Page d'histoire : Maurice de Guérin Château de Cayla (Andillac, Tarn), 4 août 1810 - 19 juillet 1839

Le château-musée du Cayla aujourd’hui
© Conseil général du Tarn, cliché de Donatien Rousseau

Le bicentenaire de la naissance de Maurice de Guérin en 2010 va permettre d’approfondir la connaissance de cet écrivain romantique, trop peu connu du grand public. Né en 1810, la même année que Chopin, il meurt encore plus tôt : en 1839. Brève existence commencée au château du Cayla, où sa sœur (1), de cinq ans son aînée, tente de suppléer à la mère disparue précocement. Peu d’événements, mais ressentis fortement par un être d’une rare sensibilité ; des amours qui semblent ne pas avoir été heureuses ; des amitiés avec Barbey d’Aurevilly (2), Lamennais – il vivra quelque temps à La Chesnaie –, Hippolyte de La Morvonnais.

L’essentiel de son œuvre parut de façon posthume : La Bacchante, Glaucus, le Cahier vert, son Journal. Comme Senancour, avec qui il n’est pas sans présenter des ressemblances, il a été découvert par ces lecteurs d’exception que furent George Sand (elle révèle Le Centaure dans la Revue des deux Mondes) et Sainte-Beuve.

Gaëtan Picon a parfaitement caractérisé l’œuvre de Maurice de Guérin, quand il écrit : « Ce passage du sommeil natal (château du Cayla, forêt de Glaucus, caverne du Centaure) au bondissement dans le monde ouvert à la possession, la brûlante rencontre avec les dieux, voilà ce que nous disent ces poèmes » qui « sont grands pour retenir dans le nombre solennel de la phrase et la vaste lueur de leurs simples images, comme la gravitation des astres et leur rayonnement ».

Cet anniversaire sera, on l’espère, l’occasion d’éditions nouvelles, de recherches sur les contributions du journaliste, d’études sur les sources, sur la Grèce à l’époque romantique, sur la mythologie et les grands mythes, sur le concept de « classicisme » et ses ambiguïtés ; mais aussi sur des problèmes génériques : le poème en prose, le journal dont les limites sont mal définies, et qui ne cesse de susciter l’intérêt, sur le fragmentaire et l’inachèvement, notions que la critique moderne a renouvelées.

Ce bicentenaire devrait être aussi l’occasion de découvrir un certain nombre de ses amis. Si Barbey d’Aurevilly, étudié de longue date, a déjà bénéficié d’un récent hommage (2008), l’entourage de Lamennais (3) réserve peut-être encore des découvertes. L’image d’Eugénie de Guérin doit être rajeunie. Le rôle éditorial de Trébutien pourra aussi intéresser, mis en rapport avec une question plus vaste : le rôle des éditeurs de textes dits « intimes » à la fin du XIXe siècle (Stryenski pour Stendhal, etc.). Malgré l’importance et la qualité de travaux déjà accomplis depuis une trentaine d’années, un beau chantier est donc ouvert.

Béatrice Didier
professeur émérite à l’École Normale Supérieure (Ulm)

1. Cf. Célébrations nationales 2005
2. Cf. Célébrations nationales 2008
3. Cf. Célébrations nationales 2004

Source: Commemorations Collection 2010

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