Page d'histoire : Alexandre-Théodore Brongniart Paris, 15 février 1739 - Paris, 6 juin 1813

Vue de la porte de la Bourse en face et à l’extrémité de la rue Vivienne (Projet)
© Gérard Leyris/Musée Carnavalet/CAG
 

Jusqu’à une période récente, où suite à la dématérialisation des opérations boursières, le Palais Brongniart est devenu un “ Centre de conférences et d’évènements classique - véritable basilique antique dédiée à la finance - qui a abrité, au cœur de Paris pendant près de deux siècles, l’un des principaux marchés d’Europe, a contribué à faire connaître le nom d’un architecte dont la brillante carrière illustre la complexité et les aléas de cette profession, de la fin de l’Ancien Régime à la Révolution et à l’Empire.

Le fait que l'on ait, exceptionnellement, conservé la totalité du fonds documentaire de son agence, aujourd’hui au Cabinet des dessins du Musée du Louvre, permet de mesurer l’extrême diversité de sa pratique qui embrasse aussi bien l’architecture civile que religieuse, l’urbanisme lié aux grandes spéculations foncières des règnes de Louis XV et de Louis XVI, les arts décoratifs (projets pour la Manufacture de Sèvres), ainsi que la création de jardins privés dans le goût pittoresque qui sera à l’origine de son chef-d’œuvre absolu, le Père-Lachaise.

Élève de Jacques-François Blondel dont il retient l’art virtuose de la distribution des demeures, mais aussi de Boullée dont il n’oubliera jamais certaines visions utopiques, Brongniart, grâce à son entregent, commence très tôt une carrière liée à cette véritable passion de construire qui avait alors saisi les plus hauts personnages de l’aristocratie et entraîna la création de nouveaux quartiers sur les deux rives de la Seine. Dès 1765, il acquiert d’importants terrains à la Chaussée d’Antin où il édifie son premier hôtel pour la marquise de Montesson, épouse morganatique du duc d’Orléans (1770-1771), commande qui lui assurera la protection de la haute aristocratie et du milieu de la finance. Si l’urbanisme haussmannien a fait disparaître la totalité de ces “ folies ” et autres “ petites maisons ” d’actrices, il n’en est pas de même sur la rive gauche qui conserve un vaste pan de la mémoire des tracés urbanistiques de l’architecte dans le quartier des Invalides, autour de la place de Breteuil, ainsi que d’importants hôtels particuliers (Hôtels de Montesquiou 1781, de Bourbon-Condé 1782, de Masseran, sa propre maison au coin de la rue Oudinot).

Parmi son œuvre inspirée de “ jardineur ”, l’Élysée de Maupertuis (Seine-et-Marne), conçu en collaboration avec Hubert Robert pour le marquis de Montesquiou, perpétue encore de nos jours cette sensibilité particulière à l’art paysager de la fin de l’Ancien Régime et préfigure ce vaste jardin du recueillement et du souvenir qu’il dessina pour le Père- Lachaise (à partir de 1804), véritable archétype du cimetière moderne, dont on oublie trop qu’il reste, de concert avec la Bourse, l’une des plus remarquables réalisations de l’Empire.

Monique Mosser
ingénieur au CNRS (Centre André Chastel)

Voir Célébrations nationales 2004

Source: Commemorations Collection 2013

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