Page d'histoire : Auguste Blanqui Puget-Théniers, 1er février 1805 - Paris, 1er janvier 1881

L'Action enchaînée, statue de Maillol, Puget-Théniers
(hommage au sculpteur à l'enfant du pays)
© atelier photographique des archives départementales des Alpes-Maritimes

La famille était italienne, francisée par l’annexion du comté de Nice en 1792, et restée française par choix après 1814. Le père avait été membre de la Convention, puis rallié à l’Empire comme tant d’autres républicains de 1792, et se trouvait sous-préfet à Puget-Théniers en 1805.

Après 1814, on se replie vers le centre de la France, puis Paris ; on est dans l’opposition, et on vit difficilement de maigres revenus et de « petits -boulots » intellectuels (préceptorat, surveillance d’internat, journalisme). Adolphe, frère aîné, plus âgé de sept ans, y réussit assez bien, jusqu’à accéder à la chaire d’économie politique du Collège de France mais il avait eu souvent à donner aide matérielle et intellectuelle à son cadet, Auguste, malgré la divergence de leurs engagements.

De ses dix-sept ans (où il milite contre le procès des « 4 sergents de La Rochelle ») à ses soixante-quinze ans (où il meurt d’épuisement après une réunion publique triomphale dans la République qui venait d’amnistier les Communards), la vie d’Auguste Blanqui est impossible à résumer en quelques paragraphes tant il y eut d’épisodes toujours spectaculaires : conspirations, prises d’armes, procès, exils, incarcérations. Il restera le type de ces intransigeants qui, dans l’esprit des robespierristes d’extrême gauche à la Babeuf, ont toujours associé la revendication de la République contre les régimes monarchiques à la revendication de la justice sociale contre les riches (« communiste » donc, plutôt que « socialiste », – autour de 1840 « socialiste » signifiait pacifiste). Et qui, deuxième caractère propre, pensait qu’il fallait inlassablement combattre, édifier et éduquer par l’action.

Toujours combattant, donc, Auguste Blanqui, quoique intelligent, chaleureux dans ses relations familiales, désintéressé, personnellement sympathique semble-t-il, a été au cœur du XIXe siècle le révolutionnaire mythique qui, en exaltant les siens, a le plus terrorisé les autres. C’est pourquoi les généalogies idéologiques le placent volontiers en relais entre le jacobinisme de 1793 et le bolchevisme du XXe siècle.

Mais sa légende n’est pas seulement celle de l’Action, c’est aussi celle de la Défaite.
Toujours vaincu, il aura passé (Maurice Dommanget en a fait le compte) 43 ans et 2 mois de vie « irrégulière », dont 33 ans et 7 mois de prison stricto sensu, 2 ans et 9 mois de résidence forcée, 6 ans d’exil, etc.

D’où le surnom de « l’Enfermé » (1).

D’où enfin sa célèbre représentation posthume, en guise de statue de grand homme, par l’étonnante allégorie féminine réinventée par Maillol, l’Action enchaînée, que l’on peut voir sur la place publique de Puget-Théniers et, à Paris, à la fondation Dina Vierny.

Maurice Agulhon
professeur honoraire au Collège de France
membre du Haut comité des célébrations nationales

1. Ce surnom lui a été donné par un de ses premiers biographes, Gustave Geffroy

Source: Commemorations Collection 2005

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