Page d'histoire : Vincenzo Bellini Catane, 3 novembre 1801 - Puteaux, 23 septembre 1835

Cliché, Bibliothèque nationale de France

La naissance de Vincenzo Bellini pourrait passer d'autant plus inaperçue qu'il est difficile de la dater avec une précision absolue. Cette date, et l'anniversaire qu'on va célébrer, nous oriente vers le Bellini de Sicile plus que vers celui de Paris, vers l'enfant pauvre de Catane plus que vers le compositeur des Puritains, adulé des spectateurs du Théâtre italien.

Le maître de Catane se distingue du maître de Bergame, Donizetti, par une finesse plus grande de la ligne vocale, par une unité de l'œuvre que ne viendront pas gâter des contrastes trop accusés. Enfin, il est incapable de cette veine comique qui a été parfois celle de Donizetti. Son domaine est la tragédie. Même La Somnambule n'est pas une œuvre légère. Dans ses opéras, l'accent est mis sur la femme, sur l'héroïne principale, et c'est à partir d'elle que tout se déploie, le drame et la musique. Norma rejoint alors Béatrice de Tende, le rôle d'Adalgise ne pâlit pas à côté de celui de la prêtresse. Ces deux rôles sont inséparables, comme dans un jeu de doubles, et leurs duos sont des sommets.

Venu de Catane à Naples pour y faire ses études musicales, Bellini aurait pu rester un artiste local. Sa carrière de compositeur, au contraire, fut éblouissante. Au théâtre San Carlo, Bianca et Fernando lui a valu, en 1826, un succès d'estime et cette sympathie qu'attire un jeune homme de 25 ans. Mais à la Scala de Milan, le 27 octobre 1827, Le Pirate, inspiré du roman noir, est un triomphe. Les fiascos ou demi-fiascos ont été rares dans son cas : Zaïre, en 1829 à Parme, Béatrice de Tende à Venise en 1833 n'obtiennent pas le succès que ces œuvres méritent. Plus étonnant, Norma est d'abord passablement accueillie à Milan en 1831. Mais La Somnambule, la même année, dans la même ville, est un succès éclatant. Il faut que Bellini sorte d'Italie, qu'il fasse son tour d'Europe. Voici le jeune maître à Londres, à Paris. Il bénéficie du prestige d'interprètes d'exception, Giuditta Pasta, Giulia Grisi, Maria Malibran.

Bellini est le maître du bel canto. Sans doute les procédés d'écriture, l'accompagnement orchestral paraissent sommaires. C'est que son génie est essentiellement mélodique et vocal. Élève de Crescentini, le grand castrat, et du maître Zingarelli, il connaissait admirablement les ressources de la voix, les effets, mais aussi les limites de l'ornementation, et son chant jaillit comme l'essence même d'une émotion suscitée par le drame. Ses dix opéras, étonnamment homogènes, paraissent se ressembler, mais la qualité des sujets et des livrets n'est pas toujours la même. Jusqu'à Béatrice de Tende qui les brouilla, la collaboration de Bellini et de son librettiste, Felice Romani, a été heureuse et Norma, tirée de la tragédie néo-classique d'Alexandre Soumet, - un attardé au temps de Stendhal et d'Hugo - pouvait devenir le plus beau peut-être des opéras romantiques. Les sommets sont atteints quand la mélodie bellinienne se déploie dans un temps quasi suspendu. Ainsi dans la cavatine de Norma, " Casta luna ", incantation à la Lune de sa prêtresse qui n'est pas restée chaste et qui possède pourtant une pureté d'une autre sorte, ou les airs de la folie d'Elvira dans Les Puritains. Maître du chant uni, du " spianato ", Bellini a été admiré aussi bien de Chopin que de Wagner. Nul doute que 2001 sera une occasion de nouvelle de le connaître mieux et de l'aimer davantage. Inutile pour cela de mettre Norma sur un trapèze et les Puritains dans une salle de sports. Bellini s'impose sans artifice, avec les vertus de l'évidence.

Pierre Brunel
professeur à la Sorbonne
membre de l'Institut universitaire de France

Source: Commemorations Collection 2001

Thèmes :

Musique

Lieux :

Italie

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