Page d'histoire : Premier passage du métro sous la Seine Janvier 1910

Photographie du chantier de congélation du petit bras de la Seine en 1909
© RATP

Que se passe-t-il ce matin de janvier 1910 à Paris, place du Carrefour de l’Odéon ?

Un attroupement éveille la curiosité des passants. Des fiacres arrivent de toute part puis se rangent le long du trottoir. Des hommes en haut de forme en descendent et se hâtent, sous une pluie diluvienne, pour aller s’engouffrer dans la station de Métro ! C’est un événement qui fait courir tout Paris : l’ouverture de la ligne numéro 4 du Métropolitain, Porte de Clignancourt-Porte d’Orléans, celle qui passe sous la Seine.

C’est une prouesse technique, l’aboutissement de quatre années de travail sous la direction de l’ingénieur Fulgence Bienvenüe nommé depuis peu Inspecteur général des Ponts et Chaussées de 2e classe. C’est lui qui a été chargé de mettre en place le gigantesque chantier du Métropolitain. Enfin une reconnaissance officielle ! Car depuis près de 10 ans que roule son cher Métro, il n’y a pas eu d’inauguration. Prudence de la haute administration, sans doute ! Mieux valait voir comment ce nouveau moyen de transport serait accepté par les Parisiens. Or, non seulement les Parisiens l’avaient accepté mais ils ne pourraient plus s’en passer.

Voici l’ingénieur Bienvenüe, entouré de ses adjoints et de plusieurs représentants de la Compagnie du Métropolitain, il accueille ministres, préfets et autres officiels et les dirige vers une rame entièrement décorée pour l’occasion de guirlandes de feuillages. Ils vont aller de la station Odéon à celle du Châtelet avec un arrêt à la Cité, parcourant ainsi ce passage sous-fluvial qui a posé tant de problèmes, ce long et difficile chantier mettant en œuvre les premières réalisations mondiales de deux nouvelles techniques : la construction d’un tunnel sous-fluvial par fonçage de caissons et celle d’un souterrain en zone inondable par congélation du sol.

L’inspecteur général explique qu’il a fallu surmonter plusieurs difficultés : passer sous le chemin de fer d’Orléans en bordure du quai Saint-Michel et travailler en terrain aquifère, ce qui a nécessité cette congélation du sol sur une longueur de 64 mètres par 57 forages de 17 mètres de profondeur recevant en circuit permanent une injection de saumure de chlorure de calcium refroidie à moins 27 degrés afin d’obtenir un terrain gelé et sec.

Ce que l’ingénieur Bienvenüe se garde bien de rappeler, c’est qu’il aurait été beaucoup plus simple et beaucoup moins coûteux de faire passer cette ligne Clignancourt-Porte d’Orléans au niveau du quai Conti, mais que le risque d’ébranler l’Institut avait déclenché un tollé. Il en avait donc été réduit à faire ce détour tout en prévenant que « l’aventure ne pouvait être tentée qu’avec de très grands frais et au prix de très gros risques ».

Les risques avaient été surmontés, l’heure était à la reconnaissance. Bienvenüe avait, une fois de plus, réussi à vaincre les difficultés de l’entreprise.

Il lui resterait encore bien d’autres combats à mener. D’autres lignes allaient être ouvertes prochainement.

Le réseau du Métropolitain allait continuer à s’étendre et Fulgence Bienvenüe ne s’accorderait une retraite bien méritée qu’à l’âge de… 81 ans.

Monique Le Tac
journaliste

Source: Commemorations Collection 2010

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