Page d'histoire : Etablissement de la Banque de France 28 nivôse an VIII (18 janvier 1800)

Gravure aquarellée représentant la façade et
le portail de l'Hôtel de Toulouse [rue de la Vrillière]
(début du XIXe s.) Coll. de la Banque de France
© Banque de France - Patrimoine historique et artistique

"Considérant que par le résultat inévitable de la Révolution Française et d'une guerre longue et dispendieuse, la Nation a éprouvé le déplacement et la dispersion des fonds qui alimentaient son commerce, l'altération du crédit public et le ralentissement de la circulation de ses richesses, il sera établi une Banque publique sous la dénomination de Banque de France".

Ces quelques lignes extraites des statuts primitifs de la Banque de France, le 28 nivôse an VIII (18 janvier 1800), consacrent tout à la fois la naissance de l'Institut d'émission et la définition de ses principales missions.

Groupés autour du Premier consul Bonaparte, quelques dirigeants de la haute banque, comme Perrégaux, Périer, Mallet, Récamier, jettent les fondations d'une institution dont nous fêtons le bicentenaire.

Bonaparte, qui a personnellement souscrit à la constitution du capital, désire faire de la Banque de France un établissement utile mais aussi prestigieux. En 1808, la Banque acquiert l'hôtel de Toulouse, rue de La Vrillière ; son siège central y est toujours installé.

Prudence, sagesse et confiance président aux décisions des premiers dirigeants, dont le rôle est avant tout d'offrir au commerce un taux d'escompte attractif et stable.

Une des premières tâches de la jeune Banque de France est d'instaurer la confiance du public dans le papier monnaie. Après les désastres de l'expérience de la banque de Law, les assignats et les mandats territoriaux, la Banque doit créer des billets ayant une valeur sûre. Dotée en 1803 du privilège d'émettre uniquement des billets pour Paris, la Banque obtient l'unicité d'émission en 1848 pour l'ensemble du territoire. Le billet et sa fabrication sont toujours au centre des préoccupations de l'Institut d'émission. La Banque installe sa propre imprimerie dans l'hôtel de Toulouse, puis elle se dote au début du XXe siècle d'établissements industriels capables de confectionner entièrement les billets. Exemplaire dans les techniques de fabrication et de sécurité, le billet de la Banque de France servit, au cours de son histoire, de référence pour de nombreuses banques centrales étrangères.

Mais l'octroi du privilège d'émission à la Banque de France se devait alors d’avoir pour l'État, des contreparties. Les relations entre la Banque et le gouvernement sont, jusqu'à l'indépendance de 1993, marquées tout à la fois par des moments de soumission et la recherche d'autonomie. La modification des statuts le 22 avril 1806 et la création de la fonction de gouverneur placent la Banque sous la coupe du pouvoir politique. Le désir d'autonomie incarné par Jacques Laffitte, gouverneur de 1814 à 1820, tourne court. La Banque offre ses services au Trésor, lui concède des avances, des escomptes extraordinaires, gère son compte, distribue les pièces de monnaie pour le compte de l'État, participe aux efforts de guerre..., bref se place, bon gré mal gré, sous la tutelle du ministère des finances. Toutes ces relations complexes et parfois tumultueuses s'éteignent lors du changement de statut en 1936. C'est le début de la nationalisation de la Banque, dont le Conseil général est nommé par l'État sans que l'actionnariat privé soit supprimé. 1945 parachève la nationalisation ; l'État est désormais le seul et unique actionnaire.

La célébration du bicentenaire de la Banque de France s'appuie sur la tradition tout en s'inscrivant pleinement dans l'excellence et la modernité. Banque centrale dotée d'un important réseau de succursales, elle est l'interlocutrice privilégiée des acteurs de l'économie nationale. Indépendante depuis 1993 - ce qui est, sans doute, l’événement le plus important depuis sa création -, la Banque conserve lors de l'entrée dans le Système européen des banques centrales, le 1er janvier 1999, l'ensemble de ses métiers.

D'Emmanuel Crétet, premier gouverneur nommé par Bonaparte à la Banque de France indépendante, membre du Système européen des banques centrales, l'anniversaire des deux cents ans de "la vieille dame de la rue de La Vrillière" consacre la jeunesse d'une institution armée pour les défis européens.

Jean-Claude Trichet
Gouverneur de la Banque de France

Source: Commemorations Collection 2000

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