Page d'histoire : Matteo Ricci Macerata (Italie), 6 octobre 1552 - Pékin, 11 mai 1610

Lettré de la Renaissance italienne et élève du mathématicien Clavius, Matteo Ricci fut le premier Européen à assimiler la culture chinoise et le précurseur de l’échange des savoirs entre la Chine et l’Europe. Son Journal et sa correspondance firent découvrir à la France des Lumières, et au reste de l’Europe, aussi bien la géographie de l’Empire chinois que ses institutions et traditions culturelles.

Ce jésuite missionnaire à l’aube des Lumières a aussi donné sa forme la plus achevée, dans le cas chinois, à l’acculturation de la pratique chrétienne aux civilisations non occidentales que préconisait son supérieur, Alessandro Valignano. Ce faisant, il exposait la Compagnie de Jésus aux attaques des congrégations rivales ; mais aussi il semait les germes de la sinologie moderne, qui fut remarquablement cultivée, après lui et à son exemple, par une pléiade de jésuites, surtout français, ainsi que vient d’en témoigner encore le monumental Grand Dictionnaire Ricci de la langue chinoise en sept volumes (français-chinois), publié en 2001.

Arrivé à Macao en 1582, Ricci y retrouve son condisciple de noviciat, Michele Ruggieri, qui l’y avait précédé de peu. Dès 1584, tous deux vont installer leur communauté à Zhaoqing, chef-lieu de la préfecture du Guangdong. Ils se sont mis à l’étude du chinois et compilent ensemble un vocabulaire de cette langue, le premier du genre.

Mais un nouveau gouverneur chinois les oblige à partir en 1589. Alors que Ruggeri est rappelé à Rome, Ricci va s’installer dans la province voisine, à Zhaozhou. Par la suite, entre plusieurs allers et retours, il demeure deux ans à Nankin, avant de s’établir à Pékin en 1600. Honoré comme l’un d’entre eux par les lettrés chinois, dont il a d’ailleurs adopté le costume traditionnel en 1595, il introduit chez ceux-ci les mathématiques euclidiennes, l’astronomie copernicienne (qu’il a lui-même illustrée en prédisant sur place l’éclipse du 22 septembre 1596), la géographie et la musique occidentales. Les conversions qu’il obtient sont celles de grands intellectuels et de hauts fonctionnaires : les mathématiciens Xu Guangqi et Li Zhizao, le censeur Yang Tingyun... À Nankin, le célèbre philosophe contestataire Li Zhi le rencontre à trois reprises. En 1601, il est reçu en audience par l’empereur Shenzong, dont il espérait faire le « Constantin chinois ».

À sa mort, en 1610, un terrain est alloué par décision impériale près de la porte Fucheng (plus tard Pingzemen), à l’édification d’un tombeau digne de lui. D’autres tombes de membres de la mission décédés plus tard à Pékin y entoureront la sienne. Ce cimetière, détruit par les « Boxers » en 1900, restauré en 1907 en application du protocole de paix de 1901, rasé pendant la Révolution culturelle, puis de nouveau restauré, se trouve aujourd’hui dans l’enceinte d’une école municipale du Parti installée sur le site en 1956.

Léon Vandermeersch
directeur d’études à l’École pratique des hautes études

Source: Commemorations Collection 2010

Liens