Page d'histoire : Stanislas Leczinski Lwow (ou Lvov (1), Pologne), 20 octobre 1677 - Lunéville (Meurthe-et-Moselle), 23 février 1766

Antoine Martin Chaumont de La Galaizière est créé chancelier
de Lorraine et Barrois par le roi Stanislas, au château de Meudon, 18 janvier 1737,
huile sur toile de François André Vincent, 1778,
dépôt de l’établissement public du musée et du domaine national de Versailles (MV 5757)
au Musée lorrain de Nancy (inv. D.62.3.1).
© Musée lorrain, Nancy / photo P. Mignot

« Je suis le roi des Polaques, j’ai perdu mon royaume deux fois, mais la Providence m’a donné un autre État dans lequel j’ai fait plus de bien que tous les rois des Sarmates ensemble n’en ont jamais pu faire sur les rives de la Vistule. » Ainsi Voltaire résuma-t-il dans le Candide la vie du premier monarque intermittent.

Avant de devenir le dernier duc d’un État de huit cent sept ans, Stanislas Leczinski (2), riche héritier d’une lignée prestigieuse, fut d’abord le héros d’une longue épopée. Né le 20 octobre 1677 à Lvov, il reçut une éducation sévère et studieuse. En 1698 l’accession au trône de Suède de Charles XII, auquel il lia son destin, allait pourtant l’entraîner dans une vie d’errances de presque quarante ans.

La guerre du Nord déclenchée contre la Suède par Pierre le Grand, allié d’Auguste le Fort, élu roi de Pologne en 1697, devait en effet successivement faire du futur duc de Lorraine un roi de Pologne élu et couronné, un monarque en déroute et ruiné, un roi captif des Turcs, un duc éphémère de la principauté de Deux-Ponts et, pour finir, un habitant de Wissembourg. Beau-père de Louis XV, il sera réélu roi de Pologne. Immédiatement mis en fuite, il rejoindra la France dans des circonstances rocambolesques. Servi une seconde fois par « la Providence », il se verra alors confier en viager le duché de Lorraine.

Pour Stanislas, la Providence c’est la France. C’est à Wissembourg, où son installation a été favorisée par le Régent, qu’il apprendra l’heureuse fortune de sa fille, Marie, choisie parmi quatre-vingt-dix-neuf princesses européennes pour assurer la continuité dynastique des Bourbons. Et c’est à Meudon, de retour de son second périple monarchique, qu’on l’informera du contenu des préliminaires de paix signés à Vienne le 3 avril 1735 : le duc François III de Lorraine, futur époux de Marie-Thérèse d’Autriche, succédera à Jean-Gaston de Médicis comme grand-duc de Toscane ; ses duchés de Lorraine et de Bar seront dévolus au roi de Pologne ; à la mort de Stanislas, les duchés reviendront à la couronne de France comme dot de Marie Leczinska. Même si Stanislas accepta de signer une déclaration secrète qui n’est autre qu’un plan d’intégration de ses États, vingt-neuf ans s’écouleront avant que Louis XV ne puisse pleinement jouir de sa dot. C’est beaucoup plus qu’il n’en fallait au nouveau duc, en dépit de ses soixante ans, pour se faire aimer de ses sujets et gagner le titre de « bienfaisant ».

Car, malgré cet engagement, il ne resta pas qu’« un simple figurant sur le théâtre de Lunéville ». S’il sut faire du château du duc Léopold, dans une ambiance galante, un « petit Versailles lorrain », visité par les plus brillants esprits du Siècle des lumières, Stanislas s’employa aussi à mettre en oeuvre des idées politico-religieuses dépassant la simple utopie.

Considérant la charité comme une des vertus premières, il multiplia les réformes et les fondations en faveur des déshérités. L’enseignement bénéficia à tous les niveaux d’une constante préoccupation de sa part. Avant Frédéric II et Catherine II de Russie, il inscrivit la Lorraine dans le mouvement des Lumières qu’il alimenta de ses écrits. Il créa la Société royale des sciences et belles-lettres dont Montesquieu et Fontenelle seront membres. Son activité se poursuit aujourd’hui sous le nom d’Académie Stanislas.

Il fut enfin un roi bâtisseur. Les travaux d’embellissement des châteaux de Lunéville, Commercy et La Malgrange, et la réédification de l’église Notre-Dame-de-Bonsecours, où il repose, n’en sont que des exemples. Il dotera enfi n Nancy d’un ensemble monumental majeur autour d’une statue de Louis XV. Sous le nom de place Stanislas, elle reste une incomparable réussite architecturale qui fait aujourd’hui la fierté de tous les Lorrains. Ainsi s’accomplit défi nitivement le grand rêve de Stanislas : « Le vrai bonheur consiste à faire des heureux. »

Georges Poull
directeur régional des affaires culturelles (h)

(1) Aujourd'hui Lviv en Ukraine

(2) Ou Leszczynski (forme polonaise)

Célébrations nationales 2002 et 2005

Source: Commemorations Collection 2016

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