Page d'histoire : Marie Pape-Carpantier La Flèche (Sarthe), 10 septembre 1815 - Villiers-le-Bel (Val-d'Oise), 31 juillet 1878

Portrait de Marie Pape-Carpantier,
La Flèche (Sarthe), école maternelle
Pape-Carpantier.
© Ville de La Flèche

Elle était en son temps une pédagogue aussi célèbre que Pestalozzi ou Fröbel, mais on l’a oubliée, ou bien on se souvient vaguement de son nom que l’on peut voir encore au fronton de quelques écoles. En apparence, une bonne grand-mère racontant des histoires aux petits enfants et les publiant dans la « Bibliothèque rose ». Mais la réalité révèle bien autre chose : Marie Pape-Carpantier, liée au mouvement fouriériste, sans doute initiée à la franc-maçonnerie, est une pionnière qui a ouvert au peuple et aux femmes les portes de l’école.

D’abord surveillante d’une salle d’asile à La Flèche, puis au Mans, elle transforme ce qui n’était qu’une garderie pour les enfants pauvres en un établissement scolaire, l’école maternelle, où une grande place est faite à l’enseignement visuel. Sa méthode : la leçon de choses ; son principe, « Le secret des bons instituteurs : pour que les enfants vous aiment, aimezles ». Il s’agit de promouvoir une éducation moderne tenant compte des progrès de la société nouvelle, donnant une place aux disciplines d’éveil et à la gymnastique, et ceci s’applique aussi à l’enseignement primaire. Marie Pape-Carpantier a inventé une école fondée sur des principes démocratiques, dispensant à tous la meilleure instruction possible. Son premier ouvrage pédagogique – elle en publiera une vingtaine chez Hachette, ainsi que des livres pour la jeunesse – remporte un prix de l’Académie française et lui vaut d’être nommée en 1848 directrice de l’École normale maternelle fondée à Paris. Elle est sans doute la première femme placée officiellement à la tête d’un établissement d’enseignement.

Elle lutte aussi pour l’éducation des femmes, dénonce leur prétendue infériorité et l’ignorance où elles sont tenues qui constitue « un préjudice, non seulement pour elles mais pour la société ». N’écrit-elle pas dans son Manuel de l’institutrice : « La femme n’est pas un être d’une autre nature que l’homme, elle possède les mêmes facultés » ? En 1863, alors qu’il n’existe pas encore de loges féminines, elle publie Le Secret des grains de sable, ou la géométrie de la nature : une profession de foi maçonnique sous l’apparence d’un cours de dessin linéaire où elle démontre qu’hommes et femmes doivent travailler ensemble au progrès intellectuel et moral de l’humanité. En 1867, Victor Duruy, ministre de l’Instruction publique, lui demande de faire des conférences aux instituteurs venus à Paris visiter l’Exposition universelle : elle est ainsi la première femme à prendre la parole à la Sorbonne. Cette même année, Victor Duruy veut fonder l’enseignement secondaire des filles. Marie Pape-Carpantier est chargée d’étudier la question. Scandale, polémique orchestrée par monseigneur Dupanloup et chute du ministère : en 1874, Marie Pape-Carpantier, considérée comme une libre penseuse, est limogée. Elle meurt quatre ans plus tard, épuisée par des luttes incessantes.

Grâce à elle, des générations ont appris à lire en entassant des cubes, en triant des bûchettes ou en mimant la chanson des « Petits ouvriers », mais surtout enseignants et enseignantes ont reçu ce conseil : « Songez que vous avez à former des êtres moraux, que la moralité la plus solide est celle qui est éclairée par l’intelligence, et que la culture de l’intelligence se compose de tout ce qui agrandit les idées… »

Colette Cosnier
maître de conférences honoraire
université du Maine

Source: Commemorations Collection 2015

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