Page d'histoire : Guillaume Postel La Dolerie (Manche), 25 mars 1510 - Paris, 6 septembre 1581

Timbre gravé par Marie-Noëlle Goffin
© La Poste, 1982

Né en Normandie, d’une famille d’humbles cultivateurs, Postel vient à Paris très jeune, après la mort de ses parents. Il y apprend, principalement en autodidacte, les langues anciennes, l’hébreu et les arts libéraux.

De février 1535 à juin 1537, il est envoyé par François Ier à Istamboul dans une capacité diplomatique mineure, avant d’être appointé « lecteur royal » au futur Collège de France en 1539. Mais une crise mystique, survenue durant l’hiver 1543-44, lui fait quitter le service du roi et Paris pour Rome, où il tente – sans succès – de se joindre aux premiers Jésuites. Ordonné prêtre, il séjourne ensuite longuement à Venise (octobre 1546 - printemps 1549), avant de s’embarquer pour Jérusalem. Revenu en 1551, il réside de nouveau à Paris avant d’entamer, en 1553, une série de nouveaux déplacements à travers la France et une partie de l’Europe. De retour à Paris en 1562, il y demeure jusqu’à sa mort, survenue au monastère de Saint Martin-des-Champs où il résidait sous un régime de liberté surveillée.

Grand voyageur, en rapport avec l’élite humaniste de son temps, Postel a mené une existence pérégrine assez typique d’un érudit de la Renaissance. Quoique son œuvre scientifique soit importante, Postel est surtout connu (et étudié) pour le versant religieux de son activité. En effet, il manifeste un tempérament mystique affirmé. Longtemps sujet à des crises d’exaltation récurrentes, Postel se croit même, sa vie durant, appelé à des fonctions de réformateur religieux, sur le modèle du « pape angélique » annoncé par Joachim de Fiore.

Or, il retrouva ce thème – et d’autres encore, très répandus à l’époque – chez une visionnaire illettrée dont la rencontre, à Venise, au cours de son séjour de 1546-9, le marqua définitivement. Cette femme, qu’il appela par la suite sa « Mère Jeanne », le conforta par ses révélations dans ses propres aspirations messianiques, au point qu’il finit par se convaincre qu’elle était en réalité le Christ revenu sous forme féminine !

De telles exagérations, si elles témoignent d’une trop évidente exaltation, ne doivent pas cependant nous abuser sur la personnalité de Postel, qui n’est ni un simple mystificateur, ni un aliéné, mais un mystique engagé – jusqu’au travers de ses illusions – dans la perspective vécue de l’Imitatio Christi.

Une bonne partie de l’œuvre de Postel est demeurée inédite jusqu’à nos jours, ou n’a fait l’objet de publications critiques que récemment, sous l’impulsion de l’incomparable connaisseur qu’en fut notre prédécesseur François Secret (1911-2003).

Jean-Pierre Brach
directeur d’études à l’École pratique des hautes études

Source: Commemorations Collection 2010

Liens