Page d'histoire : Histoire de Saint Louis de Joinville Octobre 1309

En octobre 1309, Jean de Joinville, sénéchal de Champagne, né en 1225, présenta à Louis X le Hutin, fils aîné du roi de France, son manuscrit. Il l’avait composé et dicté à la suite de la commande faite en 1300 par la reine de France, Jeanne, épouse en 1284 de l’héritier du trône de France Philippe le Bel qui devint roi de France en 1285. La mort de la reine Jeanne cette même année entraîna la dédicace du manuscrit à son fils. Ce livre est l’un des principaux monuments de notre patrimoine. Dans cette première biographie d’un roi en français, le style souvent alerte, vif, croque avec bonheur et humour les réparties quand il décrit, dans les trois quarts de son travail, la première croisade de saint Louis de 1248 à 1254, notamment la vie dans l’entourage du roi et de son épouse, Marguerite de Provence, pendant la phase palestino-syrienne de 1250 à 1254. Il insiste sur son rôle d’animateur qui rendait moins pénibles les journées de la reine et des dames de la cour lors des attentes anxieuses des résultats des combats. Dans sa description de la phase égyptienne du début de la croisade, il célèbre les hauts faits du roi, de ses chevaliers. Il est le seul auteur à souligner longuement le courage de la reine, notamment quand le roi, prisonnier en Égypte, lui confie la responsabilité de la suite de l’expédition, au printemps 1250. Marguerite de Provence est la seule femme à avoir connu cet honneur et cette charge pendant les deux siècles des croisades.

Dans les chapitres placés au début et à la fin de l’ouvrage, Joinville décrit son rôle d’écuyer, puis de chevalier du comte Thibaut de Champagne et narre les dernières révoltes nobiliaires du règne de saint Louis. Toutefois, partisan attardé du modèle féodal, il refuse encore au roi en 1248 de devenir son chevalier. En 1254, il se rend compte que le modèle royal l’a emporté ; il accepte alors d’être chevalier du roi qui lui paye ses frais de croisé. Il rappelle l’autorité de saint Louis qui exigeait de ses vassaux la fidélité totale, et l’exécution de ses réformes sur la justice ou la paix, ordonnant même à ses agents de refuser l’obéissance à un évêque utilisant son pouvoir spirituel à des buts temporels. Il resta l’ami du roi même s’il vécut sur ses terres après 1254.

Décédé en 1317, à l’âge de 92 ans, Joinville survécut 47 ans à Louis IX. Il assista à sa canonisation en 1297 après avoir participé à l’enquête préalable de 1282. Laïc, il s’exprima avec une grande liberté : ses prédécesseurs, liés par le secret de la confession, ne pouvaient que célébrer les qualités du roi. Grâce à lui, nous savons que saint Louis n’était pas un naïf, incapable de comprendre l’économie de son temps, qu’il aimait les beaux chevaux, les beaux habits, les grandes réceptions avant sa marche vers la sainteté, qu’il n’avait pas été programmé dès son enfance pour être un saint et que, chef d’État, il n’avait pas éteint le message évangélique.

 

Gérard Sivéry
professeur émérite, université de Lille III

Source: Commemorations Collection 2009

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