Page d'histoire : Jean-Dominique Cassini Perinaldo (Italie), 8 juin 1625 - Paris, 14 septembre 1712

Portrait de Jean-Dominique Cassini (dit Cassini I)
Portrait peint d’après une gravure ancienne par Léopold Durangel, 1879
© J-M Kollar / Bibliothèque de l’Observatoire de Paris

Qui peut ignorer le nom de la sonde spatiale Cassini de la NASA, propulsée par une fusée Titan depuis Cap Canaveral en 1997 et parvenue en 2004 dans le voisinage de Saturne ? Mais combien savent qui est l’astronome de ce nom ? Et qu’en est-il de Huygens, pourtant découvreur (1655-1656) du plus gros satellite de Saturne, plus tard appelé Titan, et de son anneau ? Huygens et Cassini ont vécu en France, le premier pendant une quinzaine d’années, le second en y faisant souche. Dans le cadre d’une coopération avec la NASA, l’ESA (Agence Spatiale Européenne) ajouta le module Huygens, qui descendit le 14 janvier 2005, dans l’atmosphère de Titan.

Qui est donc Cassini, dont l’année 2012 marque le tricentenaire de la mort à l’Observatoire de Paris le 14 septembre 1712 et dont la dalle mortuaire se trouve dans l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas, dans le Ve arrondissement de Paris ?

Gian-Domenico Cassini est né à Perinaldo, gros bourg situé au nord de Vintimille, où son souvenir est toujours vivant. « Je suis né le 8 juin de l’année 1625, et non 1623… » précise-t-il dans un récit qu’il a rédigé, publié par un de ses descendants en 1810. Cassini commence à se faire connaître par la grande méridienne qu’il installe (1655) dans San Petronio de Bologna ; il note la hauteur du soleil au midi vrai local, son image au sol franchissant la méridienne convenablement graduée. Il en déduit l’angle de deux plans spécifiques du système solaire : celui de l’équateur terrestre perpendiculaire à l’axe nord-sud autour duquel s’effectue la rotation journalière de la terre, celui de l’écliptique dans lequel elle se déplace au cours de sa révolution annuelle autour du soleil.

Cassini observe intensément Jupiter et les satellites découverts par Galilée en 1609-1610 ; il remarque sa grande tache rouge, dont les sondes spatiales ont montré de nombreuses images, en observe les retours et en déduit la période de rotation de la planète. Les taches qu’il remarque à la surface de Mars lui fournissent une excellente valeur de la durée de sa rotation. Pour les satellites de Jupiter, il déduit de ses observations les éléments permettant une bonne prédiction de leurs éclipses dont Galilée a remarqué, comme dans le cas des éclipses de lune, qu’il y a là un moyen de déterminer des différences de longitude.

Ce problème demeure non encore résolu, à une précision suffisante, pour la cartographie et, plus encore, pour la navigation transocéanique. Plusieurs pays européens ont créé des prix importants pour ceux qui lui apporteraient une solution. En France, Morin soumet l’emploi des distances lunaires ; sensiblement au même moment, Cassini adresse, en septembre 1668 à Auzout, lequel vient (1666) d’être nommé à l’Académie royale des sciences tout juste créée, ses prédictions d’éclipses des satellites de Jupiter. Les membres de l’Académie, notamment Picard, Huygens, mènent des observations montrant la qualité de ces données ; ils suggèrent à Louis XIV, par l’intermédiaire de Colbert, d’inviter ce brillant collègue. Huygens a introduit (1656) le pendule de Galilée pour régulariser le mouvement des horloges. Régulateurs fabriqués par l’horloger Thuret et prédictions de Cassini vont donner à la France des moyens de détermination des longitudes pour la cartographie ; les horloges à pendule des observatoires, remises à l’heure par le soleil ou les étoiles, conservent l’heure sur un mois à la seconde près.

Louis XIV invite Cassini pour quatre ans, ayant décidé en 1667 de créer un observatoire au sud de Paris, loin du centre de la capitale ; il arrive à Paris en mars 1669. Aussitôt nommé à l’Académie, il participe aux réunions et mène des observations depuis son habitation. La construction de l’Observatoire est déjà bien avancée et, en 1671, il s’y installe au premier étage ; il observe Saturne dont l’anneau est vu par la tranche et découvre aussitôt ce qui en est le deuxième satellite.

Cassini s’était muni de lentilles objectives de grande longueur focale, provenant d’opticiens de Rome ; elles ne peuvent être fixées à des tuyaux, portant un oculaire en leur autre extrémité, lorsque cette longueur dépasse quelques mètres. L’Observatoire en conserve de cette époque allant de quelques mètres à 48,50 mètres. Le gros œuvre étant achevé en 1672, Cassini place ses objectifs au plus haut de l’Observatoire, sur la balustrade ou dans des fentes pratiquées dans la tour est du bâtiment. Un peu plus tard, il les fixe à différentes hauteurs disposant d’une tour en bois dans le jardin. Cassini découvre un troisième satellite à Saturne ; il a décrit son procédé pour observer, depuis le sol et oculaire en main, la lune, les planètes, les satellites.

À la fin du XIXe siècle, Wolf, astronome de l’Observatoire de Paris, montrera que Cassini devait disposer d’un grossissement pouvant atteindre six cents.

En 1673, à l’issue des quatre années prévues, Cassini choisit de demeurer en France et reçoit ses lettres de naturalité. Il épouse une Française, Geneviève de Laistre par laquelle se succéderont, jusqu’en 1793 à l’Observatoire de Paris, quatre générations d’astronomes. L’anneau devenant très ouvert, Cassini observe la zone sombre déjà soupçonnée par Hooke en 1666 ; il la décrit et en publie la représentation en 1675, si bien qu’elle porte le nom de Division de Cassini. Nouvelle présentation par la tranche de cet anneau et, en 1684, Cassini perçoit deux autres satellites de Saturne.

À l’époque sont connus cinq planètes et cinq satellites ; sa découverte de quatre satellites supplémentaires (dénommés en 1847 Japet, Rhéa, Téthys, Dioné) permet à Cassini d’adresser au roi de France une lettre associant le nom de Louis au quatorze de cet ensemble.

Cassini a d’autres travaux à son actif, comme une superbe carte de la lune publiée en premier lieu en 1679, agrémentée d’un profil féminin, qui fera beaucoup parler et écrire au cours du temps, et que Fontenelle mentionne dès 1687, dans ses Entretiens sur la pluralité des mondes. Dans ses registres d’observations, Cassini consigne tout ce qu’il observe et, en outre, fournit des éléments d’information sur des événements relevant de la vie courante, précieux pour les historiens, tels la soutenance de la thèse de son fils, la mention des jésuites venus se former en vue de leurs voyages en Asie, de visites royales comme celles de Louis XIV ou de Jacques II d’Angleterre. En 1683 Cassini reprendra l’œuvre entreprise par Picard, interrompue par sa mort en 1682, dans la perspective d’une carte nouvelle du royaume de France demandée par Colbert et par Louis XIV.

Avec l’ensemble de ses découvertes dans le système de Saturne, son nom s’est imposé pour la mission spatiale, prolongée jusqu’en 2017, et qui poursuit l’examen de ses constituants. De nombreux autres satellites de cette planète ont été découverts ; la Division de Cassini a montré qu’elle n’était pas « vide », comme déjà des observations effectuées à l’observatoire du Pic-du-Midi avaient pu le faire soupçonner. Plus récemment, grâce à « Cassini » sonde spatiale, une myriade de micro-satellites a été mise en évidence au-delà de la zone des anneaux.

Suzanne Débarbat
astronome honoraire de l’Observatoire de Paris

Source: Commemorations Collection 2012

Liens