son registre... il signera tous les actes " (art. XL). Sur le jeton de présence figure une muse et une citation d'Horace vetat mori, " elle empêche de mourir ", ce qui suggérait qu'elle conférait l'immortalité.

En 1713 des lettres patentes signées par le roi, puis enregistrées au parlement de Paris confirmèrent l'existence de l'Académie à laquelle en 1716 un arrêt du Conseil attribua le nom - définitif cette fois - d'" Académie des inscriptions et belles-lettres ". Que fallait-il entendre par cette dernière expression ? " Érudition " eut risqué sans doute d'apparaître trop limité, évoquant des études dénuées de prestige ; les " belles-lettres " reposaient sur l'analyse approfondie des textes et elles supposaient la pratique éclairée des " humanités " ; de la sorte se dessinerait, tout au cours du XVIII e siècle, l'esquisse de ce que nous appelons aujourd'hui les sciences humaines. Ainsi était mis en place ce qui serait un " sénat des lettres savantes ", où les discussions deviendraient beaucoup plus libres et où triomphera l'exigence scientifique, assurant la réputation de l'Académie à travers toute l'Europe des lumières.

Jean Leclant
secrétaire perpétuel de l'Académie des inscriptions et belles-lettres
président du Haut Comité des célébrations nationales

Source: Commemorations Collection 2001

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