Page d'histoire : Jean-Marc Nattier Paris, 17 mars 1685 - Paris, 7 novembre 1766

Portrait de la marquise de Dreux-Brézé,
huile sur toile de Jean-Marc Nattier, 1749, Douai, musée de la Chartreuse.
© Douai, musée de la Chartreuse / photo Hugo Maertens

Le 7 novembre 1766, Jean-Marc Nattier s’éteint chez sa fille Madeleine Sophie et son gendre Charles Michel-Ange Challe, rue du Sentier, paroisse Saint-Eustache à Paris. Frappé d’une crise d’hydropisie en juillet 1762, le célèbre portraitiste n’avait dès lors jamais recouvré la santé. En bon père de famille, il fut attentif à mettre en ordre toutes ses affaires. Le 14 août 1762, il rédigeait son testament. Le 27 juin de l’année suivante, l’ensemble de ses dessins, tableaux, estampes, bronzes, porcelaines et livres réunis dans son logement situé au-dessus de la principale porte de l’enclos du Temple, était dispersé à l’encan. En août, il exposait encore trois tableaux au Salon, comme si, cherchant à conjurer la maladie, l’artiste entendait démontrer que la peinture demeurait avec sa famille sa raison de vivre. Le 7 février 1767, Charles Nicolas Cochin prononçait un éloge public devant l’Académie assemblée. D’une inaltérable bonté et d’un attachement tendre pour ses enfants et pour ses amis, l’homme s’était distingué par sa candeur, la pureté et la simplicité de ses moeurs, son exacte probité, son ardeur et son désintéressement pour servir ceux qui lui étaient chers, et par sa douceur et l’égalité de son humeur au sein de son foyer. Parfait honnête homme, bon père et bon ami, ces titres peu brillants et trop vulgairement accordés, Nattier les avait totalement mérités. On devait aussi lui reconnaître la grande impartialité avec laquelle il avait toujours rendu justice au mérite de ses confrères, ainsi que son ardeur et son zèle pour l’avancement des jeunes artistes. Jamais il n’avait terni ses vertus par une basse jalousie. Le choix de Louis Tocqué pour gendre en offrait la preuve la plus évidente. Bien loin de porter envie aux succès des portraitistes célèbres, non content d’une froide admiration pour leurs ouvrages, le maître s’échauffait en leur faveur et manifestait rapidement la plus sincère affection. De tous les succès personnels de Nattier, Cochin n’avait pas non plus fait silence. Élève de l’Académie doué pour le dessin, le jeune artiste décrochait ses premiers lauriers en portraiturant en 1717 le tsar Pierre Ier de Russie et son épouse Catherine. Le 29 octobre 1718, il était reçu à l’Académie avec un tableau d’histoire. Bien qu’il eût manifesté beaucoup de talent dans ce genre, ce fut finalement à l’art du portrait qu’il se dédia entièrement. Les modèles les plus célèbres se disputèrent alors son pinceau, Maurice de Saxe en 1720, Mlle de Clermont en 1729, le duc de Richelieu en 1732, la marquise Crozat du Châtel et sa fille en 1733, le chevalier d’Orléans, Mlles de Rohan et de Canisy et Mme Geoffrin en 1738, la marquise de Flavacourt et sa soeur la marquise de La Tournelle (la duchesse de Châteauroux), ainsi qu’Élisabeth de La Rochefoucauld, duchesse d’Enville, en 1740. Toutes ces oeuvres séduisaient autant par le mérite d’une ressemblance qui savait mentir sans trop s’éloigner de la nature que par les grâces d’une composition ingénieuse où le travestissement rappelait souvent les héros de la peinture d’histoire. Aussi celui que le poète Jean-Baptiste Gresset désignait dès 1737 comme « l’élève des Grâces et le peintre de la beauté », obtint-il dès 1742 la clientèle la plus convoitée, celle de la famille royale. Cette année-là, Madame Henriette, fille de Louis XV et Marie Leczinska, paraissait en Flore. Le succès immédiat de l’oeuvre annonçait vingt années de commandes. Devenu le portraitiste attitré de la famille royale, Nattier n’aurait plus de répit, continuellement invité à fixer les traits des filles de France, mais aussi ceux d’une clientèle française et étrangère toujours plus nombreuse. Représentant le plus brillant du portrait courtisan du règne de Louis XV, le maître demeure encore l’un des plus recherchés.

Xavier Salmon
conservateur général du patrimoine
directeur du département des Arts graphiques du musée du Louvre

Source: Commemorations Collection 2016

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