Page d'histoire : Elisabeth Jacquet de La Guerre Paris, baptisée le 17 mars 1665 - Paris, 27 juin 1729

Clavecin de Ioannes Couchet, Anvers, 1652.
© Musée de la Musique. Cité de la musique.
Paris / photo J. Marc Anglès

Elisabeth Jacquet de La Guerre est née dans une famille de musiciens, ce qui est une chance pour une fille à une époque où les lieux d’apprentissage de la musique pour les femmes sont inexistants. Son père Claude Jacquet est organiste à l’église de l’île Saint-Louis à Paris et reconnu comme excellent pédagogue. Il a quatre enfants qui tous deviendront musiciens : Pierre et Nicolas (organistes), Anne (instrumentiste chez Mlle de Guis où travaille aussi Marc Antoine Charpentier) et Élisabeth. Celle-ci fait ses débuts dès l’âge de cinq ans à la Cour en jouant du clavecin et en chantant devant Louis XIV qui la protègera toute sa vie et lui donnera les moyens de publier ses oeuvres, au nombre d’une quarantaine. Remarquée aussi par Mme de Montespan, elle reste trois ans à ses côtés pour la divertir.

Le 23 septembre 1684, Élisabeth épouse l’organiste Marin de La Guerre et dès lors associe son nom au sien (Jacquet de La Guerre). Elle doit quitter la Cour et s’installe à Paris où elle donne dans son appartement de l’île Saint-Louis des leçons et des concerts qui ne tardent pas à être réputés, notamment pour son talent dans l’improvisation. Si ses premières compositions sont des divertissements pour la Cour (perdus), sa première publication (Pièces de clavessin, 1687) est consacrée à son instrument de prédilection. L’un des grands événements de sa carrière est la création en 1694 de la tragédie en musique Céphale et Procris, sur un livret de Joseph-François Duché de Vancy, représentée à l’Académie royale de musique. Il s’agit en effet du tout premier opéra composé en France par une femme. Élisabeth Jacquet de La Guerre se distingue aussi par sa capacité d’innover, notamment dans le domaine de la cantate et de la sonate, genres venus d’Italie, ainsi que dans la musique de clavecin accompagnée. Ses deux livres de cantates édités en 1708 et 1711 ont la particularité d’être composés « sur des sujets tirez de l’Écriture » dus à la plume d’Antoine Houdar de La Motte.

Alors que tous ses ouvrages sont dédiés à Louis XIV, son troisième recueil de Cantates françoises (1715) est adressé à l’électeur de Bavière, Maximilien Emmanuel II. Ce recueil contient aussi le Raccommodement comique de Pierrot et de Nicole, duo qui prit place dans La Ceinture de Vénus, pièce d’Alain René Lesage jouée au théâtre de la foire Saint-Germain en 1715. La dernière oeuvre d’Élisabeth Jacquet de La Guerre est un Te Deum (perdu) donné en août 1721, dans la chapelle du Louvre, en action de grâces pour la guérison de Louis XV. Témoin de l’admiration et de l’estime dans laquelle la compositrice était tenue par ses contemporains, Évrard Titon Du Tillet lui consacre une longue notice dans son Parnasse françois (1727) et son portrait est reproduit en médaillon avec la devise : « Aux grands musiciens, j’ai disputé le prix. »

Catherine Cessac
directrice de recherche au CNRS
UMR7323, CNRS/université de Tours, CMBV

Source: Commemorations Collection 2015

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