Page d'histoire : Abraham Bosse, graveur en taille-douce et théoricien de l'art français Tours, vers 1604 - Paris, 14 février 1676

Abraham Bosse,
graveurs en taille douce, au burin et à l’eau forte - 1643
© cliché Bibliothèque nationale de France

La date de 1602 traditionnellement donnée pour la naissance d’Abraham Bosse à Tours a été récemment corrigée en 1604, grâce à la découverte de son contrat d’apprentissage, signé le 16 juillet 1620, qui mentionne que le jeune homme est alors âgé de 16 ans ou environ. Il meurt à Paris le 14 février 1676.

Fils d’un tailleur originaire d’Allemagne immigré à Tours, de religion protestante, Abraham Bosse fait son apprentissage à Paris chez Melchior II Tavernier, venu d’Anvers, un des éditeurs d’estampes et de livres illustrés les plus importants du premier tiers du XVIIe siècle.

Abraham Bosse est un graveur capital de cette époque, qui est aussi celle de la véritable naissance et du développement de la gravure en taille-douce en France. On lui attribue environ 1600 pièces, toutes techniquement impeccables, pleines d’esprit et d’élégance, traitant de tous les thèmes, qu’il s’agisse de religion, d’histoire, de géographie, de sciences, d’illustrations de romans à la mode.

Volontiers pédagogue, il est le premier à publier un manuel technique de gravure, Traité des manieres de graver en taille douce sur l’airain par le moyen des eaues fortes et des vernix durs et mols. Ensemble de la façon d’en imprimer les planches et d’en construire la presse (chez l’auteur, 1645), réédité et traduit en une dizaine de langues européennes jusqu’au XIXe siècle, aujourd’hui même traduit en japonais. Sa lecture est encore une excellente introduction à l’étude de l’estampe ancienne et peut même servir aux graveurs intéressés par le métier. La publication en a été précédée par celle, en 1642 et 1643, de deux planches majeures, L’Imprimerie en taille-douce et L’Atelier de gravure, parfaitement démonstratives.

Mathématicien et géomètre, Bosse se passionne pour les théories du géomètre Girard Desargues et publie lui-même nombre d’ouvrages sur la perspective, discipline qu’il enseigne à l’Académie royale de peinture et sculpture avant de s’en faire expulser en 1661 pour son manque de souplesse. Les querelles autour des problèmes de la perspective appliquée aux beaux-arts occupent la fin de son existence.

Le travail de Bosse pour le livre est important puisque à peu près la moitié de son œuvre y est consacrée. Si le livre religieux est bien représenté – le protestantisme de Bosse semble fort bien s’accommoder des figures de la Vierge et des saints –, si la littérature classique (15 pl. pour l’Énéide dans la traduction de P. Perrin, 1648) ou moderne (18 pl. d’après Vignon pour l’Ariane de Desmarets de Saint-Sorlin, 1638 ; 14 pl. pour La Pucelle de Chapelain, 1656) lui permet de fournir des chefs-d’œuvre, de même que la recherche scientifique (38 pl. publiées, mais bien d’autres gravées, destinées aux Mémoires pour servir l’histoire des plantes de Dodart, 1676), c’est pour les ouvrages de Desargues (307 pl.) et pour les siens propres (276 pl.), qu’il exécute le plus grand nombre de figures.

Néanmoins, ce sont ses sujets représentant des scènes des métiers et de la vie quotidienne qui rendent le mieux compte de l’originalité de son talent. Il y fait preuve d’une grande correction de dessin et d’une exceptionnelle maîtrise de l’eau-forte, à laquelle il donne la rigueur du burin sans en garder la froideur. Son sens du détail et de l’exactitude, la précision de son observation, qui ne sont d’ailleurs pas incompatibles avec un certain humour, font de la plupart de ses estampes des témoignages capitaux sur son époque. Elles ont servi d’illustrations pour les manuels d’histoire de France pendant tout le XXe siècle et sont plus que célèbres, même si le nom de leur auteur est souvent oublié.

Jusqu’à présent, Abraham Bosse n’a jamais bénéficié d’une exposition de l’importance qu’il mérite. Cette lacune a été comblée en 2004 par une double exposition, à la Bibliothèque nationale de France à Paris et au musée des Beaux-Arts de Tours, un catalogue commun étant réalisé pour ces deux manifestations conçues comme complémentaires.

Maxime Préaud
conservateur général des bibliothèques, chargé de la réserve du département des estampes et de la photographie - Bibliothèque nationale de France

Source: Commemorations Collection 2004

Liens