Page d'histoire : Présentation de son chronophone par Léon Gaumont 27 décembre 1910

Très tôt fasciné par l’idée d’associer le son et l’image, Léon Gaumont charge dès 1900 ses ingénieurs de travailler à leur synchronisation. En 1902, il dépose des brevets aboutissant au chronophone – reliant un projecteur de cinéma et un phonographe (puis un gramophone) afin, entre autres, de diffuser des chansons de façon synchronisée.

Ce n’est toutefois qu’à partir de 1906 que, grâce à un procédé d’amplification du son par air comprimé, le procédé permet réellement de projeter en public des chansons (ou des monologues), même si jusqu’en 1910 le chronophone ne fonctionne qu’en play-back, le chanteur enregistrant d’abord le disque, puis mimant la chanson ; la scène filmée est appelée « phonoscène » (et « filmparlant » dans le cas des monologues). Toutes les vedettes de la chanson d’avant 1914 (Mayol, Polin, Dranem, Paulus, …) en ont enregistré. On en recense actuellement près de 800.

Enfin, en 1910, l’équipe de la cité Elgé (les studios de L. Gaumont) met au point un procédé d’enregistrement en direct simultané de l’image et du son. La présentation devant l’Académie des Sciences eut lieu le 27 décembre 1910, séance au cours de laquelle, pour la première fois en France, on entendit et vit un coq enregistré en son direct, prouvant ainsi que le procédé était au point tout en faisant un clin d’œil au concurrent de Gaumont, la firme Pathé, dont le symbole était précisément un fier gallinacé dressé sur ses ergots. Impossible en effet de demander à l’animal de se postsynchroniser ! Ce coq chantant, on peut l’entendre encore aujourd’hui, l’utilisation d’un microphone électrique ayant permis un enregistrement de qualité1. Lors de cette présentation, une explication scientifique de l’appareil Gaumont fut prononcée par le professeur d’Arsonval sous forme de « portrait parlant » projeté par un chronophone. À partir de 1910, le chronophone perfectionné avec air comprimé (chronomégaphone) est présent au Gaumont Palace et dans les grandes salles françaises.

Au total le chronophone, dans ses différentes versions, a fait avancer la technologie du cinéma parlant en train de se créer, la présentation de décembre 1910 constituant une étape décisive vers le film en son direct. Ce procédé a aussi été une réussite commerciale, massivement diffusé en salles, même si ce n’était que pour des chansons filmées de quelque 3 minutes, et des monologues, ou dialogues comiques.

 

Martin Barnier
professeur en études cinématographiques
université Lumière Lyon II

 

1. Il est recommandé de l’écouter sur le DVD accompagnant le livre Le Muet a la parole plutôt qu’avec le coffret DVD « Gaumont : le cinéma premier , volume 1 ». Dans ce coffret, le coq est accompagné d’une musique actuelle, sans que cela soit indiqué.

Source: Commemorations Collection 2010

Liens