Page d'histoire : Création de la Manufacture royale d'Alençon 1665

Bas d’aube, dentelle à l’aiguille, point de France, coton, 36 x 310 cm,
vers 1670 (Inv 985.4.27).
Ce bas d’aube est semblable à celui de l’aube portée par Bossuet
sur le portrait peint par Hyacinthe Rigaud et conservé au musée du Louvre.
© Musée des Beaux-Arts et de la Dentelle, Alençon.

Considérée comme « la reine des dentelles et la dentelle des reines », la dentelle d’Alençon est un objet d’émerveillement qui fait partie, depuis 2010, du patrimoine mondial reconnu par l’Unesco.

On doit la création du point d’Alençon à une femme d’exception, Mme La Perrière qui, dès les années 1650, introduit à Alençon le point de Venise, puis le perfectionne, avant de recevoir un privilège du roi en 1665. C’est elle également qui, devançant le taylorisme, instaure une organisation visant à diviser le travail en spécialisant les ouvrières dans l’exécution de tâches différentes. Cette initiative va fournir du travail à des milliers de personnes dans le bassin d’Alençon au cours du XVIIe siècle. Les dessins influencés, jusqu’à sa mort en 1690, par Charles Le Brun, Premier peintre du roi et directeur des Gobelins.

La concurrence des dentelles flamandes aux fuseaux et l’évolution de la mode masculine puis féminine dégradent la situation au XVIIIe siècle. Les dentellières d’Alençon, malgré leurs faibles salaires, subissent des crises économiques successives et la Révolution réduit encore le nombre des acheteurs. En février 1794, Saint-Just octroie une subvention à Alençon pour tenter de sauver le métier de dentellière à l’aiguille. Napoléon Ier va témoigner du même souci, dans le cadre de sa politique de soutien aux industries de luxe ; mais le XIXe siècle voit apparaître la concurrence des tulles mécaniques.

Le XXe siècle confirme le déclin des fabrications de dentelles à la main ; celles-ci ne devront leur survie après 1945 qu’à quelques passionnés. À Alençon, la chambre de commerce soutient l’école dentellière de la congrégation de la Providence où la soeur Marie du Sacré-Coeur s’applique à transmettre les secrets du point d’Alençon.

En 1976, la création de l’atelier national du point d’Alençon, rattaché au Mobilier national, témoigne de la volonté de l’État de prendre le relais et de perpétuer un savoir-faire menacé de disparition. L’atelier emploie huit personnes qui sont les derniers détenteurs de ce savoir-faire unique. La dentelle est entièrement réalisée à l’aiguille courant sur un parchemin de couleur verte avec le fil de lin et comporte dix phases de fabrication : le dessin, le piquage, la trace, le réseau, les remplis, les modes, la brode, le levage, l’éboutage, le luchage ou affiquage. L’ensemble de cette élaboration technique nécessite une moyenne de sept heures par centimètre carré.

Tout en perpétuant les techniques traditionnelles, l’atelier tisse également des créations dont les motifs sont fournis par des artistes contemporains : Jean-Jacques Morel, Paul-Armand Gette, Corinne Sentou, Christian Jaccard, Eric Gizard, Didier Trenet, Ghislaine Portalis, Anne Deguelle, Jean-Luc Parant…

 

Bernard Schotter
administrateur général du Mobilier national
des Manufactures des Gobelins, de Beauvais
et de la Savonnerie

Source: Commemorations Collection 2015

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