Page d'histoire : Fondation de la société Ramond 1865

La société Ramond est créée en 1865 à Bagnères-de-Bigorre, au coeur des Pyrénées. Son but affiché est « l’étude de la chaîne pyrénéenne, soit au point de vue scientifique, soit au point de vue des explorations proprement dites ». Huit ans après la création de l’Alpine-Club britannique (1857) et neuf ans avant celle du Club alpin français (1874) naissait ainsi la première société française vouée à l’exploration du monde montagnard. D’emblée, la société Ramond se donne pour mission la publication d’un bulletin, Explorations pyrénéennes, premier périodique français consacré à la connaissance des montagnes et à la conquête des cimes. Bientôt, un second grand objectif mobilisera la société : la création d’un observatoire météorologique et astronomique au sommet du pic du Midi de Bigorre (2 877 mètres), dont la construction s’achèvera en 1882. La postérité de la société Ramond est remarquable. Elle-même a subsisté jusqu’à nos jours, mais aussi son bulletin, qui continue de paraître et son observatoire, qui continue à fonctionner.

 

À l’origine de la société, un Bagnérais, Émilien Frossard, pasteur, dessinateur de paysages et passionné de géologie, entouré de trois Britanniques, Ch. Packe, H. Russell, F. Maxwell-Lyte. C’est ainsi, dans une culture du club née outre-Manche, que le projet prend sa source. D’emblée toutefois, la société rassemble autour de la passion pour l’exploration pyrénéenne une communauté plurielle : personnalités scientifiques étrangères et françaises, comme le géographe Élisée Reclus ou Adolphe Joanne, divers universitaires, mais aussi des érudits locaux. Club ouvert sur l’extérieur, la société Ramond n’en cultive pas moins, dès l’origine, l’ancrage local, voire le localisme. Plus que la montagne en général, ce sont les Pyrénées et l’exploration pyrénéenne, en leurs irréductibles spécificités, qui sont au coeur de son projet.

 

Ce dernier tient en un nom, celui du héros éponyme sous les auspices duquel la société se place, Ramond, qui fut, à partir de 1787, le premier grand explorateur des Pyrénées. À la fois écrivain hors-pair, chantre préromantique du sentiment de la montagne, le vainqueur du Mont-Perdu (1801) est un savant de haut vol, géologue, botaniste... La société qui prend son nom retient de lui à la fois le découvreur intrépide et l’observateur méthodique, c’est-à-dire l’intime association, qui s’illustre en son oeuvre, de deux attitudes face la montagne. C’est cette alliance de l’exploration et de l’observation que la société Ramond prétend reconduire. Le projet de l’observatoire du pic du Midi est d’essence « ramondienne », au sens où Ramond lui-même avait fait de ce sommet – trente-cinq fois gravi par lui entre 1787 et 1805 – son observatoire privilégié, mais aussi parce qu’il lui revient d’avoir le premier appelé les observateurs à se faire les témoins « des brumes et des ouragans de décembre », et à s’employer pour cela à construire des demeures habitables dans les hautes altitudes. L’aventure de l’observatoire relève d’abord de cette conquête de l’hiver. Ce sont des « explorateurs » (ni météorologues, ni astronomes) qui entrèrent d’abord en lice, tel le général de Nansouty, pratiquant au péril de sa vie l’« hivernage » dans le premier édifice construit sur les pentes du pic. Peu à peu, la preuve fut ainsi donnée qu’un observatoire au sommet du pic était viable. Et les explorateurs laissèrent alors la place aux véritables observateurs, dont le regard assisté d’instruments put partir à la conquête de tout autres espaces...

 

Serge Briffaud
professeur à l’ENSAP de Bordeaux
ADESS – UMR 5185 du CNRS

 

Source: Commemorations Collection 2015

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