Page d'histoire : Jean Rotrou Dreux (Eure-et-Loir), 1609 - Dreux, 27 juin 1650

Jean Jacques Caffieri (1725-1792)
Buste de Rotrou (1783)
Paris, Comédie-Française

La vie de Rotrou est aussi peu conforme que possible à la réputation qui lui a été faite. En l'opposant à Corneille, on a vu en lui un bohème impénitent et l'on a écrit que sa langue était considérablement plus archaïque que celle de celui-ci, mais il ne faut pas oublier que nous ne lisons plus Corneille dans le texte original ; sans doute le contraste demeure entre la violence quelque peu mélodramatique des pièces de Rotrou et son esprit baroque et le très sage Rouennais ; encore ne faut-il pas négliger le fait que Corneille, passé l'époque de ses chefs-d'œuvre, a écrit quelques tragédies passablement échevelées ni que, par contre, Rotrou avec l'âge et sous l'influence de Corneille s'est quelque peu assagi.

Il n'en reste pas moins que, malgré sa date de naissance, Rotrou apparaît comme un prédécesseur de l'auteur du Cid et qu'il semble servir de médiateur entre le vieil Hardy et le grand Corneille. Rotrou n'a pas vingt ans lorsqu'il donne au théâtre sa première pièce, l'Hypocondriaque, tragi-comédie représentée à l'Hôtel de Bourgogne en 1628 et dont s'inspirera Goethe pour son opérette Lila.

Avocat, il ne semble pas que Rotrou ait plaidé ; il recherchait des protecteurs à la cour et vivait du produit de ses pièces. Vers 1632, il était probablement fournisseur attitré de l'hôtel de Bourgogne, et sa fécondité était extrême. D'une production certainement beaucoup plus importante, nous conservons le texte de trente-cinq pièces dont vingt-deux furent imprimées. Protégé par Richelieu, Rotrou fit partie de la société des cinq auteurs qui travaillaient sous la direction du cardinal et collabora à la Comédie des Thuileries, jouée en 1635. Rotrou se distingua de ses confrères en ne participant pas à la trop fameuse querelle du Cid et en ne cachant pas son admiration pour l'auteur. En 1639, il revient dans sa ville natale comme lieutenant particulier au bailliage et s'y marie.

Il n'en continue pas moins à composer pour le théâtre mais à un rythme ralenti : il publie alors ses chefs-d'œuvre, Le Véritable Saint-Genest (1646), Venceslas (1647) et Cosroès (1649). Rotrou restait fidèle aux extravagances littéraires de sa jeunesse, mais son évolution vers le classicisme se marque dans ses dernières grandes pièces et surtout dans la toute dernière, Cosroès.

Fonctionnaire consciencieux, et même héroïque, il refuse de quitter son poste lors d'une épidémie de fièvre pourprée qui ravage la ville de Dreux ; il meurt dans sa charge, atteint à son tour par la maladie.

Jacques Brosse
écrivain et essayiste

Source: Commemorations Collection 2000

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