Page d'histoire : Hubert Robert Paris, 22 mai 1733 - Paris, 15 avril 1808

Paysage de cascade avec les bergers d’Arcadie
Huile sur toile d’Hubert Robert, 1789
Valence, musée des beaux-arts et d’archéologie
(achat 2005 avec l’aide de l’État et de la région dans le cadre du FRAM)
© Musée de Valence

Originaire d’une famille de la moyenne bourgeoisie, Hubert Robert est le  fils d’un écuyer du marquis de Stainville, envoyé extraordinaire du duc de Lorraine auprès du roi de France. Sur son enfance on ne possède que peu de renseignements, si ce n’est qu’il bénéficie de la protection de la famille Choiseul-Stainville grâce à laquelle il peut faire ses études au collège de Navarre. Il y reçoit une éducation classique dont peu d’artistes parmi ses contemporains purent bénéficier.

C’est ensuite très certainement auprès de Michel-Ange Slodtz (1705-1764), fervent admirateur des peintres italiens, qu’il découvre Rome et ses richesses. Il désire entreprendre le « voyage d’Italie », considéré comme l’indispensable école de tout artiste débutant. C’est chose faite en 1754 ; il est le seul artiste de la suite du comte de Stainville, ambassadeur de France à Rome, où il obtient le droit de suivre les cours de l’Académie de France alors installée au palais Mancini sur le Corso ; il en devient pensionnaire en 1759.

C’est pendant ces années romaines, de 1754 à 1765, que toutes les facettes de son art vont se forger, avec la découverte des grands maîtres italiens du paysage de ruines tels Pannini (1691-1765) et Piranèse (1720-1778), celle des grands sites antiques de Pompéi, Paestum ou Herculanum, redécouverts à cette époque, celle de la Rome antique et moderne des Césars et des papes aux architectures monumentales, places, églises et palais, celle enfin de la nature somptueusement disciplinée des villas de la campagne de Rome, Tivoli ou Ronciglione qu’il parcourt avec Natoire (1700-1777), Fragonard (1732-1806) ou l’abbé de Saint-Non (1727-1791). Il accumule alors croquis et esquisses qui, plus tard en France, « réinventés », feront de lui un des maîtres du « paysage de ruines à caractère sentimental et décoratif » et lui vaudront le surnom de « Robert des ruines ».

Représentations d’une nature cultivée dans lesquelles « veduta » associe exactitude topographique et pittoresque de la scène de genre où s’activent bergers et lavandières, et « capriccio » qui juxtapose nature et éléments d’architecture réels ou inventés, passé, présent et futur imaginé pour recomposer un paysage poétique et illusoire qui semble réel. Fascination aussi du XVIIIe siècle pour les ruines qui deviennent alors support de réflexion philosophique, morale ou politique, ainsi que l’exprime Diderot dans son Salon de 1767 à propos de La grande galerie éclairée par le fond exposée par l’artiste : « Les idées que les ruines éveillent en moi sont grandes, tout périt, tout passe. Il n’y a que le temps qui dure. Qu’il est vieux ce monde ! Je marche entre deux éternités ».

Rentré à Paris en 1765 après onze ans de séjour romain, il connaît immédiatement le succès. Il est reçu à l’Académie de peinture et de sculpture dès 1766 avec son Port de Rome dit aussi Port de Ripetta ; il expose désormais à tous les salons une dizaine d’oeuvres et mène une vie mondaine. Il côtoie le milieu intellectuel parisien et fréquente les salons tels ceux de madame Geoffrin ou des La Rochefoucauld.

C’est un des artistes les plus célèbres du temps et il peint pour tous les grands amateurs français mais aussi pour les princes russes et la famille impériale, refusant toujours de se rendre en Russie malgré les demandes de Catherine II.

Proche de la famille royale, Louis XVI lui confie en 1778 le réaménagement des Bains d’Apollon à Versailles ; en 1784, il le nomme dessinateur des jardins du roi, puis garde du Muséum afin d’étudier l’aménagement de la Grande Galerie du Louvre pour y présenter une partie des collections royales.

Il « dessinera » aussi de nombreux parcs de son temps et leurs fabriques : Méréville, Ermenonville, Lagrange…, participant ainsi au renouveau du sentiment de la nature qui se développe. Art des jardins où, dans un savant naturel de bosquets et de charmilles, cette « nature » se peuple alors de temples antiques, grottes, passerelles rustiques ou chaumières.

En 1793, compromis par la protection et la faveur dont il a joui sous l’Ancien Régime, il est arrêté et emprisonné à Saint-Lazare puis Sainte-Pélagie où il continue à peindre et à dessiner (53 peintures et de nombreux dessins), devenant ainsi l’un des plus précieux témoins des événements révolutionnaires et de la vie dans les prisons de la Terreur.

Sauvé par le 9 Thermidor, il est libéré en août 1794. Il trouve une nouvelle clientèle et, dès 1795, une position officielle, comme chargé de la section de peinture au sein du Conservatoire désigné par le Comité d’instruction publique pour mettre en place, au Louvre, le nouveau Muséum national. Il en est évincé en 1802 lorsque Bonaparte nomme une nouvelle équipe à la tête du Muséum et supprime les logements d’artistes au Louvre.

Il meurt brusquement le 15 avril 1808, peignant selon Fournier-Desormes un grand tableau pour le salon d’un ministre.

Hélène Moulin-Stanislas
conservateur du patrimoine
directrice du musée de Valence

Source: Commemorations Collection 2008

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