Page d'histoire : Lucie Aubrac Paris, 29 juin 1912 - Paris, 14 mars 2007

Lucie Aubrac au temps de son agrégation de l’Université Collection particulière Raymond Aubrac
© Archives personnelles Raymond Aubrac

Née le 29 juin 1912 à Paris où ses parents, modestes paysans du Mâconnais, étaient venus tenter leur chance comme employés, Lucie Bernard voit son enfance marquée par la Grande Guerre. Mobilisé en août 1914, très gravement commotionné en octobre 1915, son père retrouve la vie civile en 1917. Le couple Bernard, Lucie et sa sœur cadette, née en 1913, retournent en Saône-et-Loire. Dans l’espoir que Lucie, que ses maîtresses de l’enseignement primaire supérieur jugent douée, pourra intégrer l’école normale d’institutrices des Batignolles à Paris, la famille s’installe fin 1928 à Vitry-sur-Seine. Reçue en 1931, Lucie renonce à y entrer par refus de la stricte discipline qui y règne. Elle s’installe à Paris et vit chichement de « petits boulots ». Tout en militant aux Jeunesses Communistes, elle entreprend des études d’histoire auxquelles son cursus scolaire ne l’a pas préparée. En 1938, ses efforts sont couronnés par son succès à l’agrégation. Nommée à Strasbourg, elle y rencontre Raymond Samuel, ingénieur des Ponts, mobilisé comme officier du génie, qu’elle épouse en décembre 1939. Fait prisonnier en juin 1940, détenu à Sarrebourg, Raymond Samuel s’évade grâce à l’aide de sa femme fin août. Ils gagnent Lyon.

À l’automne de 1940, Lucie Samuel crée avec Emmanuel d’Astier, Jean Cavaillès, Georges Zérapha un noyau résistant, « La dernière colonne », qui peine à recruter. Ses membres décident alors de faire paraître un journal clandestin. Lucie y travaille tout en accouchant d’un garçon, Jean-Pierre, en mai 1941. En juillet, le premier numéro de Libération voit le jour. Enthousiaste, fonceuse, déterminée, Lucie ne ménage pas sa peine pour développer le mouvement. Arrêté le 15 mars 1943 à Lyon, mis en liberté provisoire début mai, son mari est à nouveau arrêté le 21 juin à Caluire avec Jean Moulin. Elle organise une opération militaire qui le libère des griffes de la Gestapo au cœur de Lyon, quatre mois plus tard.

Traqué par les polices allemande et française, le couple vit ensuite, de refuge en refuge, jusqu’à ce qu’un avion les emporte avec leur petit garçon à Londres, le 8 février 1944. Le 12, Lucie, désormais connue sous le nom d’Aubrac qui était un pseudonyme de son mari, accouche à Londres d’une fille, Catherine. En juillet, elle met en place des Comités de libération dans les zones libérées. Elle rejoint ensuite son mari, commissaire régional de la République à Marseille. Révoqué en janvier 1945, Raymond Aubrac regagne Paris où sa femme siège à l’Assemblée consultative. En 1946, naît le troisième enfant du couple, Élisabeth.

Lucie Aubrac reprend son métier de professeur en région parisienne, puis à partir de 1958, au Maroc et à Rome. La retraite venue, elle parcourt inlassablement la France pour évoquer la Résistance dans les écoles, collèges et lycées. Elle publie en 1984 au Seuil un récit, Ils partiront dans l’ivresse, qui retrace son engagement résistant. Gravement mise en cause dans les années 1980 et 1990 dans le sillage du procès de Klaus Barbie, qui l’accusait ni plus ni moins d’avoir trahi, cette pionnière de la Résistance en fut très affectée. Elle n’en aura pas moins continué jusqu’au bout à être de tous les combats pour l’égalité et à porter témoignage, à sa façon, courageuse, chaleureuse et simple.

Laurent Douzou
professeur d’histoire contemporaine Institut d’Études Politiques de Lyon

Source: Commemorations Collection 2012

Liens