Page d'histoire : Jacques Sarazin Noyon, 1592 - Paris, 3 décembre 1660

Sculpture en bronze de Jacques Sarazin représentant La Justice (assise avec une épée et une balance)
Cette statue fait partie de l’ensemble constituant le mausolée d’Henri Ier de Bourbon, prince de Condé, initialement installé en l’église Saint-Paul à Paris, puis transporté en 1897 dans la chapelle du château de Chantilly
© Musée Condé/André Pelle

Qui connaît encore Jacques Sarazin ? Longtemps considéré comme un sculpteur majeur du XVIIe siècle, il est retombé dans le relatif oubli, comme une large majorité des sculpteurs, éclipsés par l’aura des peintres. Pourtant Sarazin, qui fut sculpteur et peintre aussi, connut une renommée inégalée en son temps. Chef de file d’un art nouveau, fécondé par l’exemple italien, il avait introduit à Paris l’ampleur des volumes, la dynamique et la joie de vivre de l’art romain. Il y avait converti ses collaborateurs : les Flamands Philippe De Buyster et Gérard Van Opstal, ou encore le Français Gilles Guérin, qui tous allaient faire du château de Maisons (désormais Maisons-Laffitte) le laboratoire du grand décor. À ses côtés une génération de sculpteurs s’était formée : Gilles Guérin, Pierre Legros, Gaspard Marsy, les frères Anguier, Louis Lerambert, François Girardon, Thibaut Poissant, Étienne Le Hongre. Ils formèrent l’équipe des sculpteurs de Louis XIV, à Versailles en particulier.

Mais avant d’être le maître incontesté des années 1640-1660, Jacques Sarazin avait connu une longue formation. Originaire de Noyon, il avait passé dix-sept ans à Rome, sous la houlette du Dominiquin, apprenant l’art du stuc et de la peinture qu’il allait cultiver épisodiquement, mais avec succès. Dans l’orbite du peintre Simon Vouet, auquel il est lié par une alliance familiale, il commence sa carrière parisienne au grand retable que Vouet réalise pour l’église Saint-Nicolas des Champs. Ses grands anges qui dominent l’architecture, interpellant les fidèles, assurent son succès par leur dynamisme fulgurant. Dès lors, il multiplie les grandes commandes, pour des hôtels parisiens, des châteaux (Wideville, Maisons). Mais est aussi spécialiste des grands tombeaux, celui de Bérulle (Louvre) ou encore du prince de Condé, chef-d’œuvre du bronze français (château de Chantilly).

L’apogée de sa carrière provient de la protection royale. Auteur des modèles des robustes cariatides doubles du pavillon de l’Horloge, dans la cour carrée du Louvre, il exécute pour la reine mère, Anne d’Autriche, le monument du cœur de Louis XIII, dont les reliefs sont conservés au Louvre. Mais à côté de cet art officiel, il sait modeler de charmants visages enfantins, tel celui du jeune Louis XIV à l’aube de son règne. Spécialiste de l’enfance, il sait faire jouer des petits génies souriants, qui s’insinuent dans ses grands décors architecturaux et animent les reliefs les plus austères. Les Enfants à la chèvre du Louvre, bacchanale rieuse, ou les Enfants au sphinx, sa dernière œuvre, qui domine encore le parterre du parc de Versailles, forment les messages les plus virtuoses d’un art fécondé par l’exemple romain, mais nourri par une grâce incomparable, qui découle de son style personnel, naturel et vivant.

 

Geneviève Bresc-Bautier
conservateur général
directrice du département des Sculptures du musée du Louvre

Source: Commemorations Collection 2010

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