Page d'histoire : Laure Diebold-Mutschler, nom de code : Mado Erstein (Bas-Rhin), 10 janvier 1915 - Lyon, 17 octobre 1965

Laure Diebold.
© Musée de l’Ordre de la Libération

Qui est-elle, cette héroïne exceptionnelle, qui connut la plus grande reconnaissance qui soit, puisque le général de Gaulle la fit Compagnon de la Libération ? Il n’y eut en effet pas de plus haute distinction honorer les faits de guerre d’une rare audace ou les actes de Résistance hors du commun ! Et parmi les 1 038 élus, seules six femmes vécurent cette dignité-là.

Qui est-elle, et comment a-t-elle pu, après avoir accédé à une telle gloire, rejoindre le camp silencieux des oubliés de l’Histoire ?

Les Allemands envahissent l’Alsace en juin 1940 et l’annexent illégalement au regard du droit international. Résistante de la toute première heure à Sainte-Marie-aux-Mines où elle vit alors, dans le Haut-Rhin, Laure organise avec ses amis un réseau de passeurs qui permettra l’exfiltration d’un nombre impressionnant de prisonniers évadés et autres fugitifs recherchés par les nazis.

Après un an et six mois de cette activité clandestine entre toutes dangereuse – le jour, elle réendosse son rôle de parfaite secrétaire bilingue – Laure, poursuivie par la Gestapo, doit emprunter sa propre filière pour fuir l’Alsace allemande, et se réfugier en France occupée d’abord, de l’autre côté des Vosges, dans cette zone dite « interdite », puis, à la suite d’une seconde évasion, en France libre où elle rejoint Eugène Diebold qu’elle épousera à Lyon.

Commence alors un nouveau combat, toujours dans l’ombre.

Officiellement secrétaire au service des réfugiés d’Alsace-Lorraine, elle est en réalité recrutée par Londres et devient, à vingt-sept ans, « agent de liaison et d’évasion ». Lorsque Jean Moulin arrive à Lyon, elle est mise à sa disposition : ce nouveau tournant dans sa carrière de résistante est entériné par sa mutation officielle, le 1er septembre 1942, en qualité de secrétaire et sténodactylo de la délégation. Immatriculée au BCRA sous le nom de code de Mado, la voilà assimilée au grade de lieutenant. Que dit le décret du 20 novembre 1944 qui la fera Compagnon de la Libération ?

« Alsacienne d’un courage et d’un dévouement admirables. N’a cessé dans des conditions matériellement difficiles, de travailler jour et nuit avec un acharnement et un esprit de sacrifice exemplaires.

Volontaire pour toutes les missions, à la fois sténodactylographe, secrétaire et agent de liaison, elle était dépositaire de tous les secrets de la délégation.

Arrêtée par la police allemande le 24 septembre 1943 dans l’exercice de ses fonctions. Sous la torture elle a gardé un complet silence. »

Relâchée sans avoir jamais parlé – le réseau est ainsi sauvé – après ces quatre mois cauchemardesques à Fresnes, Laure entame, le 17 janvier 1944, seize mois d’une déportation aussi dramatique que chaotique.

Elle échappera à deux reprises au four crématoire et, sauvée in extremis du typhus, retrouve Paris en mai 1945.

Malgré vingt ans de survie, son brusque décès, le 17 octobre 1965 à Lyon, est la conséquence des tortures infligées par les nazis. Aussi sa tombe à Sainte-Marie-aux-Mines porte-t-elle la mention : « Mort pour la France. »

Après ses funérailles qui eurent un retentissement national, le colonel Mary-Basset, alors vice-chancelier de l’ordre de la Libération, écrit à son sujet, en première page de Gens de la lune (no 100-101, décembre-janvier 1965-1966) : « Secrétaire de Jean Moulin, elle devient une sorte de directrice administrative de la Résistance [...]. »

Anne-Marie Wimmer
écrivain
biographe de Laure Diebold-Mutschler

Voir recueil des commémorations nationales 1999

Source: Commemorations Collection 2015

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